FLOU. Le référent covid-19 pour le maître d'ouvrage est une mission facultative introduite par le guide de l'Organisme professionnel de prévention du BTP (OPPBTP). Mais le débat ne semble pas tranché sur le fait de savoir si un CSPS peut, ou non, remplir cette fonction. Explications.
Le guide de préconisations covid-19 de l'OPPBTP, paru le 2 avril dernier, introduit deux types de "référents covid" sur les chantiers. D'une part, il fixe comme consigne générale aux entreprises de "désigner un référent covid-19 pour l'entreprise et par chantier", dont la mission est de coordonner les actions de prévention visant à éviter tout risque d'infection au virus. Mais l'organisme professionnel introduit un deuxième type de référent covid, celui-ci présenté comme facultatif, et désigné par le maître d'ouvrage. Il serait "chargé de coordonner les mesures à mettre en œuvre", indique de manière succincte le texte du guide. Autour de ces quelques mots, un débat s'est créé sur le terrain : est-il possible pour le CSPS d'être aussi référent covid-19 du maître d'ouvrage ?
Le cumul des deux fonctions respecte-t-il la réglementation ?
Pour Michel Klein, de la mutuelle française des architectes (Maf), qui intervenait récemment sur le sujet lors d'une conférence organisée par le Cinov, c'est clairement non. "Cumuler les fonctions de CSPS et de référent covid-19 du maître d'ouvrage est incompatible avec les textes de loi", notamment l'article R4532-19 du Code du travail qui stipule que le CSPS ne peut pas être chargé d'une autre "fonction" que celle de CSPS stricto sensu sur une même opération. Tout réside ici dans la définition du terme "fonction" ; car, d'après Vincent Giraudeaux, lui-même CSPS et directeur général de la société Yseis, "référent covid-19" est une mission, et non une fonction. Le cumul des deux est donc possible. Par ailleurs, sur certains petits chantiers, la solution de faire du CSPS le référent maître d'ouvrage pourrait être la solution la plus aisée, avance Vincent Giraudeaux.
Même son de cloche du côté de la SMABTP, qui assure auprès de Batiactu que c'est au maître d'ouvrage de décider ce qui lui paraît le plus adapté au chantier. "Nous nous adaptons à ce que préfère le maître d'ouvrage, et si le CSPS est aussi référent covid du maître d'ouvrage, nous élargissons le champs de notre garantie sans surprime."
Le référent doit se situer "en dehors de la chaîne de production"
Mais le débat ne porte pas uniquement sur la question réglementaire. La notion d'indépendance du référent covid est également avancée par Michel Klein. "Il nous semble difficile d'imaginer une sorte de super-contrôleur de l'ensemble des opérations, cumulant les deux fonctions", a-t-il exposé lors de la conférence du Cinov. "Il vaut mieux que le référent covid se situe en dehors des acteurs 'normaux' du chantier pour éviter les problèmes d'indépendance dans le cadre d'un conseil au maître d'ouvrage." Pour Patrick Vrignon, président de BTP consultants, l'indépendance du référent est aussi un prérequis indispensable. "Il va y avoir des tensions économiques très fortes sur les chantiers", expose-t-il auprès de Batiactu. "Les entreprises ont des marges très faibles. Il faudra pourtant faire avancer les chantiers, malgré les difficultés de productivité, en s'assurant de la sécurité des intervenants. Le référent covid devra maintenir ce cap, dans la durée, dans le temps long." Rôle qu'il pourrait mieux tenir en se situant "en dehors de la chaîne de production". "Le référent de l'entreprise devra s'assurer que les règles sont adoptées : mais il doit y avoir un acteur extérieur au chantier", continue Patrick Vrignon, qui invite à s'inspirer de ce qui se fait pour la norme ISO 40001. Ceci constitue le meilleur moyen, assure le président, de privilégier la sécurité face au rendement et "permettre ainsi d'éviter toute situation de doutes pouvant conduire à des arrêts de chantier".
"Évitons de créer des missions trop vastes où les responsabilités seraient trop difficiles à assumer"
Cette notion d'indépendance peut prendre d'autant plus d'importance sachant que la responsabilité du référent covid-19 pourra éventuellement être mise en cause en cas d'infection grave d'un ou plusieurs salariés sur un chantier. Pour l'assureur, un poste tel que référent covid-19 va devoir être précisé, et son champ d'action clairement établi, un peu comme dans le cas du Bim manager, qui a parfois l'œil sur tout mais n'est responsable de rien. "Évitons de créer des missions trop vastes où les responsabilités seraient trop difficiles à assumer", continue Michel Klein. "Le CSPS est une profession réglementée, son champ d'action est clairement défini."
Et du côté de l'OPPBTP, quelle est la ligne suivie ? Interrogé par Batiactu, son directeur général Paul Duphil estime que la réglementation n'interdit pas ce cumul. "Dans certains cas, si le CSPS est en capacité de le faire en tant que mission complémentaire, pourquoi pas ? C'est à chaque acteur de s'assurer qu'il est en mesure d'effectuer toutes ses tâches sans que l'une empiète sur l'autre. Au client de juger ce qui est le plus approprié."
Peut-on être à la fois CSPS et référent covid du maître d'ouvrage ? Pour Cyrille Charbonneau, avocat spécialisé dans le domaine de l'immobilier au cabinet Aedes juris, le doute subsiste. "Il est attendu du CSPS d'être indépendant et en lien direct avec la maîtrise d'ouvrage, c'est pourquoi selon moi peut se poser la question du bien-fondé de ce cumul", explique-t-il auprès de Batiactu. Il soulève lui aussi l'idée d'une possible contradiction entre l'addition de ces deux rôles et l'article R4532-19 du Code du travail. Et souligne qu'il serait possible de déboucher sur une situation où le référent covid contrôlerait la mise à jour d'un plan général de coordination dont il serait par ailleurs l'auteur en tant que CSPS.