Le chef du gouvernement italien Silvio Berlusconi a posé symboliquement mercredi "la première pierre de Moïse", un chantier pharaonique et contesté de digues mobiles destinées à protéger Venise des inondations.

Le patriarche Angelo Scola a béni un bloc de 14 tonnes de béton dans lequel M. Berlusconi a scellé un parchemin dédié à la "cité du monde", inscrite au patrimoine mondial de l'humanité. Le document évoque l'événement à l'intention des générations futures.

L'imposante barge transportant la gigantesque "première pierre" s'est ensuite dirigée vers l'une des bouches de la lagune, Malamocco, où elle devait être coulée.

La cérémonie, devant 350 invités triés sur le volet, évoquait celle qui voyait le doge lancer son anneau dans la lagune pour célébrer les noces entre Venise et la mer, le jour de l'Ascension.
"La sauvegarde de Venise vient en tête des préoccupations du gouvernement", a déclaré le président du Conseil, rappelant que ce chantier faisait partiedes grands travaux promis pendant sa campagne électorale en 2001.
"C'est une journée historique, une oeuvre pour le futur que peu d'entre nous pensaient voir se réaliser", a ajouté le président de la Vénétie, Giancarlo Galan.

Moïse, en italien "Mose", nom du patriarche biblique mais aussi acronyme de - Modulo sperimentale elettromeccanico - (Module expérimentalélectromagnétique), est en effet l'aboutissement de 37 ans d'études, de polémiques et de reports.

L'idée s'est imposée quand le 9 novembre 1966, une marée haute catastrophique (acqua alta) a causé d'énormes dommages à la cité d'art. Mais il a fallu attendre plusieurs autres marées hautes pour que le gouvernement italien proclame la sauvegarde de Venise cause d'intérêt national en 1973.

C'est en 1988 que les ébauches du projet actuel sont sorties des cartons du Consortium Venezia Nuova, concessionnaire de l'Etat pour la sauvegarde de la cité des Doges.

Le projet comprend 78 digues, en fait des sortes de grands caissons, d'une longueur totale de près de 1.600 mètres, réparties en quatre tronçons aux entrées de la lagune de Venise avec l'Adriatique.

En temps normal, ces digues seront posées sur le fond de la mer, remplies d'eau. En cas de marée haute dépassant les 110 cm du niveau normal de la mer, de l'air y sera injecté et elles s'élèveront progressivement pour fermer les entrées de la lagune.

Le chantier Moïse et ses opérations annexes coûtera environ 6 milliards d'euros, selon les chiffres prévisionnels du ministère des Infrastructures et du Transport, et les travaux dureront jusqu'au début de la prochaine décennie.
Il donnera du travail directement à plus de 2.000 personnes par an.

Mais les inquiétudes des écologistes persistent, malgré les corrections sans cesse apportées au projet, n'ont cessé de différer son approbation définitive à la fin 2002.

Une cinquantaine de petites embarcations, avec à leur bord environ 200 manifestants - écologistes et militants d'extrême gauche - attendaient M. Berlusconi à son arrivée au collège Naval Morosini. Elles ont été repoussées, sans incidents, par des vedettes de la police.

Plusieurs associations de défense de l'environnement et les verts ont demandé en vain une referendum local, espérant faire encore capoter le projet.
Les écologistes estiment que Moïse va modifier l'équilibre écologique de la lagune et que la meilleure solution consisterait à interdire le trafic des bateaux de croisière, des pétroliers et des cargos à l'intérieur de celle-ci.

Venise est de plus en plus souvent victime de l'"acqua alta" (hautes eaux), le terme utilisé pour désigner une marée d'une hauteur exceptionnelle, qui provoque des inondations dans de nombreux quartiers bas en particulier la célèbre place Saint Marc.
Les Vénitiens sont habitués à circuler sur des passerelles provisoires et à sortir leurs bottes. Reste que l'enjeu est de taille car Venise s'est affaissée de 23 cm au cours du 20 siècle et, selon les experts, elle devrait s'enfoncer d'autant encore au 21ème siècle.

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