PERFORMANCES. Dans une étude consacrée au bilan d'activité 2018 des majors européens du BTP, le cabinet d'audit Mazars relève que 3 grandes entreprises françaises du secteur - Vinci, Bouygues et Eiffage - s'inscrivent dans le Top 4 européen, une première pour la filière. De conséquents marchés comme le Grand Paris Express, de nombreuses acquisitions et un fort développement à l'international leur permettent d'engranger ces bons résultats.
3 des 4 majors européens du BTP ayant enregistré les meilleures performances en 2018 sont français. Dans une étude consacrée au bilan d'activité des plus grandes entreprises communautaires de la construction, le cabinet international d'audit et de conseil Mazars revient sur les éléments conjoncturels et structurels qui expliquent ces bons résultats : l'année dernière, les majors européens du BTP ont bénéficié d'une croissance de 6,2%, et ce pour la seconde année consécutive ; croissance qui a même atteint +9,3% pour les groupes tricolores. L'analyse prend en compte les acteurs du secteur, entreprises cotées comme challengers diversifiant leur activité, dont le chiffre d'affaires consolidé est supérieur à 5 milliards d'euros. Au bout du compte, ce sont ainsi 17 groupes qui font partie du champ de l'étude.
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Les entreprises françaises ne sont donc pas en reste et parviennent à sortir leur épingle du jeu dans un contexte tendu. Pour la première fois, 3 majors de l'Hexagone occupent le Top 4 européen : Vinci trône à la première place du podium, avec 43,5 milliards d'euros de chiffre d'affaires ; l'espagnol ACS arrive second, avec 36,7 milliards ; en troisième position, on retrouve le groupe Bouygues, avec 35,6 Mds€ ; puis Eiffage clôture la marche, avec 16,9 Mds€. En 2018, les trois premiers ont maintenu leur position dans le classement européen par rapport à 2017, mais Eiffage se démarque en ayant gagné une place l'année dernière.
Hausse des coûts de la construction et fortes disparités d'une région à l'autre
Le cabinet Mazars s'est intéressé plus largement aux éléments de contexte favorables qui profitent au trio tricolore, et à ceux, moins favorables, qui méritent d'être surveillés. "L'un des enjeux en 2019 pour les groupes français, ayant réalisé en moyenne 59% de leur activité en France en 2018, sera de surveiller les coûts de production après une année marquée par la hausse de ces coûts dans le secteur de la construction de 2,8%", relèvent ainsi les analystes. Dans le même temps, l'inflation a augmenté en moyenne de 1,8%. "Cette hausse globale des coûts de production sur 2018 s'explique notamment par une hausse du coût des matériaux de 8% dans les travaux publics et une hausse du coût de l'énergie de 15,8% dans les travaux publics, et de 16,8% dans le bâtiment." Cette problématique de la flambée des coûts est régulièrement dénoncée par les professionnels du BTP, qui n'ont d'autre choix que de la répercuter sur leurs factures.
Pour le reste, le secteur peut compter sur une certaine forme de dynamisme, toutefois très localisé : par exemple, les conséquents marchés du Grand Paris Express sont contrebalancés par de fortes disparités dans les autres régions de France, au sein desquelles l'activité reste majoritairement concentrée dans le périmètre des métropoles. Les majors se positionnent en outre sur l'immobilier, dont la rentabilité en Île-de-France constitue un enjeu important au vu des tensions sur le foncier et de l'explosion des prix. De plus, les activités routières et les services permettent aux grands groupes de diversifier leur activité. Autant d'éléments qui ont assuré aux majors une hausse de 9,3% de leurs carnets de commandes en 2018, soit 6 points de plus par rapport à la moyenne de l'Union européenne.
Un marché européen de la construction globalement en forme, et c'est parti pour durer
Et si les groupes tricolores dépassent leurs compétiteurs européens, ils affichent aussi une activité supérieure au marché de la construction communautaire, ainsi que le Produit intérieur brut (PIB), tous secteurs d'activité confondus, en Europe : en moyenne, la croissance des majors européens (français mis à part) a été de 5,3% l'année dernière, mais a recouvert des situations contrastées, comme en témoignent la faillite du géant britannique Carillion en janvier 2018 ou encore la paralysie du marché italien. A l'échelle européenne, le marché de la construction a progressé pour sa part de 3,5%, un chiffre bien plus élevé que la hausse du PIB européen, de l'ordre de 1,9%. Les grandes entreprises du BTP ont ainsi confirmé la reprise de l'activité déjà constatée en 2017 (+6,9% en moyenne), qui faisait suite à plusieurs années de ralentissement. Des carnets de commandes en hausse, de nombreux projets d'envergure et des acquisitions expliquent cette bonne tenue du marché. A noter toutefois, cette augmentation de l'activité ne se traduit pas encore par une amélioration de la rentabilité : après avoir déjà reculé de 0,1 point en 2017, le taux de marge opérationnelle a encore accusé un repli de 0,7 point en 2018.
