Les chercheurs du laboratoire de recherche des monuments historiques ont mis au point toute une série de techniques afin de nettoyer sans altérer le béton des édifices du patrimoine. A Paris, l'église Sainte-Odile, datant des années 30, vient de subir un lifting grâce à ces techniques. Au programme : injection et extraction d'eau, puis pelage.
Construite dans le XVIIe arrondissement de Paris dès 1935, l'église Sainte-Odile a la caractéristique de posséder le clocher le plus haut de la capitale, culminant à 72 mètres. Mais cet édifice de béton bâti par l'architecte Jacques Barge a aussi la particularité d'avoir été récemment nettoyé par la technique du pelablee, après une série d'essais menée par le Cercle des partenaires du patrimoine. Créé en 1993 à l'initiative du ministère de la Culture et de la Communication, cet organisme mène notamment avec son mécène, Ciments Calcia, un programme de recherche sur les techniques de nettoyage des bétons anciens. Ces mécénats permettent au laboratoire de recherche des monuments historiques (LRMH) de conduire des études pour permettre de lutter contre les altérations affectant les monuments du patrimoine. Mais ils sont tout aussi bénéfiques aux industriels qui y apportent leurs compétences, puisque les études permettent de faire avancer les connaissances sur les pathologies et la conservation du matériau.
Ne pas altérer le béton
Les méthodes expérimentées par les ingénieurs du LRMH pour le nettoyage du béton sont multiples. Il peut s'agir de nettoyages à base d'eau, soit par pression, par projection de vapeur d'eau, par nébulisation (génération d'un brouillard d'eau) ou encore par injection-extraction, une technique de lavage à l'eau froide sous vide d'air. D'autres techniques employées sont la projection d'abrasifs (fines de verrerie ou calcite), les compresses (laine de roche, argile), le laser ou les produits pelables.
Dans le cas de l'église Sainte-Odile, il s'agissait de nettoyer les salissures, intérieures et extérieures, ainsi que les recouvrements biologiques qui, au fil des années, avaient colonisé le béton armé et les briques en grès rosé de Saverne qui habillent le soubassement.
«Notre mission est de choisir la méthode ou le groupe de méthode le plus efficace et qui altère le moins possible le béton», indique Elisabeth Marie-Victoire, ingénieur de recherche au LRMH. «Une utilisation inappropriée peut se solder en un nettoyage non satisfaisant ou pire, une altération du béton».
Les chercheurs ont aussi mis en avant que les techniques les plus appropriées dépendaient du type d'agression dont avait été victime le béton. Ainsi, les parois extérieures sont sujettes à des salissures dues à la pollution et aux recouvrements biologiques (lichens, mousses…). En intérieur, il apparaît que la surface du béton rose bouchardée de l'église Sainte-Odile était rugueuse, avec des salissures fines liées à la combustion incomplète des cierges et au chauffage.
Choisir la méthode appropriée
«Certaines techniques utilisables en extérieur, sont difficilement utilisables en intérieur», explique Myriam Bouichou, ingénieur de recherche au Cercle des partenaires du patrimoine. «Les techniques de nettoyages par pression de l'eau, par exemple, ne peuvent pas être mises en place car elles pourraient endommager les vitraux et les mosaïques». Aussi, deux techniques sont privilégiées à l'intérieur des bâtiments du patrimoine : celle de l'injection-extraction d'eau (avec deux pressions différentes, 2 et 20 bars), ainsi que les produits pelables à base d'argile. Cette dernière méthode, si elle vise à rendre l'apparence du béton plus agréable, s'apparente réellement à des traitements utilisés dans l'industrie… esthétique ! Le produit pelable est appliqué sur le béton comme une crème, puis, après 24 heures et alors qu'il a pris une consistance solide et élastique, il est décollé, tel un masque de beauté sur le mur. Sur le chantier de l'église Sainte-Odile, c'est le système d'injection-extraction d'eau qui s'est révélé le plus facile à utiliser et qui a donné de bons résultats en termes d'efficacité de nettoyage. Le système par pelage, quant à lui, a été utilisé en intérieur, comme cela avait déjà été le cas il y a quelques années lors du nettoyage du chœur.
Eglise Sainte-Odile
Avant-Après
Vue de la paroi extérieure de l'église Sainte-Odile, avant et après nettoyage.
Intérieur
Intérieur de l'église Sainte-Odile.
Briques
Injection-extraction
Machine servant à l'injection-extraction, une technique de lavage à l'eau froide sous vide d'air.
Eau froide
Injection-extraction à l'eau froide sous vide d'air.
Injection-extraction
Démonstration d'injection-extraction à l'eau froide sous vide d'air.
Injection-extraction
Démonstration d'injection-extraction à l'eau froide sous vide d'air.
Technique du pelage
Application sur le béton d'un produit pelable à base d'argile.
Séchage
Le produit pelable doit sécher au moins 24 heures avant d'être décollé.
Décollage
En se décollant, le produit pelable emmène avec lui les impuretés qui s'étaient incrustées dans le béton.
Décollage
Décollage
Peau
Le produit pelable côté béton, après décollage.
Financement : Etat - DRAC Ile-de-France (201.854 euros)
Ville de Paris (415.080 euros)
Association immobilière du diocèse de Paris (392.336 euros)