UN PROJET/UNE PARTICULARITE. Dans le cadre du projet universitaire et urbain de Villetaneuse (Seine-Saint-Denis), la construction d'une passerelle, aux formes douces et au revêtement de bois, a permis de renforcer le lien entre les quartiers séparés par les voies de circulation et permettre l'accès à la gare pour les personnes à mobilité réduite. Daniel Vaniche, l'architecte, nous en dit plus.
Très attendue par les habitants du quartier de la cité Allende et du pôle universitaire, la nouvelle passerelle de Villetaneuse est devenue, en une année, un point de repère urbain. L'ouvrage d'art est né d'un paradoxe : afin de mieux desservir la ville par les transports en commun, deux lignes lourdes sont actuellement en cours de construction. Le tramway de la ligne 8, desservant Saint-Denis, Villetaneuse et Epinay-sur-Seine, et la tangentielle Nord, reliant Sartrouville à Noisy-le-Sec, dont la correspondance sera assurée à la gare de Villetaneuse-Université. Mais la concentration de réseaux et de voies de circulation qui en découlent accroissent la coupure urbaine entre le nord et le sud de la ville… La passerelle a donc eu pour fonction de renforcer le lien entre ces quartiers tout en facilitant l'accès à la gare pour les personnes à mobilité réduite.
Née de la déformation du sol
Voulue comme un "espace public de franchissement", plus que comme une simple passerelle, l'ouvrage devait également être ouvert aux circulations douces tout en enjambant une grande quantité de réseaux. "Les choix formels pour cette passerelle ont été liés à ces questions délicates de protection des personnes et des trains", nous explique Daniel Vaniche, architecte de l'agence DVVD. "Il existe des normes très strictes sur les garde-corps, qui doivent être opaques à 1 mètre et en maille au-dessus et jusqu'à 2,5 mètres du sol. Or, nous avons eu du mal à envisager une passerelle normale avec ces garde-corps. Nous avons donc imaginé une courbe fermée, qui permettait de masquer ce garde-corps, nécessaire mais dur". En élévation, l'ouvrage est donc courbe et se libère des gabarits SNCF, RATP et véhicules. "Pour que son utilisation soit naturelle, nous avons conçu la passerelle comme née de la déformation du sol, tant sur sa longueur pour enjamber les voies, que sur sa largeur pour venir protéger les piétons des caténaires sur les côtés et de la pluie au-dessus d'eux", déclare le cabinet d'architecte dans sa présentation. L'ouvrage d'art prend donc une forme quasi-végétale, de feuille qui s'enroule et se déroule tout au long de la traversée.
"Techniquement, toutes les questions se rejoignent encore", poursuit Daniel Vaniche. "Nous mélangeons architecture et ingénierie. Pour la portée principale, on survole à la fois le tramway, la tangentielle et les voies de fret existantes. Il n'y avait donc aucun accès au sol dans ces zones-là. Pour l'accès à des personnes à mobilité restreinte, la pente devait nécessairement être inférieure à 4°. Les ascenseurs ont donc été positionnés de part et d'autre de la portée de 65 mètres". Essentiels pour l'accessibilité, ils ont également un rôle structurel important puisqu'ils servent de piles intermédiaires associées à des bras en acier inclinés. Les travées latérales, à pente plus forte, présentent des escaliers avec paliers inscrits dans la courbe générale du dessin et des rampes douces continues pour les vélos et poussettes.
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Un chantier relativement court
"Une portée de 65 mètres c'est relativement important, il nous fallait donc quelque chose de léger", confie l'architecte. "Le béton ayant été éliminé d'emblée, restaient le métal et le bois. Mais une structure intégralement en bois aurait été beaucoup plus épaisse à résistance égale. Les poutres, au lieu d'être de 80 cm d'épaisseur auraient été de 130 voire 150 cm. Et tout aurait été plus complexe à mettre en œuvre". Le cabinet DVVD opte donc pour une structure métallique, mieux adaptée au dessin transversal, et un habillage bois. "Car c'est un ouvrage certes technique mais qui a la particularité avec ses deux longues travées latérales, de longer la ville sur une longue distance et de partir du sol", explique Daniel Vaniche. D'où ce revêtement de bois, moins agressif à l'œil et plus protecteur.
Des difficultés ont pourtant été rencontrées, lors de la mise en place de la structure. "Au moment des opérations de grutage, nous étions au maximum des capacités des grues alors disponibles en France (750 tonnes)". La structure métallique a été principalement réalisée par Brisard Grand Travaux, assemblée sur le chantier, par boulonnage ou soudage suivant les zones, puis elle a été habillée de bois et levée, afin de limiter le temps d'intervention au-dessus des voies. "Le chantier n'a pas été très long (10 mois environ), car il était très contraint dans les délais. Le travail en commun avec le maître d'ouvrage, l'EPA Plaine de France, a été très bon. Et la méthodologie du phasage de pose très compliqué a été validée très rapidement par la SNCF", déclare Daniel Vaniche qui se réjouit que, depuis l'entrée en service de la passerelle, à la rentrée 2012, aucune dégradation n'a été constatée. "C'est bien le signe d'un respect pour l'ouvrage", conclut l'architecte.
Ce projet concourt aux Trophées Batiactu 2013, dans la catégorie Construction neuve
Plan masse
La passerelle enjambe des voies SNCF (Tangentielle Nord), des voies de tramway RATP (T8) et un axe routier. Elle permet à la fois de relier les quartiers séparés par ces axes de communication tout en desservant la gare Villetaneuse-Université qui servira de pôle multimodal.
Coupe longitudinale
L'ouvrage de franchissement présente deux travées d'accès inclinées munies d'escaliers à pente constante et de rampes pour les vélos, et d'une travée centrale de 65 mètres de long en surplomb des axes de circulation. Les deux cages d'ascenseurs, situées aux extrémités de cette travée principale servent à la fois de piliers et de point d'accès pour les personnes à mobilité réduite.
Détails structurels
La passerelle dévoile ses secrets de conception.
Vue du ciel
La passerelle dévoile sa géométrie enroulée d'une fausse simplicité.
Crépuscule
Au crépuscule, et au niveau du sol, on apprécie encore les formes et textures douces de l'ouvrage.
Jeu de lumière
Les luminaires intégrés suivent les bords qui se relèvent de la passerelle.
Garde-corps
Tout le travail a consisté à rendre discrets et acceptables les garde-corps imposés par la sécurité des piétons et des caténaires situées en contrebas. Ces éléments doivent être pleins jusqu'à 1 mètre et en maille aérée jusqu'à 2,50 m du sol afin d'éviter tout accident et acte de malveillance.
Revêtement de bois
Afin d'adoucir l'édifice, le revêtement est fait de bois, ce qui accentue encore l'aspect végétal de la construction qui s'enroule sur elle même et ressemble à un bâton de cannelle géant.
Fiche technique :
Projet : passerelle de Villetaneuse (Seine-Saint-Denis)
Maître d'ouvrage : EPA Plaine de France
Architectes-ingénieurs : DVVD
Longueur : 156 mètres
Poids acier : 450 tonnes
Budget : 5 M€
Calendrier : chantier démarré en 2010, inauguration en juin 2012