INTERVIEW. Le rapport du Plan Bâtiment durable, confié à Frédéric Denisart et Jean- Pascal Chirat, vient d'être publié. L'occasion de faire le point avec l'un de ses auteurs sur les propositions faites pour engager la massification de la rénovation énergétique des logements.
Constatant une difficulté à atteindre la massification de la rénovation énergétique des logements, Philippe Pelletier confiait en mars 2016 à Frédéric Denisart et Jean-Pascal Chirat la mission de copiloter un groupe de travail afin de proposer de nouveaux leviers pour inciter et aider les ménages et professionnels à cette dynamique. Ce rapport a été publié fin décembre. L'un de ses auteurs, Frédéric Denisart, conseiller national de l'Ordre des architectes revient sur cette mission et nous explique les réflexions qui en ont découlées.
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Batiactu : Avec Jean-Pascal Chirat, délégué général du Club de l'Amélioration de l'Habitat, vous avez piloté le groupe de travail pour l'élaboration du rapport confié par Philippe Pelletier, Président du Bâtiment durable. Comment avez-vous procédé ?
Frédéric Denisart : Le Plan Bâtiment Durable regroupe un nombre important d'acteurs de la construction. Nous nous sommes donc appuyés sur ce réseau. Dans un premier temps, nous avons présenté l'objectif et les pistes de réflexion qui nous souhaitions aborder à l'ensemble des acteurs sensibles à cette problématique qu'est la rénovation des logements. Nous les avons ensuite sollicités pour qu'ils nous remettent leurs contributions.
Batiactu : Combien en avez-vous reçues ?
Frédéric Denisart : Près de 80, ce qui est beaucoup. Nous avons eu un très bon taux de retour. C'est un sujet qui suscite un vif intérêt de l'ensemble des acteurs du bâtiment. Ensuite, nous avons analysé ces contributions et avons déterminé quatre pistes de réflexion. L'idée était de partir de l'existant et d'identifier ce qui marchait pour le passer à une autre échelle supérieure.
Batiactu : Quelles sont les quatre pistes identifiées ?
Frédéric Denisart : La première concerne l'identification de la demande, pour mieux la comprendre. Le deuxième point porte sur l'offre. Comment les acteurs peuvent structurer leur offre pour répondre à la demande. Ensuite, nous nous sommes questionnés sur le rôle des collectivités territoriales. Sont-elles des acteurs de la diffusion et de la confiance ? Face à une situation budgétaire tendue, l'idée n'étant pas qu'elles assurent le financement de ce type de travaux. Sur cette question du financement, Philippe Pelletier travaille d'ailleurs sur ce sujet à la demande de la Ministre. Enfin, la dernière piste aborde le cas particulier de la co-copropriété.
Dès juillet notre projet de rapport s'est donc concentré autour de ces quatre thèmes. Mais à l'issue de la plénière de restitution des contributions de juin il nous manquait quelques éléments afin de mieux exprimer l'approche novatrice de la dynamique de rénovation des logements qui nous avait été demandée. Nous avons décidé d'aller plus loin dans la réflexion. En septembre, nous avons donc réuni des contributeurs au sein de groupes de travail resserrés pour centrer la réflexion. A partir de là, nous avons rédigé une première mouture du rapport que nous avons soumis au Plan Bâtiment Durable et aux différents contributeurs. Il nous était essentiel que ce rapport soit repris par tous les acteurs.
Batiactu : Qu'en est-il ressorti ?
Frédéric Denisart : Tout d'abord, la rénovation est avant tout l'amélioration du confort pour habiter mieux.
Ensuite, il n'y a pas de modèle idéal. La rénovation est un sujet complexe et variable. Il n'y a pas de bonne réponse mais des bonnes réponses. Autre point qui me tient à cœur, c'est le travailler ensemble. Tous les acteurs de la rénovation doivent travailler ensemble et non les uns à côté des autres. Il faut bien comprendre qu'il n'y a pas d'action unique mais que toutes les actions s'ajoutent les unes aux autres et contribuent à la qualité du résultat.
Une fois que l'ensemble des acteurs et des usagers auront intégré cette nouvelle approche globale, viendront les véritables économies d'énergie.
Batiactu : Que prônez-vous ?
Frédéric Denisart : La rénovation des logements doit être envisagée comme une approche globale qui s'étale dans le temps, comme un parcours. Il faut comprendre que nous avons tous la responsabilité de cette dynamique et nous devons travailler ensemble. Il faut que l'ensemble des acteurs se l'approprie. Je parle aussi bien des collectivités locales, des architectes, artisans, industriels mais aussi des particuliers usagers des logements.
Par ailleurs, je pense que les concepteurs ont une vraie place à prendre dans cette réflexion, par exemple pour aider chacun à définir le parcours global de la rénovation. Par exemple, lorsque la chaudière d'un particulier présente les premiers signes de faiblesse, certes il y a urgence à traiter le problème, mais c'est peut-être aussi l'occasion de réfléchir à l'état général du logement. Ce peut être l'occasion d'engager les premiers travaux de rénovation complémentaires, par forcément très onéreux qui permettront d'une part d'améliorer le confort et de faire des économies.
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Batiactu : Avoir une approche globale de la rénovation et une synergie des acteurs de la construction sont donc deux facteurs déterminants dans la dynamique de rénovation des logements ?
Frédéric Denisart : L'approche globale de la rénovation est importante. Je suis convaincu que les travaux de rénovation énergétique purs et "one shot" ne suffisent pas. La gestion du patrimoine évolue avec le temps, il faut donc évoluer avec. Nous sommes par exemple amenés à vieillir au sein de notre logement, ou bien au moment de l'acquisition d'un nouveau logement. Il faut alors se poser les bonnes questions pour répondre aux nouveaux besoins. Définir alors le programme d'amélioration et le travailler ensemble sont déterminants. Que ce soit entre les professionnels où chacun a sa place. Il faut apprendre à travailler différemment, et ensemble. Dans ce travailler ensemble, j'inclus aussi les collectivités locales. Elles ont un rôle important à jouer. Elles doivent donner confiance aux particuliers de s'engager dans cette dynamique de rénovation mais aussi de leur apporter de la connaissance, par exemple en organisant des journées de la rénovation.
Batiactu : Le rapport est remis, que va-t-il se passer maintenant ?
Frédéric Denisart : Philippe Pelletier nous a demandé de poursuivre notre travail pour que chacun s'approprie les différentes contributions et les différents outils à développer car ils sont multiples.