Marseille sera la capitale européenne de la Culture en 2013. A cette occasion, le CeReM (Centre Régional de la Méditerranée) ouvrira ses portes à l'extrémité du Vieux-Port. Lieu d'exposition et d'expression du monde méditerranéen contemporain, il se caractérise par une architecture audacieuse doublée d'une prouesse technique : un spectaculaire porte-à-faux habité de 40 mètres. Visite guidée.
Entre le Vieux-Port de Marseille et le quartier de la Joliette, s'opère une véritable mutation : sur l'esplanade du J4, autrefois occupée par des activités portuaires, plusieurs ensembles culturels sont en phase d'édification. Alors que la cité phocéenne sera la capitale européenne de la Culture en 2013, l'extrémité du quartier « Euroméditerranée » va accueillir à la fois le Musée des Civilisations de l'Europe et de la Méditerranée (MuCeM) de Rudy Ricciotti et le Centre Régional de la Méditerranée (CeReM) du milanais Stefano Boeri. Ce deuxième bâtiment, entièrement financé par la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, sera un lieu ouvert, qui accueillera des expositions et spectacles contemporains.
L'architecte a voulu symboliser un trait d'union entre la mer, la terre et le ciel : « La première intention du projet était de faire pénétrer un morceau de mer à l'intérieur du bâtiment… C'est l'élément principal d'union qui oriente, anime et organise le projet tout entier », explique Stefano Boeri. Il conçoit alors un édifice hors du commun, s'enroulant véritablement autour de ce bras de mer artificiel, se déroulant à la fois dessus et dessous. Visuellement, c'est le spectaculaire porte-à-faux de 40 mètres qui frappe les observateurs. Véritable prouesse technique, il est à ce jour unique au monde par sa portée et par sa capacité d'accueil du public (il est dit « habité »). Car le niveau R+3, situé à 19 mètres au-dessus du bassin, accueillera deux plateaux d'exposition de 450 m² reliés par une passerelle à une salle de 150 m² ainsi qu'un belvédère libre-accès sur tout le pourtour.
Calculs vibratoires
Pour réaliser cet exploit architectural, c'est le bureau d'études parisien AR-C qui est consulté. Plus d'un an et demi de calculs sont nécessaires afin de déterminer la nature et la géométrie de la structure capable de donner une réalité au projet. Des bâtiments béton ou mixtes béton-acier sont envisagés mais s'avèrent incapables d'encaisser et d'amortir les vibrations. Car la forme du CeReM est celle d'un gigantesque plongeoir dont l'extrémité sera arpentée par des visiteurs qui génèreront des vibrations. La solution est trouvée en adoptant une structure entièrement métallique. Et afin d'abaisser la fréquence propre en dessous de 1 Hertz (1 oscillation par seconde) et garantir à la fois le confort et la sécurité des visiteurs (le seuil critique se situant aux alentours de 1,8 Hz), c'est une idée toute simple qui a prévalu : comme sur un métronome, plus la masse suspendue est avancée sur la tige, plus le rythme est lent. Un balourd de 200 tonnes en béton sera donc implanté à l'extrémité du porte-à-faux. Le CeReM sera donc un bâtiment à structure acier lourde tandis que son voisin, le MuCeM, sera un bâtiment à structure béton légère : le monde à l'envers.
Et ce porte-à-faux ne représente que la partie émergée de l'iceberg. Car sous la surface, en dessous du bassin artificiel de 2.000 m² et 2,25 mètres de profondeur, se cache le reste du CeReM. L'habillage de béton, percé d'ouvertures, a été pensé comme un ruban parcourant tout l'édifice, depuis la façade arrière jusqu'au toit, en passant par le dessous du porte-à-faux et se prolongeant même jusque dans le fond de la pièce d'eau. Ainsi, des hublots de méthacrylate (PMMA, un thermoplastique transparent connu sous le nom commercial de Plexiglas, Altuglas, Lucite ou Perspex) seront aménagés dans le plafond de l'auditorium de 400 places situé au niveau -2 et donneront une perception verticale de la lumière. De jour, elle proviendra de l'extérieur et traversera l'eau du bassin pour éclairer la salle tandis que de nuit, au contraire, elle en jaillira pour illuminer le bras de mer artificiel.
Devant tant de contraintes, le chantier a été lui aussi exceptionnel. Les travaux de terrassement ont par exemple été l'occasion de découvertes d'ossements du 19e siècle et de bombes datant de la Seconde guerre mondiale, incrustés dans le remblai depuis des décennies. Le montage de la structure acier, par les sociétés du groupe Fayat Metal, a également été complexe. Il a fallu faire venir une grue mobile de 600 tonnes de capacité de levage et disposant d'une flèche de 70 mètres depuis les Pays-Bas. Et les fondations permettant à tout l'édifice de garder l'équilibre s'enfoncent profondément dans le sol, à plus de 35 mètres. En cours de construction, le CeReM devrait être livré d'ici à la fin de l'année pour accueillir les premières manifestations en 2013.
Vue d'artiste
Une vue d'artiste du projet signé par Stefano Boeri (Milan) a qui l'on doit déjà le Bosco Verticale, deux tours végétalisées actuellement en construction en Italie.
