CONJONCTURE. La crise du logement inquiète fortement la Fédération du bâtiment et des travaux publics des Bouches-du-Rhône. Cyril Sauvat, président de ce syndicat, revient sur les conséquences de cette crise sur l'activité du secteur.
La crise du logement neuf sévit partout en France. C'est particulièrement le cas dans les Bouches-du-Rhône. En août 2023, les permis de construire de logements (tout confondu) avaient chuté de 33,8% par rapport à la même période l'année précédente, selon la Fédération du bâtiment et des travaux publics des Bouches-du-Rhône (FBTP 13). "C'est une baisse monumentale, et la situation ne s'est pas arrangée depuis", regrette Cyril Sauvat, président de la FBTP 13, joint par Batiactu. "Nous voyons déjà les effets mortifères sur les mises en chantier. Là aussi, la baisse est très importante, de l'ordre de 20% en un an sur les logements." Un chiffre qui n'est pas négligeable pour l'activité des entreprises du département.
En outre, les ventes de logements neufs se sont effondrées (-40%) en un an, toujours selon le syndicat. "C'est énorme", réagit Cyril Sauvat. "Le département enregistre une demande immobilière croissante et fait face, notamment à Marseille, au problème de mal-logement." Dans la cité phocéenne, la municipalité cherche à favoriser les rénovations et réhabilitations. Si la FBTP 13 soutient ce type de travaux, elle appelle aussi à construire. "On peut rénover des bâtiments traditionnels marseillais mais on ne pourra pas accomplir des choses extraordinaires en termes de confort thermique. Raser certains édifices pour construire, à la place, des bâtiments neufs permettrait à ces constructions d'être plus performantes énergétiquement et d'offrir plus de logements à la population", estime Cyril Sauvat.
Un contexte économique fragile
Le nombre de permis de construire et de mises en chantier n'était "déjà pas très conséquent" avant août 2022. Dans ce territoire, il n'avait pas retrouvé son niveau d'avant-crise sanitaire. "Cela s'explique par un contexte économique fragile. " Les sociétés et artisans ont essuyé plusieurs crises en trois ans : pénuries et hausses des prix des matériaux, augmentation des prix de l'énergie, inflation. Ils sont aussi impactés "par des réglementations et applications locales", pointe le porte-parole de la FBTP 13. Ce dernier prend pour exemple l'objectif national de zéro artificialisation nette (Zan), visant notamment à lutter contre l'artificialisation des sols en permettant la densification de l'habitat, et la renaturation d'espaces artificialisés laissés à l'abandon. Si la mesure n'a pas encore été mise en place à l'échelle du pays, "elle est souvent appliquée, dès aujourd'hui, dans les plans locaux d'urbanisme (PLU) de grandes communes".
Les autres points d'inquiétudes du syndicat ? La hausse des taux d'intérêt dans l'immobilier, "limitant l'endettement des ménages et, en fin de compte, la création de logements", la modification du prêt à taux zéro (PTZ) [qui s'adresse aux primo-accédants et sera "recentré" sur les zones tendues], et la suppression du dispositif Pinel [ouvrant droit à une réduction d'impôt sur le prix d'achat d'un logement mis en location, sous conditions]. "Au moment où le PTZ était utile, on le modifie. C'est une erreur stratégique", juge le chef de file de la FBTP 13, qui aimerait également qu'un dispositif "plus équitable" soit prévu pour remplacer le Pinel. "On se retrouve à n'avoir plus aucune aide et un marché qui s'effondre."
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Quid des entreprises ?
Les conséquences pour les entreprises du BTP sont majeures. "L'évolution de notre activité, entre la rénovation et la construction cette année, s'élève à 0%", chiffre Cyril Sauvat. L'homme ne cache pas son inquiétude et rappelle l'estimation de la Fédération française du Bâtiment, qui prévoit un recul d'environ 8% de l'activité du bâtiment au niveau national à l'horizon 2025 si la crise du neuf s'enlise. Cela représenterait 14 milliards d'euros en mois, et 150.000 destructions de postes. "Moins d'emplois, c'est une perte de technicité assurée pour le secteur", affirme le président de la FBTP 13. "Notre activité est évaluée à 7,5 milliards d'euros pour l'économie des Bouches-du-Rhône. La protéger, c'est assurer la conservation d'emplois, notamment chez les intérimaires - une population déjà fragile - , et maintenir la formation."
En attendant, les entreprises du département n'ont d'autre choix de que de traverser cette crise et ont, pour beaucoup, "lourdement baissé leurs taux de marge, qui étaient déjà très faibles". Cyril Sauvat craint que les prochains mois soient plus difficiles encore, et que les trésoreries soient davantage fragilisées après le remboursement du prêt garanti par l'Etat (PGE), mis en place durant la crise du Covid-19. En attendant, le syndicat imagine des solutions, parmi lesquelles le "soutien à l'investissement privé pour les ménages souhaitant acquérir un logement neuf" et le "ré-élargissement du PTZ". "Le PTZ rapporte, en moyenne, 35.000 euros à la Nation grâce, notamment, à la TVA. Il faut arrêter de véhiculer l'idée que le prêt coûte à l'Etat. Au contraire, il alimente ses caisses."