INTERVIEW.Lutter contre "les fractures sociales et territoriales" et la précarité énergétique, tels sont les deux grands axes du budget 2019 de l'Anah, adopté le 28 novembre dernier en Conseil d'administration. En augmentation de 9,3% par rapport à 2018, l'enveloppe de l'Agence nationale de l'habitat financera également de nouveaux outils en direction des copropriétés dégradées.
En voulant intervenir sur 120 000 logements, et en augmentant son enveloppe budgétaire de 75 millions d'euros, l'Anah flèche ses objectifs vers le haut, à l'image de la réponse qu'elle veut adaptée aux urgences actuelles en matière d'habitat dégradé et de précarité énergétique.
En priorité, l'Agence nationale de l'habitat veut s'attaquer au front des "fractures sociales et territoriales et la lutte contre la précarité énergétique". Ces deux problématiques absorberont une grande partie du budget 2019.
Mesures exceptionnelles
Pour atténuer les inégalités sociales et territoriales face au logement, l'agence "déploie ses dispositifs d'ingénierie et d'aides aux travaux sur tout le territoire et particulièrement dans les 222 communes de plan « Action Cœur de Ville »" tout en poursuivant ses actions pour la revitalisation de 54 centres bourgs. L'Anah dédiera également une partie de ses actions aux copropriétés dégradées dans le cadre du plan "Initiative copropriétés", lancé par le ministre du Logement Julien Denormandie, le 10 octobre dernier à Marseille.
Dans cette même ville où se sont effondrés deux immeubles moins d'un mois après cette annonce, l'actualité a quelque peu rattrapé l'Agence nationale de l'habitat. Elle entend ainsi déployer une partie des crédits alloués aux initiatives précédemment citées aux "actions engagées par la Métropole Aix-Provence-Marseille et la ville de Marseille".
Lors du Conseil d'administration, il a été décidé "à l'unanimité" que des "mesures exceptionnelles" soient dédiées à la cité phocéenne, notamment "la réhabilitation d'immeubles sous arrêtés de péril et la mise en place rapide d'une Opération programmée d'amélioration de l'habitat-Rénovation urbaine".
Habiter et gérer mieux
La rénovation énergétique est un axe fort du budget 2019 de l'Anah qui souhaite permettra à "75.000 ménages de retrouver du confort énergétique grâce aux programmes 'Habiter mieux '". Pour rappel ce programme est divisé en deux offres, "Sérénité" et "Agilité", destinées aux ressources modestes et très modestes.
Le premier est composé d'un conseil et d'une aide financière (de 10 000 euros maximum, hors prime) dédié à des travaux globaux permettant, in fine, d'assurer un gain en énergie d'au moins 25 ans. L'offre "Agilité "quant à elle, est plus ciblée et contribue au financement d'un changement de chaudière, d'isolation des murs ou de combles. 624 millions du budget alimenteront ces deux offres.
A destination des gestionnaires de copropriétés, l'Anah consacrera une nouvelle aide disponible au 1er janvier prochain, la "gestion urbaine de proximité parc privé" dédiée aux copropriétés dégradés à hauteur de 450 euros maximum par logement et par an.
Concernant les travaux jugés urgents, ils pourront, à certaines conditions, être financés à 100% de leur montant, au lieu des 50% actuels.
Solidarité
Concernant le volet des solidarités, 30 000 ménages pourront bénéficier d'une aide aux travaux modificatifs de leur logement, pour l'adapter à une perte d'autonomie. Une proportion de bénéficiaires qui a été doublée pour l'année 2019, pour qui 100 millions d'euros seront consacrés.
L'agence veut aussi encourager davantage les propriétaires bailleurs à la location solidaire, moyennant "aides aux travaux et avantages fiscaux". Elle souhaite également contribuer à la création d'un "marché locatif accessible aux personnes mal logées ou en difficulté", et poursuivre le soutien "aux associations propriétaires ou gestionnaires de centres d'hébergement d'urgence".
Digitalisation
En 2019, l'Anah entend également mettre le paquet sur l'innovation digitale, dans l'objectif "d'améliorer la relation de service aux ménages, bénéficiaires des aides". Après la dématérialisation des procédures de demande d'aides, et la mise en place d'un service en ligne, le deuxième volet de la stratégie digitale de l'agence consistera à "rendre plus lisibles ses dispositifs d'aides et poursuivre la simplification de ses processus d'instruction".
Ces deux axes ne se recoupent pas mais se superposent. Lorsque nous rénovons des copropriétés dégradées ou des villes moyennes dans le cadre d' « Action cœur de ville », les aides à la rénovation énergétique s'ajoutent, ce qui implique que notre budget ne peut se lire de manière segmentée.
Dans la lutte contre la précarité énergétique, nous avons clairement identifié 600 millions d'euros de budget. Ils peuvent être directement versés sur des travaux, ou intervenir en complément lors d'interventions sur les villes moyennes. Ces interventions peuvent s'avérer être des aides indirectes comme lorsque nous menons la réhabilitation de logements dans le cadre du programme « Action cœur de ville », où une partie des travaux contribue aussi à la rénovation énergétique. Nous notons en moyenne 40% de gains énergétiques suite aux travaux que nous avons subventionné.
Les 5 millions d'euros n'ont pas placé d'autres postes de dépenses au second plan. Le drame de Marseille a immédiatement impacté nos moyens en ingénierie, qui se sont vus renforcés. Cette somme est incluse dans les 240 millions d'euros versés par l'Etat, et annoncés hier par le ministre du Logement Julien Denormandie. Ce sont 5 millions d'euros supplémentaires par rapport à ce que nous avions prévu pour accompagner les premières opérations de diagnostics, d'études sur la situation marseillaise, et le financement de chefs de projets territoriaux.
Il s'agit de poursuivre le dispositif « Louer abordable ». Une déduction fiscale peut être opérée sur le montant des loyers perçus, dès lors qu'ils sont à un niveau inférieur aux prix du marché. La déduction varie en fonction de la nature du logement social ou très social, et si le secteur est tendu ou détendu. C'est un dispositif complet pour les propriétaires notamment face à la problématique des logements vacants, car nous permettons une remise à niveau en décence du logement.