Selon les chiffres publiés mercredi par lInsee, les ménages français ont fortement consommé cet été. En tête des dépenses, les biens déquipement du logement qui ont enregistré une hausse de consommation de +4,4% en juillet et de +3,9% en août.
Mais la progression des achats, qui concerne lensemble des produits manufacturés, surprend les analystes en raison du contexte économique difficile provoqué notamment par la flambée des prix du pétrole.
Selon lInsee, les dépenses de consommation des ménages en produits manufacturés, exprimées à prix constants, corrigées des effets de jours ouvrables et des variations saisonnières, progressent au mois de juillet ainsi quau mois daoût (respectivement +1,2% et +1,9% après +1,5% en juin, révisé de +1 point). Dans le champ commerce, les dépenses sont en hausse de 2% au mois de juillet et de 2,2% au mois daoût.
Parmi les produits les plus consommés, on retient les dépenses de consommation en biens durables qui ont augmenté de 1,9% en juillet et de 2,5% en août. Et surtout, les dépenses en biens déquipement du logement qui sont en hausse en juillet et en août (respectivement +4,4% et +3,9%).
Une surprise pour les économistes
Pour Emmanuel Ferry (Exane), «on a du mal à expliquer une telle évolution» car «tous les déterminants traditionnels sont mal orientés». Et de rappeler «la confiance médiocre, l'emploi en stagnation, la faible augmentation du pouvoir d'achat du revenu disponible, la faible crédibilité du gouvernement». De son côté, Nicolas Claquin (CCF) voit là un «dynamisme inédit depuis début 2000» et observe que ces bons chiffres contrastent avec «les premiers résultats disponibles sur l'état de la conjoncture cet été (qui) étaient plutôt décevants», citant «la baisse de la production industrielle et la baisse des exportations».
Pour M. Claquin, ce résultat est «d'autant plus surprenant que l'été a vu la flambée des prix du pétrole». Le prélèvement pétrolier supplémentaire n'a donc «pas conduit les ménages à modérer leurs dépenses, au contraire. Pourtant, les ponctions de pouvoir d'achat induites ne sont pas négligeables avec notamment la forte hausse des prix du carburant», souligne cet économiste.
Autre constat étonnant: la bonne tenue de la consommation de produits manufacturés se vérifie dans tous les secteurs, en particulier les biens d'équipement du logement, mais aussi dans l'automobile malgré une baisse en juillet, et dans le textile-cuir. Or, dans ce secteur, «si un effet solde est visible en juin et juillet, la poursuite de la tendance en août est là aussi une bonne surprise», note Nicolas Claquin.
Au rang des explications, «la légère baisse du chômage depuis le mois de juin, liée en particulier à la montée en charge des contrats aidés», a pu «dynamiser légèrement le revenu des ménages», avance Nicolas Bouzou (Xerfi). Mais surtout, «ces chiffres exceptionnellement vigoureux dans un contexte de faiblesse du pouvoir d'achat confirment en fait que la consommation reste fragile, dans la mesure où elle s'explique principalement par un recours massif au crédit», avertit Marc Touati (Natexis Banques populaires), exprimant une prudence partagée par ses confrères. Selon lui, «les situations de surendettement risquent de se multiplier et la consommation de corriger ses actuels excès».
Par ailleurs, estime Nicolas Claquin, les chiffres de la consommation des ménages en produits manufacturés sont «une bonne nouvelle pour permettre un rebond de la croissance au troisième trimestre», mais à condition «que cet appétit de consommation se traduise par un soutien marqué à la demande interne». Or, rien n'est moins sûr, selon Emmanuel Ferry, pour qui la France ressemble à «une économie de bazar» : une «économie de consommation sans innovation», avec une «préférence pour les biens importés produits dans les régions à bas coût de main d'uvre», et une «polarisation de l'économie sur des secteurs à faibles gains de productivité», ce qui se traduit par un fort déficit commercial. Il rappelle aussi que la hausse observée par l'Insee est exprimée en volume, et que, dans ce contexte de baisse des prix, «les évolutions en valeur sont plus pertinentes».