SOLUTIONS ET MATERIAUX - Cela tient de la quadrature du cercle : comment réussir à installer un système de chauffage performant dans une église baroque classée à l'Unesco ? En installant, sous un dallage en marbre refait à l'identique, une solution reposant sur des panneaux à plots en polystyrène et une chape flottante mince. Zoom sur un chantier hors du commun.
La Kreuzkirche, ou église Sainte-Croix de Dresde, est une miraculée. A plus d'un titre. Edifié au début du 13e siècle, il s'agit du plus ancien édifice religieux de cette ville de l'Est de l'Allemagne. Renommée pour son chœur de chant composé de garçons de 9 à 19 ans (le Dresdner Kreuzchor), l'église a été plusieurs fois détruite au cours de l'Histoire, notamment au cours de la guerre de Sept ans en 1760. Remaniée dans le style baroque, elle est endommagée pendant la Seconde guerre mondiale lors du raid allié de février 1945, mais elle est la seule église à résister. Située en zone soviétique d'occupation, la Kreuzkirche est restée en l'état pendant plus de 40 ans, jusqu'à la réunification allemande. Classée au patrimoine mondial de l'Unesco, elle portait encore récemment les stigmates de cette longue histoire.
Les autorités luthériennes souhaitaient procéder à une restauration et à l'installation d'un système de chauffage par le sol partiel, au niveau de l'autel et du chœur. "La problématique se situe donc à plusieurs niveaux", explique Olivier Chartier, de la société Schlüter-Systems (solutions d'étanchéité du sol). "Il s'agit d'un monument historique, qui impose donc de conserver l'existant, et le volume d'air à chauffer, très conséquent dans une église, écarte d'emblée les convecteurs électriques". L'Association des architectes des monuments historiques envisageait initialement un chauffage conventionnel à l'eau chaude mais l'épaisseur de mise en œuvre exigée, plus de 90 mm, la rendait inutilisable dans ce contexte de conservation. La solution viendra du produit Bekotec-Therm qui permet au final de respecter les cotes du plan.
Un calepinage en marbre de quatre nuances différentes
L'alternative repose sur le principe d'une chape flottante mince et de panneaux à plots en polystyrène présentant des propriétés isolantes. Les tuyaux de chauffage sont intercalés selon la trame de 75 mm et les plots absorbent les tensions de retrait, permettant de s'affranchir de la mise en place de fractionnements. L'épaisseur de la chape au-dessus des plots varie de 8 à 10 mm, soit 50 % de moins qu'une structure standard et une réduction de 35 mm de la hauteur du système carrelé. "L'épaisseur totale, avec panneaux, chape et natte fait 52 mm hors revêtement", précise Olivier Chartier. La faible épaisseur entraîne également une bonne réactivité du système, les premiers effets de la chaleur à la surface du revêtement se faisant sentir en un quart d'heure.
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Un travail minutieux de 9 mois
La natte Ditra, intégrée au sandwich, permet de répartir de façon optimale et homogène l'air chauffé entre les plots de polystyrène, et prévient la formation de fissures dans le revêtement en empêchant la propagation des contraintes du support. Les travaux, qui ont duré 9 mois en tout, ont débuté par la dépose minutieuse des anciens dallages autour de l'autel, sur plus de 170 m² et de façon à pouvoir en réutiliser le maximum lors de la restauration. Les éléments manquants ou trop détériorés ont été remplacés par des matériaux identiques dénichés par l'entreprise italienne qui avait déjà fourni l'église au 19e siècle ! Quatre qualités de marbre différentes ont été nécessaires, dont deux teintes de rouge, une teinte de vert et une de blanc, ainsi qu'un granit particulier pour les marches menant à l'autel.
Les panneaux à plots ont été posés directement sur les anciennes fondations de l'autel et leur adaptation aux courbes de l'embase a été facilitée par la possibilité de les découper à volonté. Les tuyaux de chauffage ont été insérés entre les plots, puis la chape de ciment a été coulée. Après son durcissement, la natte et les dalles, taillées et placées minutieusement, ont été mises en œuvre. "Nous avons la chance que le diocèse ferme l'église pendant la durée des travaux, permettant de ne pas le mener en site semi-occupé. Faute de quoi, la durée aurait été multipliée par deux !", conclut Olivier Chartier. Aujourd'hui, les petits chanteurs de la Sainte-Croix se produisent donc plus au chaud.
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Dresde, 1945
Dresde a subi un important bombardement au mois de février 1945 qui a quasiment rasé la ville : plus de 7.000 tonnes de bombes sont déversées sur la cité, autrefois nommée la "Florence de l'Elbe", pour la richesse de son patrimoine architectural baroque. La Kreuzkirche échappera de peu à la destruction et gagnera le surnom de "Notre Dame des Courants d'air".
Plan de calepinage
Le calepinage des dalles de marbre et des marches de granit, de style baroque, est très élaboré et a nécessité la plus grande attention, à la fois lors de la dépose afin de préserver un maximum de matériaux d'origine, et lors de la mise en oeuvre des nouvelles dalles.
Abords de l'autel
Les abords de l'autel et la zone du choeur ont été mis sous protection lors du chantier. La surface au sol représente plus de 175 m².
Pose des tuyaux
Les tuyaux de chauffage sont installés dans les espaces entre les plots des panneaux de polystyrène. Ces derniers ont parfois été taillés selon la géométrie de l'autel, suivant des courbes complexes.
Chape mince
Les ouvriers s'affairent à la mise en oeuvre de la chape mince, environ 10 mm.
Natte de désolidarisation
La natte permet la pose de dalles de pierre avec un élancement inhabituel.
Calepinage ouvragé
Le calepinage des dalles qui a fait appel à quatre marbres de teintes différentes, retrouvés en Italie grâce à l'entreprise centenaire qui avait déjà fourni l'église au 19e siècle.
Après les travaux
L'autel, le choeur et les escaliers ont retrouvé une seconde jeunesse après les travaux de restauration.
Extérieur
La Kreuzkirche et son clocher vus de l'extérieur.
Surface du chantier : 177 m²
Epaisseur du système (hors revêtement de carrelage) : 52 mm (dont 10 mm de chape mince)
Réutilisation des matériaux de revêtement originaux : 15 %
Durée du chantier : 9 mois