Si l'on se penche sur le détail des segments d'activité, on retrouve cette progression globale de l'activité : en 2018, le BTP à proprement parler a enregistré +4,9%, tandis que l'immobilier bondissait de 9,9%. Mais les envolées les plus notables concernent l'énergie et les services, avec +11,9%, ainsi que les activités routières, avec +11,4%. Dans un tel contexte, et en se basant a fortiori sur la nouvelle augmentation de 3,1% du carnet de commandes l'année dernière, les analystes de Mazars tablent sur une poursuite de la hausse de l'activité pour 2019, qui devrait cependant être plus timorée qu'en 2018 : "Sur le 1er semestre 2019, en intégrant les opérations de croissance externe opérées en 2018, les majors européens enregistrent une croissance moyenne de leur activité de près de 10% par rapport au 1er semestre 2018", souligne l'étude à ce sujet.
Forte demande de projets structurants en Europe et dans le reste du monde
Si les majors européens du BTP affichent ce dynamisme, c'est aussi parce que les investissements massifs de grands projets d'infrastructures ont permis à des chantiers colossaux de se concrétiser, du Grand Paris Express au Crossrail à Londres en passant par le Greater Dublin - les équivalents britannique et irlandais du premier. Plus largement, le Plan d'investissement pour l'Europe, plus connu sous le nom de Plan Juncker (du nom de l'ancien président de la Commission européenne qui l'a initié, le Luxembourgeois Jean-Claude Juncker), doit encore permettre de consacrer 125 milliards d'euros d'investissements dans les réseaux et infrastructures des pays-membres d'ici la fin 2020, soit un total de 500 milliards depuis son lancement en 2014-2015.
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Mais les grandes entreprises européennes de la construction ne se limitent évidemment pas aux frontières du Vieux Continent : "Ailleurs dans le monde, la demande est également riche de projets de grande ampleur et de plus en plus complexes qui nécessitent de 'super acteurs'", précise le cabinet Mazars. "Dans un marché qui reste peu concentré, les majors se distinguent déjà par leur taille, la variété de leurs expertises, leur esprit d'innovation, leurs implantations géographiques, leur force de frappe et leur capacité d'adaptation." Et les analystes de "s'interroger sur de futures opportunités de concentration" dans le secteur, au vu des nombreuses acquisitions réalisées, du projet de création d'un champion national en Italie, qui serait centré sur Salini Impregilo, ou encore de l'atomisation du marché du BTP au Royaume-Uni.
Et la transition énergétique dans tout ça ?
Le développement durable et la transition énergétique sont deux sujets majeurs pour les majors européens du BTP, si l'on en croit l'étude du cabinet Mazars : "Mobilisés pour relever les défis du Plan climat 2017 et répondre aux réglementations sur le bas-carbone de la future loi Energie, [ils] cherchent à réduire leur impact écologique pour tendre vers une neutralité carbone". Mais dans ce domaine, les stratégies des grands groupes se focalisent sur d'autres segments d'activité, à l'instar des acquisitions effectuées dans la filière bois ou dans la construction modulaire - Eiffage Construction a notamment racheté la société B3 EcoDesign en juillet dernier. Miser sur l'innovation constitue le dernier volet de cette volonté commune aux majors "d'être de véritables acteurs de l'essor des modes constructifs décarbonés en France", épaulés en cela par l'Internet des objets et les réseaux intelligents.
"Pour répondre aux défis climatiques, les groupes rappellent à travers leurs rapports annuels l'attention qu'ils portent au respect de l'environnement lors de l'exécution de leurs travaux et misent sur l'innovation pour réduire l'impact carbone de leurs activités", complète Olivier Thireau, associé responsable immobilier & BTP chez Mazars France. "En 2019, ils souhaitent par ailleurs poursuivre l'amélioration de leurs marges et le déploiement de leurs politiques de transformation afin de répondre à la forte demande, à l'échelle mondiale, de projets de plus en plus complexes."
Quelle méthodologie pour cette étude ?