Contrairement à ce que l'on peut voir sur cette illustration, et même si le bassin d'eau de mer qui communique avec la Méditerrannée par un chenal pourrait parfaitement le faire par sa taille (2.000 m², 2,25 mètres de profondeur), aucun voilier ni dériveur ne sera autorisé à venir mouiller sous (et sur) le CeReM. La baignade dans le plan d'eau ne sera pas non plus d'actualité, même si des barreaux devraient permettre aux maladroits et aux imprudents de remonter les 1,5 m de quai.
CeReM et MuCeM côte à côte
Les deux grands projets culturels de l'esplanade du J4 au bout d'Euromed : le CeReM au premier plan et le MuCeM au second plan.
Deux projets architecturaux différents, l'un en structure acier lourde, le second en structure béton léger. Deux destinations différentes, l'un étant un lieu d'exposition temporaire et de spectacles contemporains, l'autre étant un musée plutôt tourné vers le passé.
Complémentaires mais néanmoins un peu rivaux. Leur point commun ? Culminer à 19 mètres, afin de ne pas dépasser la hauteur des murailles historiques du fort Saint-Jean.
Vue d'ensemble
La structure métallique du CeReM est encore visible sur les façades latérales. La peau en plaques de béton est installée sur la façade arrière. On remarque les ouvertures qui sont pratiquées et qui se répètent tout au long de l'édifice : sur la façade verticale mais également sur le toit, sous le porte-à-faux où les ouvertures deviennent des éléments de plancher translucides. Le "ruban" se prolonge même sous la surface du bassin apportant de la lumière via des hublots rectangulaires de grandes dimensions à l'auditorium situé au niveau -2, à la verticale de l'auvent et de la pièce d'eau.
Dessous de la structure
La structure en métal est encore partiellement visible. Elle sera bientôt recouverte par la peau de béton qui participe au lest de l'ouvrage, ceci afin de limiter les mouvements oscillatoires de ce plongeoir géant.
Installation des plaques de béton
Des ouvriers s'affairent à l'installation d'une plaque de béton sous le porte-à-faux de 40 mètres de portée. On distingue une des ouvertures pratiquées dans le plancher qui sera remplie par un élément translucide.
Charpente métallique
Les poutres et fermes de la charpente métallique qui ont été réalisées en acier à haute limite élastique (S460) et qui transmettent les efforts en compression et en traction vers les fondations, profondément fichées dans le sol.
La charpente pèse environ 3.300 tonnes, soit la moitié du poids de la tour Eiffel !
Intérieur du porte-à-faux
L'espace dans le porte-à-faux sera aménagé en deux plateaux de 450 m² pouvant être organisés en atelier, salles de réunions, espaces de projection, etc. Ils seront complétés par un belvédère sur le pourtour de l'édifice, accessible librement, de 09h00 à minuit.
Bassin en acier
La cuve du plan d'eau de 2,2 mètres de profondeur (plus 1,5 mètre de hauteur de quai) et 2.000 m² (soit deux piscines olympiques) a été réalisé en acier pour des raisons d'étanchéité.
Conçu comme une coque de bateau à l'envers (contenant de l'eau de mer), ce réservoir communiquera avec la Méditerranée par un chenal. L'acier a été préféré au béton pour des raisons d'étanchéité. En revanche, un traitement anticorrosion et antifouling (contre le développement d'organismes sur les parois) sera appliqué. Il nécessitera une vidange de la pièce d'eau tous les 10 ou 15 ans.
L'eau du bassin sera renouvellée 2 à 3 fois par jour grâce à un système de pompe afin d'éviter toute stagnation dans ce bras mort. L'entretien du CeReM se fera notamment par l'emploi d'une barge qui supportera une nacelle et qui viendra mouiller sous le bâtiment.
Vers l'auditorium
Le niveau -2 du CeReM accueille une agora de 1.550 m² permettant d'installer stands, espaces de démonstration, concerts de musique amplifiée et un auditorium de 400 places, équipé d'une scène de 10 x 15 mètres pour une hauteur de 8 mètres.
Le bâtiment se déploie à la fois au dessus et au dessous de la surface de l'eau, avec véritablement une partie immergée, insoupçonnée.
Ancrages des files
Les ancrages des files B et C (au milieu de la structure) permettent de mieux se rendre compte de la taille des éléments. Et les ancrages des files A et D, aux extrémités de la charpente, sont deux fois plus importants...
Réflexion
La silhouette du CeReM se reflète dans la façade vitrée du MuCeM situé à quelques mètres et lui aussi en chantier. L'ensemble formera un pôle culturel d'envergure, prévu pour être opérationnel au début de l'année 2013, moment où Marseille deviendra la capitale européenne de la Culture.
Situation : Marseille, esplanade du J4 ;
Surface totale : 10.000 m² ;
Equipement : zone d'expositions de 1.250 m², agora de 1.550 m², auditorium de 400 places ;
Budget : 70 M€ dont 40 M€ pour les travaux (financés par la région PACA) ;
Maître d'ouvrage : région PACA (délégation à l'Area) ;
Architectes : Boeri Studio (Milan) mandataire, Ivan Di Pol & Jean-Pierre Manfredi (Marseille) associés ;
Bureau d'études techniques : Philippe Cœur AR&C (Paris) ;
Entreprise : Fayat Metal (Castel & Fromaget, BEC Construction Provence) ;
Calendrier : concours fin 2003, études techniques 2005-2006, livraison fin 2012