L'Académie des Technologies estime que le développement d'immeubles et de quartiers à énergie positive serait moins efficace pour lutter contre le réchauffement climatique que de s'orienter vers des bâtiments et territoires à "basses émissions" de gaz à effet de serre. Décryptage.

Depuis l'automne 2016, la France s'est engagée devant les Nations Unies et les autres signataires de l'Accord de Paris sur le climat, à diminuer ses émissions de gaz à effet de serre (GES). Les mesures pour y parvenir, dont l'amélioration de l'efficacité énergétique et le développement d'énergies alternatives, sont subordonnées à cet engagement. L'Académie des Technologies s'inquiète toutefois que la future réglementation environnementale des bâtiments ne prenne pas en compte ce paradigme en continuant de pousser au développement de construction et territoires à énergie positive (BEPos et TEPos), sans évaluer le coût de la tonne de gaz à effet de serre évitée. Cependant, dans l'actuelle expérimentation E+C- (pour "énergie plus, carbone moins") qui préfigure en partie la réglementation de demain, les aspects de réduction des émissions de gaz carbonique sont bien intégrés. De même, le label BBCA, pour Bâtiment Bas Carbone, vise à limiter les émissions de gaz carbonique sur l'ensemble de son cycle de vie.

 

 

L'Académie précise : "Assurer un bilan énergétique annuel positif d'un bâtiment (ou d'un territoire) n'assure pas de limitation des émissions de GES et n'a pas de sens économique. En effet, pouvoir compenser sur l'année l'usage d'énergies fossiles par la production d'électricité photovoltaïque ou d'autres renouvelables, ne garantit pas la limitation des émissions de GES, même s'il existe des réalisations de BEPos remarquables sur les plans énergétiques et économiques comme sur celui des émissions de GES". Une approche purement énergétique serait donc un non-sens économique, puisqu'elle se résumerait à penser qu'il est possible de compenser les moments où l'énergie est rare et chère par d'autres où elle est abondante et peu chère.

 

Passer du BBC au BBE

 

 

Les scientifiques proposent donc de promouvoir la production de chaleur, plutôt que d'électricité, par les EnR, qu'il s'agisse de chauffages à accumulation, de ballons d'eau chaude, de réseaux de chaleur, de solaire thermique ou de récupération de chaleur fatale. La production de chaleur par une source électrique devrait même être affectée d'un coefficient équivalent, au minimum, à celui du gaz naturel dès lors que ce courant aurait un faible contenu en GES (inférieur à 100 grammes de CO2/kWh). Ils recommandent également que le bâtiment soit pensé "comme un système énergétique à optimiser entre usages de l'énergie, apports via les réseaux et production locale à base de renouvelables, pour minimiser les émissions de GES". Une recommandation qui passe par le développement de moyens de stockage d'électricité et de chaleur, pour assurer des transitions jour/nuit, mais également sur des rythmes plus longs, hebdomadaires et saisonniers.

 

Enfin, l'Académie entend introduire la notion de bâtiment basses émissions (BBE), avec un niveau de base de kg de CO2/m², comme socle de la réglementation future. Ceci "pour éviter la construction de bâtiments neufs, qui seront encore présents à la fin du siècle, émettant des quantités de gaz à effet de serre significatives". De la même façon, elle souhaite promouvoir des territoires basses émissions plutôt que des TEPos, un concept qui risque "de pousser à utiliser des ressources locales coûteuses au lieu d'en utiliser d'autres moins coûteuses d'un territoire voisin". Les collectivités sont ainsi appelées à "participer à l'efficacité globale des systèmes dans un esprit de solidarité nationale". Rappelons toutefois que l'écriture de la future réglementation n'est pas encore amorcée puisqu'il faudra attendre les retours d'expérience d'E+C- qui orienteront les choix et définiront les seuils à atteindre en termes de consommations et d'empreinte carbone. Cette expérimentation constituera de ce fait une marche intermédiaire entre l'actuelle RT2012 et la réglementation environnementale de demain, qui n'apparaîtra sans doute qu'après 2020.

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