CONTESTATION. Cnoa, Unsfa et Syndicat de l'Architecture, mais aussi associations de défense des personnes handicapées ou mouvements de protection des paysages ; tous sont remontés contre la loi Elan. Regroupés au sein du collectif Ambition Logement, ils demandent aux sénateurs de modifier le texte pour « construire une politique du logement durable ».
Selon le collectif Ambition Logement si la loi Elan venait à être adoptée en l'état, elle serait la source de tous les maux : fin du droit au logement pour tous, précarisation des baux, déni d'accessibilité, défiguration du patrimoine et du littoral, baisse de la qualité de l'habitat et agonie des PME, tout cela au profit des grands groupes de promotion ou de construction… Une situation intolérable à la fois pour les syndicats d'architectes (Ordre national, Union nationale des syndicats français, Syndicat de l'architecture, Union nationale des étudiants…) et pour les associations de défense de personnes en situation de handicap (Groupement pour l'insertion, France Handicap) ou de précarité (Droit au logement) ainsi que pour celles qui défendent le patrimoine (France Nature Environnement, Société pour la protection des paysages et de l'esthétique) qui souhaitent donc des modifications du texte par la chambre haute.
La crainte que le logement social ne se transforme en marchandise
Première revendication, la suppression des articles 29 et 34 du projet de loi qui autorisent la vente de logements sociaux par les communes et qui instaurent le bail mobilité, d'une durée de 3 à 10 mois. Les opposants craignent que le logement social ne finisse par se transformer en marchandise et même qu'il ne disparaisse, précarisant toujours davantage les populations. Deuxième demande, cette fois sur l'accessibilité des biens : le collectif souhaite voir supprimé l'article 18 qui limite le quota obligatoire à 10% des logements.
Selon les associations et syndicats, son adoption ferait que seuls 4% des logements seraient effectivement accessibles à tous, "le quota (…) ne s'appliquant qu'aux bâtiments de quatre étage et plus". Cette fois, c'est la crainte d'une stigmatisation de certaines catégories de la population (personnes âgées, handicapées) qui ne pourront pas se permettre de travaux pour adapter leurs logements, et qui seront contraintes de déménager.
Défense tous azimuts : emploi, qualité du bâti, esthétique…
Sur la protection du patrimoine et des paysages de France, les opposants à la loi Elan souhaitent voir supprimés plusieurs passages (articles 12 quinquies et 15 alinéas 1 et 10 à 18) qui portent sur la densification des zones d'urbanisation diffuses du littoral et sur les prérogatives des Architectes des bâtiments de France dans les zones protégées. Le collectif s'interroge : "Où est le bon sens quand on sait que la beauté de son littoral, la qualité de ses paysages naturels, son urbanisation contenue, font de la France la première destination touristique du monde ?"
Autre grande question qui agite le monde de l'architecture, celle de la qualité des bâtiments produits. Selon les membres d'Ambition Logement, cette dernière se serait détériorée sous la pression financière : les surfaces des appartements se trouvent réduites de -15 à -20% en 10 ans, avec des espaces communs sans accès à la lumière naturelle et sans soin apporté aux matériaux utilisés. Et ils redoutent même que le pire ne soit à venir avec la généralisation de l'achat par les bailleurs sociaux de logements en Vefa, construits selon une logique purement financière. Cette fois, les opposants réclament des modifications de divers passages du projet de loi (article 5 alinéas 23-24, article 28 alinéa 105 et 149 à 152). Ils se battent pour le maintien des dispositions de la loi Mop et du concours d'architecture.
Enfin, le collectif entend également défendre les PME et artisans de la construction et plusieurs dizaines de milliers d'emplois. Il précise : "En généralisant la conception-réalisation ou en dérogeant à l'interdiction de paiement différé, le gouvernement prive [les artisans] de l'accès aux marchés publics de proximité." Ambition Logement demande aux sénateurs d'abroger plusieurs parties du texte (article 20 alinéas 1-2 et article 28 septies). Ils concluent en soulignant que le modèle français du logement social risquait d'être "dynamité" par la loi Elan et que cette politique se ferait au détriment des plus démunis. Leur mobilisation devrait durer au moins jusqu'à l'automne, lorsque le projet reviendra à l'Assemblée nationale après les éventuelles modifications apportées par les sénateurs.