CONJONCTURE. D'après la Fédération nationale des travaux publics, le secteur est en passe d'entrer dans un cycle économique favorable qui pourrait durer quelques années. Pour 2018, ses prévisions de croissance sont de +4%.
Du côté de la Fédération nationale des travaux publics (FNTP), l'heure est à l'optimisme. Après des années de baisse, le marché retrouve des couleurs en 2017, et cela devrait aller encore mieux l'an prochain. "Nous anticipons +2,5% de croissance en 2017, et +4% pour 2018, qui sera une année de reprise", a ainsi formulé Bruno Cavagné, président de l'organisation, lors d'une conférence de presse qui s'est tenue le 16 novembre 2017, à Paris. Les prises de commandes ont progressé de 7,6% depuis le début de l'année. L'emploi devrait bien sûr profiter de cette embellie qui devrait durer quelques années. "Si nous continuons sur cette lancée, nous devrions créer 25.000 emplois sur les cinq prochaines années."
Les travaux du Grand Paris comptent pour 1 à 2% dans ces prévisions de croissance. Pour autant, Bruno Cavagné n'est pas spécialement inquiété des bruits qui ont pu courir sur le souhait des pouvoirs publics de retarder un peu le calendrier. "Même si les opérations sont décalées de un, deux, voire même trois ans, ce qui est ma conviction, cela n'est pas un problème pour nous. Le planning est actuellement extrêmement serré, et nous aurons en plus le Charles-de-Gaulle express." Bercy souhaite visiblement reporter les projets aux "calendes grecques", mais pour le patron des TP, cette situation serait intenable politiquement, elle est donc peu probable. "Toutefois, je ne vois pas comment on pourrait tenir les délais prévus actuellement. Ils ne sont pas raisonnables."
Le rapport du comité d'orientation des infrastructures rendu en janvier 2018
Se pose également la question de la main d'oeuvre pour assurer la tenue de ce chantier pharaonique. "Nous avons perdu des dizaines de milliers d'emplois avec la crise, nous devons aujourd'hui les faire revenir, les former, et cela rapidement", explique Bruno Cavagné. Un sujet qui pose la question de la formation, et entre en résonance avec le récent incident sur le RER A.
En dehors de la capitale, l'actualité de la FNTP, c'est aussi la remise, le 15 décembre, du compte-rendu sur les assises de la mobilité. Puis celle du rapport du Conseil d'orientation et de programmation des infrastructures de long terme (Copil). "Nous devions le rendre en décembre 2017, mais nous avons demandé un mois supplémentaire", explique Bruno Cavagné. "Nous voulons repartir des besoins des citoyens, et nous auditons actuellement les associations. Ensuite, nous verrons si ces besoins sont finançables et à quelle hauteur. Il faut voir ce qui est acceptable pour la collectivité en matière de financement complémentaire, et ne pas reproduire des erreurs comme celle de l'écotaxe." La FNTP espère parvenir à dégager des pistes pour trouver des moyens de financement acceptables par tous. Un projet de loi de programmation sera présenté par les pouvoirs publics en mars 2018.
Vers l'abandon de certains projets ?
Le Copil analysera également une soixantaine de projets d'infrastructures, et n'exclut pas d'en abandonner quelques-uns. "Cela ne va pas plaire à tout le monde, y compris au sein de la FNTP", a affirmé Bruno Cavagné. "Mais nous avons l'ambition de servir l'intérêt général avant tout."
Sur les grands projets, la FNTP se félicite de moins entendre parler de "pause", ces dernières semaines, à leur propos. Mais reste là aussi la question du financement. "Le budget de l'Afitf passera en 2018 de 2,2 à 2,4 milliards", rappelle le patron de la FNTP. "Mais si cela comprend le canal Seine-Nord et le Lyon-Turin, il nous manque plus d'un milliard. Ce souci de financement n'est pas réglé. L'Afitf a été créée pour financer les grands travaux, aujourd'hui elle finance des projets de toutes tailles. Je préfèrerais donc aujourd'hui qu'elle finance tout, sauf les grands travaux !" La FNTP explore actuellement des pistes afin de mutualiser le financement d'infrastructures à l'échelle euréopenne, lorsqu'il s'agit de projets d'envergure internationale (Lyon-Turin, GPSO, canal Seine-Nord...).
Du retard sur les contrats de plan Etat-Régions
Enfin, la FNTP signale également une autre ombre au tableau : les contrats de plan Etat-Régions 2015-2020, dont le taux d'exécution par l'Etat est "inférieur à la génération précédente", d'après la FNTP, qui regrette également un "démarrage très lent des opérations". "La ministre des Transports est consciente de l'importance de ce sujet", explique Bruno Cavagné. Pour financer les projets, la Fédération privilégie la piste de retoucher la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE). "C'est un prélèvement déjà existant, à assiette large, sans 'empreinte physique'. La fiscalité sur la route rapporte 41 milliards d'euros à l'Etat. Moins de 15 reviennent vers les infrastructures routières. Un rééquilibrage n'aurait rien d'aberrant", argumente la FNTP.
Le Grand Paris, une menace pour les entreprises de TP en province ?
Le Grand Paris, projet qualifié de "formidable" par le président de la FNTP, ne va toutefois pas sans déclencher certains effets pervers. "Ces travaux captent tous les salariés de TP français déjà formés, et provoque une inflation des salaires", explique Bruno Cavagné. Une tendance qui n'est pas encore plus problématique que cela, mais qui pourrait le devenir. Pour la FNTP, il faudra rester vigileant sur le fait que le Grand Paris ne déshabille pas totalement les entreprises qui n'en profitent pas directement. "Paris pourrait devenir une pompe aspirante."
Système de bonus-malus pour les contrats courts : Bruno Cavagné n'y croit pas
Le Gouvernement compte instaurer un système de bonus malus sur les contrats courts, pour inciter les entreprises à embaucher fermement les salariés. Un système qui, pour Bruno Cavagné (FNTP), ne portera pas ses fruits. "Ce n'est pas en taxant davantage que l'on crééra plus d'emplois. Et c'est mal connaître le monde des dirigeants et des PME. Actuellement, nous sommes plutôt en phase d'embauches de salariés en CDI. Bien sûr, certaines entreprises abusent. Mais elles représentent une minorité. Nous ne devons pas faire payer à la majorité le mauvais comportement d'une minorité."