EXPOSITION. La Cité de l'Architecture & du Patrimoine dévoile une exposition qui s'interroge sur la nécessité de trouver un équilibre entre démolition, conservation et transformation des bâtiments. Création et réinvention sont présentées à travers 72 projets européens. Visite guidée avec Francis Rambert, le commissaire de l'exposition "Un bâtiment, combien de vies ?".
"C'est un focus particulier sur ce quoi travaillent les architectes : la transformation des bâtiments", déclare Francis Rambert, commissaire de l'exposition "Un bâtiment, combien de vies ?". "Il ne s'agit pas de 'réhabilitation', car ce terme est un mot de technique qui relève plus de la mise en conformité et n'est pas de l'ordre de la créativité, précise-t-il, mais bien de la transformation comme acte de création". Le décor est donc planté : l'exposition, qui a démarré au mois de décembre 2014 et se poursuivra jusqu'en septembre 2015, retrace 50 années de chantiers : "Cinq décennies pour sortir du déni, et où l'on est passé d'une logique de table rase, où l'on construisait ex nihilo, a une logique in vivo".
Une grande frise chronologique retrace donc les grandes étapes de cette évolution des modes de pensée, de l'après-guerre, où les besoins de reconstruction étaient immenses, jusqu'à nos jours, où l'économie des ressources et l'impact environnemental sont des considérations de premier ordre. "La logique américaine, qui prévalait dans les années 1960-1970 en France, considérait qu'un bâtiment rentabilisé pouvait être détruit et remplacé", raconte-t-il. Peu à peu s'est substituée une politique de reconversion de l'existant, de construction durable, évolutive dans ses usages. "Mais pas question de patrimonialiser à outrance !", nuance-t-il. Le professeur d'histoire de l'architecture cite l'exemple du bâtiment "57 Métal", de Claude Vasconi, ultime vestige du patrimoine immobilier de la Régie Renault. "Un édifice en danger, revendu à un fonds anglais qui entend le détruire pour construire une tour à la place", déclare Francis Rambert pour qui le bâtiment, s'il a bien fait son temps reste pourtant parfaitement viable. "Il existe des alternatives à la destruction", estime-t-il, conforté par la mise sous protection - temporaire - du bâtiment par le ministère de la Culture.
Découvrez quelques-uns des 72 projets de l'exposition dans les pages suivantes.
Puissance monumentale et survie du banal
L'exposition présente 72 projets européens, représentant huit grandes thématiques : "Une évidence patrimoniale", "Les originaux de référence", "L'héritage du béton", "Les ex-cathédrales de l'industrie", "Le recyclage au profit de l'habitat", "La dimension urbaine", "L'infrastructure source d'architecture" et "La reconquête du banal". Sur ce dernier thème, Francis Rambert s'amuse : "Le banal a également le droit de survivre, même s'il n'a pas de puissance monumentale. Faut-il nécessairement tout liquider ?". Les huit grandes sections présentent chacune trois projets emblématiques de reconversion et de reprogrammation. On peut notamment découvrir le travail qui a été réalisé à la Tate Modern de Londres (une centrale électrique désaffectée devenue un musée d'art contemporain) ou aux Grands Moulins de Paris (transformés en pôle universitaire). Les visiteurs apprécieront également le travail de sculpture et de travail de la matière entrepris par Ricardo Bofill dans sa Fábrica de Barcelone, où des silos de béton sont valorisés. Francis Rambert vante l'intelligence de réutilisation et l'important travail de reprogrammation entrepris par les architectes d'aujourd'hui.
Dans le droit fil de cette pensée, l'exposition se réinventera au cours du temps : "Elle se régénérera sur elle-même, avec un renouvellement du contenu tous les trois mois", fait valoir son commissaire. Les trois rotations permettront donc de découvrir l'ensemble des 72 projets retenus, qui seront également rassemblés dans un catalogue général, à paraître au début du mois de février. "La mutabilité apparaît aujourd'hui comme un sujet majeur de la modernité", assure le spécialiste qui voit des vertus dans la transformation, la réappropriation et la réinvention urbaine.
L'héritage du béton
Le musée maritime de Tallinn, capitale de l'Estonie, est installé dans un ancien hangar d'hydravions, sous trois grandes coupoles. L'espace intérieur a été totalement repensé pour exposer un sous-marin et diverses embarcations typiques de la Baltique.
L'infrastructure source d'architecture
Autre musée naval, celui de Copenhague, est implanté au cœur d'une cale sèche.
La dimension urbaine
Les coteaux de Dominique Perrault, entrée repensée de Boulogne-Billancourt (sud-ouest de Paris) où des tours de bureaux sont en cours de réhabilitation. Les circulations ont été entièrement repensées.
La reconquête du banal
Le CaixaForum d'Herzog & de Meuron à Madrid.
Le recyclage au profit de l'habitat
La tour Bois-le-Prêtre, en bordure de périphérique parisien, a subi un lifting qui a amélioré la qualité de vie de ses résidents et augmenté la surface des logements.
Les ex-cathédrales de l'industrie
Le FRAC de Dunkerque est constitué par l'ancien atelier de préfabrication des chantiers naval, vestige de l'activité industrielle du site, et son clone fantomatique, signé Lacaton & Vassal.
Les originaux de référence
L'intérieur de la cour de justice des communautés européennes à Luxembourg, par Dominique Perrault Architecture.
Une évidence patrimoniale
L'étrange œuf implanté par Renzo Piano au cœur d'une cour du 13e arrondissement parisien.
du 17 décembre 2014 au 28 septembre 2015, à la Cité de l'Architecture & du Patrimoine, Palais de Chaillot, Paris.