Avec son projet "Transition Zéro", la Commission européenne souhaite transposer en France, une recette qui fonctionne aux Pays-Bas, la méthodologie "EnergieSprong". Cette dernière, expérimentée depuis 4 ans, doit permettre de massifier la rénovation énergétique jusqu'à un niveau zéro énergie, grâce à l'utilisation d'éléments préfabriqués performants. Détails.
"Il faut voir grand dans la vie ! Quitte à rénover énergétiquement un logement dans le futur, autant le faire pour atteindre le niveau zéro !". L'inventeur génial de Retour vers le Futur, Doc Brown, ne renierait pas cette réplique. Pourtant, l'initiative "Transition Zéro" n'est pas tout à fait de la science-fiction mais, tout au plus, de l'anticipation. Lancé par la Commission européenne via son programme de recherche et innovation Horizon 2020, ce projet vise à transposer en France (et au Royaume-Uni ainsi qu'au Luxembourg) une méthodologie hollandaise de rénovation des habitations, dite "EnergieSprong". Cette dernière est sensée pouvoir massifier le nombre d'opérations tout en atteignant un niveau zéro énergie, grâce à une meilleure efficacité énergétique et une production locale d'énergies renouvelables. La recette miracle de la transition écologique, en somme.
Super-isolation à la vitesse grand V
En France, c'est un panel de partenaires qui s'emploiera à déployer l'approche batave, dont le cabinet de consultants GreenFlex, le Centre Scientifique et Technique du Bâtiment (CSTB), l'Union sociale pour l'habitat (USH) et le pôle de compétitivité alsacien Fibres-Energivie. Sébastien Delpont, directeur associé de GreenFlex, relate : "L'ambition d'EnergieSprong est d'engager un véritable changement d'échelle de la rénovation énergétique des logements, en alignant les intérêts des acteurs de tout l'écosystème". Mais comment "massifier" les rénovations énergétiques et atteindre le niveau visé, très ambitieux ? D'abord en pré-industrialisant les rénovations, "sans pour autant les uniformiser", préviennent les partenaires français, ceci afin d'en "alléger drastiquement les coûts et en améliorer la qualité". La garantie d'une consommation énergétique nette nulle sur 30 ans, permettrait de mieux convaincre les occupants, bailleurs, autorités et financeurs des opérations. Le surinvestissement nécessaire serait couvert à 100 % par les économies réalisées sur la même période, via des prêts ou un tiers-financeur parapublic. Autre argument : la pré-fabrication permettra de réaliser des travaux en site occupé en seulement une semaine, contre trois mois pour un chantier classique, soit un gain de temps de… 92 %. Enfin, toujours afin de rendre la démarche plus attrayante auprès des occupants, les travaux embarqueront également une réfection de la cuisine et/ou de la salle de bain !
L'objectif, dans l'Hexagone, sera de parvenir à contractualiser 5.000 rénovations de ce type dans les trois ans. Une dizaine d'entreprises et de bailleurs sociaux auraient déjà manifesté leur intérêt pour le projet et tester cette approche sur des sites pilotes. C'est notamment le cas de Vilogia et ICF Habitat qui prévoient de réaliser des chantiers prototypes. L'initiative de transposition d'EnergieSprong en dehors des Pays-Bas, est soutenue par une subvention européenne de 5,4 M€, dont plus de la moitié sera redistribuée aux participants (Moat et Affinity Sutton au Royaume-Uni, Fonds du Logement au Luxembourg). Une autre partie du budget (1,6 M€) sera destinée aux équipes de développement des marchés d'EnergieSprong dans les trois pays "pour rendre les conditions d'accès au marché plus favorables". Pour autant, le nombre d'opérations effectivement réalisées en quatre ans aux Pays-Bas n'est pas encore renversant : 1.000 rénovations correspondant aux exigences ont été livrées, et 10.000 ont été contractualisées (dans un pays de 17 millions d'habitants). Environ 100.000 autres seraient en cours de négociation, un chiffre à rapprocher des 500.000 logements à rénover en France chaque année… La massification n'est pas encore là.
à lire aussi
Des performances réelles qui seront scrutées
Afin de valider l'efficacité réelle des opérations, c'est le CSTB qui procèdera à des mesures. Jean-Christophe Visier, le directeur Energie-Environnement du centre, précise : "Vérifier que les performances promises sont au rendez-vous est essentiel dans le projet pour objectiver les résultats des travaux et soutenir la confiance des acteurs dans une démarche collective à grande échelle. Les méthodes du CSTB - ISABELLE et REPERE - permettent d'obtenir des indicateurs fiables au service de la garantie de performance". Pour Christophe Boucaux, directeur de la Maîtrise d'ouvrage et des politiques patrimoniales à l'USH : "EnergieSprong est avant tout une démarche qui, au-delà des réponses techniques qui seront apportées, vise à optimiser le modèle économique de la rénovation énergétique au bénéfice des locataires et des bailleurs".