DIAPORAMA - Comment passer d'un bâtiment fermé et austère, hospice au 17e siècle, à un campus universitaire agréable et lumineux ? C'est le défi qu'ont relevé les architectes Hilda Sebbag et Brigitte Hellin dans le cadre de l'opération de réhabilitation "Saint-Charles" au centre de Montpellier, où leur travail s'est attaché à conserver l'existant tout en l'exploitant au mieux. Visite guidée.
Alors que les facultés de lettres et sciences humaines sont souvent considérées comme les parents pauvres des facultés, l'université Montpellier 3 bénéficie aujourd'hui d'un équipement que doivent lui jalouser les autres établissements d'enseignement supérieur. Une grande bâtisse du centre-ville, classée à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques, a été réaménagée de façon à la rendre fonctionnelle et agréable pour ses nouveaux occupants. "Le projet remonte à 2003, avec le lancement d'un concours en trois parties", nous explique Brigitte Hellin, architecte en charge de l'opération de réhabilitation, dont la première tranche a été livrée à la rentrée 2011. "Le bâtiment d'origine, un hospice du 17e siècle, était très fermé. Mais sa structure et son plan masse, très purs, avaient valeur d'exemple. Notre projet était de mettre en valeur ses qualités intrinsèques".
Respect de l'existant
Problème : l'hospice comporte, au milieu de cette structure, une chapelle classée Monument historique, totalement intouchable. "Nous avons donc décidé d'inverser les flux de façade et de fonctionnement en inversant l'avant et l'arrière du bâtiment", nous confie l'architecte. L'hospice se présente comme un grand quadrilatère structuré autour d'un axe de symétrie central séparant, de façon quasi-hermétique, le corps de bâtiment en deux zones égales : l'aile des femmes et l'aile des hommes, centrées chacune sur une cour intérieure. "Nous avons rendu la circulation plus fluide par le percement du mur au rez-de-chaussée pour ce qui est devenu un espace collectif (cafétéria), nous avons créé des poteaux pour les services administratifs du premier étage et nous avons accroché des coursives en façade dans les cours intérieures pour ne pas avoir de circulations dans les ailes qui étaient trop minces. Enfin, nous avons utilisé le verre pour la façade du hall et la bibliothèque au deuxième étage", détaille Brigitte Hellin.
Pour les matériaux mis en œuvre, outre le verre qui apporte sa clarté à l'édifice, les architectes ont opté pour le béton préfabriqué dont le ton s'accordait bien avec les enduits blancs, et des menuiseries grises à la couleur imposée par la ville. "L'ensemble gris et beige s'avère très sobre. Et nos coursives métalliques, avec garde-corps en verre, sont discrètes", assure l'architecte. La réhabilitation respecte donc le bâtiment historique mais est-elle pour autant efficace pour livrer un équipement fonctionnel ? "Les voûtes qui étaient élégantes ont évidemment été conservées mais posaient des difficultés, notamment en termes d'acoustique. Nous avons donc opté pour la suspension de panneaux à ces volumes courbes, ce qui n'a pas été sans difficulté au moment du réglage ! De même, l'éclairage a été suspendu aux voutes de façon à être le plus discret possible". Quant à la ventilation, les architectes ont opté pour des coffrages aux extrémités des pièces plutôt que pour d'inélégantes gaines courant au plafond.
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Bientôt la 2e tranche
Pour plus d'accessibilité, trois ascenseurs ont été créés et deux escaliers répondant aux normes d'évacuation en cas d'incendie ont été ajoutés aux escaliers historiques. "Dans les quatre angles du bâtiment, dans les 'tours', nous avons imaginé d'y placer des espaces de convivialité libres occupés à leur guise par les étudiants", ajoute Brigitte Hellin. Entré en service fin 2011, le bâtiment peut accueillir 1.500 personnes (effectif théorique). Détail d'importance, bien que la restructuration du bâtiment, liée à sa vétusté et à la mauvaise qualité des matériaux d'origine, ait été lourde, les travaux ont été réalisés pour un budget de moins de 13 M€. "Soit 1.280 €/m², ce qui est très faible", souligne l'architecte qui se penche maintenant sur la 2e tranche des travaux. Elle concernera "l'Aile des incurables", une extension datant de 1768, à l'architecture en pierres de taille plus travaillée. Ce corps de bâtiment sera également totalement réhabilité et transformé en "Maison des sciences de l'Homme" pour diverses disciplines. "Là encore, c'est un défi : on nous a demandé d'insérer un amphithéâtre à gradins ! ", conclut Brigitte Hellin qui confirme que le cabinet vient de déposer le dossier. Et qu'en sera-t-il de l'hypothétique extension de 3.500 m² de la troisième tranche ?
Plan de situation
Le campus Saint-Charles est situé en bordure du quartier historique de l'Ecusson à Montpellier.
Plan masse
L'opération de réhabilitation/restructuration est divisée en trois tranches. La première, qui a été livrée en septembre 2011, portait sur l'hôpital général (moins la chapelle, classée aux Monuments Historiques), indiqué en rouge sur la vue aérienne. La deuxième tranche, qui sera prochainement lancée, porte sur l'aile des Incurables datant du milieu du 18e siècle (indiquée en bleu). Une hypothétique troisième tranche portera sur la réalisation d'une extension à la place du parking/terrain vague délimité en jaune.
Rez-de-chaussée
Le rez-de-chaussée de l'hôspice était historiquement divisé en deux parties égales, l'aile des femmes (en rose) et l'aile des hommes (en bleu) qui ne communiquaient pas. Afin d'obtenir un bâtiment fonctionnel aux circulations fluides, les architectes ont percé des ouvertures traversantes dans le mur de séparation du rez-de-chaussé et y ont placé un espace communautaire : la cafétéria. Les accès ont également été repensés et les fenêtres changées pour des portes-fenêtres.
Cour intérieure
Une des deux cours intérieures, désormais aisément accessible et où les étudiants peuvent s'installer confortablement à l'ombre. On remarque la simplicité architecturale des bâtiments aux ouvertures de petites dimensions et sans modénatures.
Coupe
Les travaux réalisés pour conserver les voutes tout en facilitant la circulation entre les deux cours (Platanes et Marroniers).
Voutes
L'état des voutes avant les travaux. Les architectes ont souhaité conservé la volumétrie.
Salle de conférence
La grande salle de conférence, sous ses voutes historiques conservées. L'éclairage indirect et les panneaux de correction acoustique sont suspendus, tandis que les aérations et prises électriques sont confinées aux extrémités de la pièce grâce à des trottoirs techniques latéraux cachés.
Ancienne façade
La façade arrière appelée à devenir le point d'entrée du campus Saint-Charles. On remarque les nombreuses petites ouvertures et le côté quasi-carcéral de l'édifice qui maintenait à l'écart les malades de la population montpelliéraine.
Nouvel accueil
La façade repensée par les architectes, avec paroi en verre et ouvertures rythmées selon la même séquence que les façades historiques.
Projet : reconversion d'un hôpital du 17e siècle inscrit à l'inventaire des Monument historiques en université ;
Maître d'ouvrage : Etat, ministère de l'Enseignement supérieur, rectorat de l'académie de Montpellier ;
Maître d'œuvre : Hellin-Sebbag, architectes associés mandataires
Autres intervenants : GEC Ingénierie (BET et économiste), Fabrica Traceorum (architecte patrimoine), Bets Aigoin (structure patrimoine), Cabinet Le Douarin (économiste patrimoine) ;
Surface : 10.000 m² SHON
Calendrier : 36 mois pour la première tranche, livrée en septembre 2011
Coût : 12,8 M€ HT