La seule centrale électrique française produisant du courant à partir de la chaleur du sous-sol, propriété du BRGM et d'EDF, devrait passer sous pavillon américain. Une opération de bon sens, selon son directeur général, qui permettra de financer son développement.
La centrale géothermique de Bouillante (Guadeloupe), située à quelques kilomètres de la Soufrière, intéresse le groupe américain Ormat Technologies, spécialiste de ce type d'énergie. Propriété de l'entreprise publique Géothermie-Bouillante, détenue à près de 98 % par le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) et par EDF, cette usine de production d'électricité a besoin de fonds pour se développer. Le directeur de l'établissement, Didier Gauthier, déclare à l'AFP : "C'est une opération dictée par le bon sens. La mission principale du BRGM est la recherche, et non le développement d'un outil industriel. Le groupe, endetté, n'avait pas les moyens de son développement".
Le dossier d'investissement américain, d'un montant estimé de 52 M€, a déjà été discuté au plus haut niveau, au mois de décembre 2015 et Ormat annonce avoir reçu le soutien de Ségolène Royal et d'Emmanuel Macron. La ministre de l'Ecologie aurait notamment déclaré : "Puisque la France est le pays hôte de la COP21, la décision d'Ormat (…) d'investir à la Guadeloupe, pour pousser le développement d'une source d'énergie propre et durable démontre, encore une fois, que notre pays est une destination intéressante pour des investissements de la part d'entreprises soucieuses de l'environnement". Des clauses suspensives restent à lever. Le directeur, Didier Gauthier, précise : "Nous nous donnons jusqu'à la fin septembre pour parvenir au 'closing', c'est-à-dire la remise des clés".
Multiplier la puissance par 3 d'ici à 2023
L'unité guadeloupéenne de géothermie haute énergie dispose d'une puissance nominale de 14,75 MW dont seulement 10 MW sont exploités actuellement. Ormat explique vouloir retrouver la puissance initiale des deux turbines d'ici à la mi-2017, avant de poursuivre les développements en modifiant les installations actuelles par phases. La société Géothermie-Bouillante dispose en effet de deux permis d'exploration et exploitation pour une capacité supplémentaire de 30 MW, ce qui pourrait porter la puissance totale de la centrale à 45 MW, d'ici à 2021-2023. L'an passé, l'unité française a produit 83 GWh de courant électrique, couvrant seulement 4 % de la consommation insulaire. En tout, 17 personnes travaillent sur place et seront conservées par l'entreprise américaine.
Le groupe Ormat entend faire de la centrale une vitrine pour son développement dans l'espace Caraïbe. Il est déjà présent dans une quinzaine de pays du globe, dont l'Islande, la Turquie, le Japon, le Kenya et le Guatemala. L'entreprise, qui emploie 470 personnes en tout, exploite 666 MW de puissance géothermique et souhaite s'implanter durablement dans les Antilles, d'où il est encore absent. La région, volcanique, recèle d'un important potentiel de production électrique à partir de la chaleur du sous-sol, où dans des couches profondes, la température oscille entre 100 et 350 °C. Les plus gros potentiels de croissance se situent en Afrique (le marché devant quasiment décupler en dix ans), dans la zone Asie-Pacifique (multiplié par 4) et en Amérique centrale et Caraïbes (doublement), selon l'Ademe et CapGemini.