La norme géotechnique NF P 94-500 a été révisée au mois de novembre 2013. Cette nouvelle version redéfinit les enchaînements des missions d'ingénierie obligatoire, ce qui impacte les maîtres d'ouvrage et les constructeurs. Le point avec Alexis Duthoit, le directeur technique & innovation de Ginger CEBTP.
La norme géotechnique, qui définit les quatre missions d'ingénierie géotechnique successives (G11, G12, G2 puis G4), vient d'être modifiée. "Elle existait dans la version précédente depuis 2006", nous explique Alexis Duthoit, le directeur technique et innovation du groupe Ginger CEBTP. "Si les gros projets suivaient bien la chronologie indiquée, ceux de taille plus modérée ne le faisaient pas forcément : ils ne demandaient plus qu'une G12 (mission d'avant-projet) et faisaient l'impasse sur la G2, en phase projet". La phase G12 s'était ainsi peu à peu étoffée au point de devenir presque suffisante au lancement d'un projet. Une situation susceptible de poser problème en cas de sinistre : le maître d'ouvrage endossait alors une lourde responsabilité. "Pour quelques milliers d'euros économisés sur une G2, c'était cher payé en cas de problème !", s'exclame l'ingénieur.
Quatre nouvelles phases pour coller à la loi MOP
Afin de corriger ce défaut, et de rendre la norme plus lisible aux non géotechniciens, les phases des missions ont été redécoupées afin de correspondre aux phases de la loi MOP (Maîtrise d'ouvrage publique). "Les phases G11 et G12 ont disparu et ont été remplacées par la G1 et une nouvelle G2", détaille Alexis Duthoit. En clair, la mission G1 définit l'étude préliminaire du site, réalisée en amont (l'ancienne G11) et comprend également l'avant-projet sommaire énumérant les principes généraux de la construction (une partie de l'ancienne G12). De son côté, la nouvelle G2 rassemble trois étapes : l'avant-projet (l'autre partie de l'ancienne G12), le projet et le DCE/ACT (dossier de consultation des entreprises, assistance aux contrats de travaux). "On parle désormais d'études géotechniques de conception, ce qui met l'accent sur le dimensionnement des ouvrages", précise le directeur technique.
Mais quel impact cette nouvelle norme aura-t-elle sur les métiers ? "Pour les ingénieurs en géotechnique, la G1 comporte beaucoup de sondages et finalement peu d'ingénierie. En revanche, pour la G2, c'est l'inverse", explique-t-il. Selon le spécialiste, les gros bureaux d'ingénierie continueront à réaliser des G2, tandis que les petits acteurs seront contraints de délaisser cette étape ou d'entamer des discussions avec d'autres acteurs qui disposent de moyens de sondage. "C'est une satisfaction pour les ingénieurs mais un gros point noir pour les petits maîtres d'ouvrage qui vont devoir s'adapter. Les gros auront un travail d'explication à mener sur cette nouvelle réglementation en précisant bien qu'il n'y a plus de G12", souligne Alexis Duthoit. L'ingénieur insiste sur la nécessité d'une G2 complète pour pouvoir procéder à une consultation des entreprises. Car tous les acteurs du milieu ne sont pas encore au fait de cette évolution de la norme.
Baisser la sinistralité
Chez Ginger CEBTP, qui a d'abord réalisé un travail en interne afin que ses 300 géotechniciens basculent à la nouvelle version en mettant à jour leurs outils, les contrats types et les rapports finaux, on estime que la nouvelle norme n'entraînera pas forcément de surcoût : "Si le client final ne faisait qu'une G12, soit la moitié du travail, oui, il y aura un surcoût. Mais pour celui qui faisait correctement l'ensemble du travail, alors non. Le découpage est différent mais le contenu est similaire", fait valoir Alexis Duthoit. Toutefois, l'ensemble sera plus sûr pour le maître d'ouvrage en faisant baisser la sinistralité, l'objectif numéro un de cette évolution normative. "Et ce sera plus clair pour tout le monde", conclut l'ingénieur.