REGLEMENTATION. Pour absorber une partie des surcoûts liés au covid-19, les pouvoirs publics étudient la piste de la clause d'indexation, qui permettrait de faciliter la prise en charge par les maîtres d'ouvrage publics d'une partie des surcoûts liés au covid-19.
"Nous devons fixer un objectif ambitieux : 100% des chantiers doivent avoir repris d'ici à la fin du mois de mai." C'est Julien Denormandie, ministre de la Ville et du Logement, qui l'a affirmé ce 12 mai, sur BFM business. Le matin même, il visitait un chantier en reprise d'activité, considéré comme exemplaire, en compagnie de la ministre du Travail, Muriel Pénicaud, à Montévrain (Seine-et-Marne). Le Gouvernement souhaite accompagner ce mouvement de relance, qui passe notamment pas la réponse à la question fatidique : qui paiera les surcoûts liés aux mesures sanitaires, et aux retards en tous genres liés au covid-19 ? Sur le chantier en question, une solution a visiblement été trouvée pour couper la poire en deux en la matière, entre l'entreprise et le promoteur. "Voici l'exemple d'un promoteur qui a su accompagner l'entreprise dans la démarche et la prise en compte des surcoûts", explique à Batiactu Jacques Chanut, président de la Fédération française du bâtiment (FFB), présent lors de la visite ministérielle. "Nous, entreprises, n'attendons que ça. Car nous n'avons pas les moyens de prendre en charge l'ensemble des frais supplémentaires. Pour rappel, en 2019, qui était une bonne année, le taux de marge de nos entreprises se situait aux alentours de 1-2%."
Vers des clauses d'indexation liées à l'imprévisibilité ?
En marchés publics, les pouvoirs publics travaillent sur plusieurs pistes pour faciliter la gestion de ce problème. "Nous sommes en discussion avec le ministre de l'Économie, Bruno Le Maire, pour trouver un système de clause d'indexation liée à l'imprévisibilité", nous explique Jacques Chanut. "Cela offrirait la possibilité juridique pour les maîtres d'ouvrage publics, comme les maires, d'augmenter le prix du marché de manière à compenser une partie du surcoût. Ce qui est plus rapide et efficace que de faire un avenant au contrat initial." Cette solution rapide à mettre en œuvre permettrait aussi de rassurer les banques. Sur Batiactu, le ministre de l'Économie Bruno Le Maire précisait récemment qu'en marchés publics les maîtres d'ouvrage "participent à la prise en charge des surcoûts liés à l'acquisition de matériel de protection sanitaire, à la nouvelle organisation des chantiers, aux problèmes de déplacement et d'hébergement".
Les professionnels du bâtiment estiment un tel dispositif aussi indispensable que le chômage partiel ou les prêts de trésorerie garantis par l'État. Du côté de la Fédération nationale des travaux publics (FNTP), également contactée par Batiactu, on reconnaît qu'il s'agit là de l'une des pistes qui sont sur la table. Mais cela n'est pas la seule, et les TP préfèreraient la voie de l'allègement de charges, dans la mesure où, sur chaque chantier, le surcoût n'est pas de la même importance. Et que l'on ne sait pas encore combien de temps durera la crise sanitaire. Augmenter les prix des marchés, pointe la fédération, soulève également le risque de peser sur les moyens financiers de la commande publique. Quoi qu'il en soit, l'État devrait trancher rapidement, avec l'aide du rapport réalisé par le préfet Philippe Mahé, missionné pour plancher sur le sujet.
Il faut "faire retravailler les artisans", demande le ministre du Logement
Le ministre Denormandie a d'ailleurs annoncé que des décisions sur la gestion des surcoûts étaient en voie de "finalisation". "Nous avons déjà fait en sorte que les pénalités de retard puissent être aménagées lorsque les chantiers avaient pris du retard", a-t-il expliqué. "Dans certains cas, il faudra que les acteurs se mettent autour de la table, répertorient et se répartissent les surcoûts. Cela se fait déjà dans beaucoup de cas. Mais nous ne fixerons pas cela dans la loi."
Reste également la question de la reprise des travaux chez les particuliers, et à ce titre Julien Denormandie a de nouveau lancé un appel aux citoyens à "refaire travailler les artisans". Rappelant au passage que le dispositif MaPrimeRénov avait été accessible durant la majeure partie du confinement. "Mais en dernière analyse, c'est toujours le client qui décide si on repart ou pas", note Jacques Chanut. "Nous devons tous être intelligents, et trouver de 'mauvais' arrangements, dans la mesure où en cette période chaque acteur est forcément perdant. Mais tout le monde gagnerait à ce que les chantiers en cours soient terminés, même si tous ne gagneront pas d'argent dessus, et chacun a intérêt à ce que ses partenaires soient encore debouts demain !"