ARCHITECTURE. Les évolutions réglementaires dans la commande publique liées à la loi Elan causent des situations "à la limite de la légalité", a assuré Denis Dessus, président du Conseil national de l'ordre des architectes, lors de la cérémonie des vœux 2020 de l'organisation.
La loi Elan, promulguée en novembre 2018, produit depuis plusieurs mois ses effets dans le secteur de la commande publique. Et, pour le président du Conseil national de l'ordre des architectes (Cnoa), Denis Dessus, ce que l'on constate, c'est "le n'importe quoi". "Nous voyons des procédures se situant à la limite de la légalité - et quand je dis 'à la limite', je suis gentil...", a-t-il continué.
Pour rappel, la loi Elan a desserré la contrainte afin que les bailleurs sociaux aient plus facilement accès aux contrats de conception-réalisation (ou "contrats globaux"). Ils peuvent ainsi se passer de l'étape d'organiser un concours d'architecture. "Les modifications législatives, en tant que telles, n'ont rien changé", reconnaît Denis Dessus. "Mais cela a perdu nos maîtres d'ouvrages et nos assistants à la maîtrise d'ouvrage." D'où les efforts que doivent faire à présent les architectes pour faire preuve de pédagogie auprès de leurs partenaires, notamment dans le cadre du groupe de travail lancé avec les acteurs HLM.
Concours pour la flèche de Notre-Dame
Le patron des architectes a également ironisé sur le fait qu'un concours d'architecture avait bien été demandé pour des ouvrages emblématiques, comme la flèche de la cathédrale Notre-Dame, mais par pour certains logements sociaux... L'incendie d'avril 2019 a en tout cas eu un effet que Denis Dessus qualifie de positif : faire "parler dans les chaumières" de l'importance du patrimoine, de l'architecture, et du concours. "Nous soutenons nos confrères architectes du patrimoine pour reconstruire l'édifice à l'identique", a-t-il par ailleurs assuré. Mais demande également à ce que l'on se penche sur l'idée d'un réaménagement de l'île de la Cité.
Autre sujet incontournable en ce début d'année : le développement durable. Or, regrette Denis Dessus, "la bataille contre le réchauffement climatique est perdue". "Ce combat ne se situe de toute manière pas à l'échelle de la France." A la "micro-échelle" nationale, toutefois, le président du Cnoa voit des leviers d'action sur la qualité de l'air, la biodiversité. Là où l'architecte peut être moteur. Mais où il s'est parfois trompé aussi, reconnaît Denis Dessus. "Les bâtiments HQE avant-gardiste que nous avons construit il y a vingt ans sont déjà obsolètes. Nous y constatons des situations de surchauffe en été ; nous n'avions pas anticipé une telle accélération climatique", remarque-t-il. L'architecte doit, au contraire, participer à la transformation des zones périurbaines pour rendre l'habitat plus humain, au sein d'équipes de réflexion pluridisciplinaires - à l'image de ce qui peut être fait dans le programme Action cœur de ville. "Nous devons recréer des couloirs de biodiversité, penser la démolition de façon intelligente, réfléchir à l'air que l'on respire..." Il pointe par ailleurs un trou dans la raquette au niveau des politiques publiques : l'absence d'aides financières affectées au travail de conception pour les opérations de rénovation. "Les actes seuls sont encouragés, comme le remplacement d'une vieille chaudière ou l'isolation. Résultat : on fait n'importe quoi, alors que l'on devrait intervenir de façon intelligente."
Pour continuer d'être constructifs, les architectes souhaitent relancer un grand travail collaboratif, comme l'avait été le livre blanc des architectes produit en 2004, la stratégie nationale pour l'architecture il y a 5 ans et la loi Cap il y a quatre ans. "Nous devons nous mettre autour de la table, travailler ensemble pour retrouver un élan, en capitalisant notamment sur tout le travail que nous effectuons au Conseil."
Note de la rédaction
Dans l'alerte info du 16 janvier 2020 concernant cet article, une erreur s'est malencontreusement glissée : dans l'objet du mail, il fallait bien sûr lire "les architectes dénoncent" et non pas "dénonce".