INTERVIEW. Bien que le décret relatif aux travaux embarqués ait été modifié, toutes les inquiétudes des architectes ne sont pas levées. Catherine Jacquot, la présidente du Conseil national de l'ordre des architectes nous explique pourquoi.
Batiactu : Suite à votre demande, associée à d'autres défenseurs du patrimoine, le décret relatif aux travaux embarqués sur les bâtiments existants a été réécrit. Désormais seuls les bâtiments construits en agglo béton et avec des matériaux récents sont concernés par le décret, ainsi, "les bâtiments sensibles à l'humidité ne sont plus concernés par le décret. Pourtant, vous indiquez que toutes vos inquiétudes n'ont pas été levées. Pouvez-vous nous expliquer ?
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Catherine Jacquot : Nous avons des inquiétudes et nous les répétons depuis La concertation sur la Loi de transition énergétique pour la croissance verte (TECV) qui impose en cas de ravalement d'isoler les bâtiments, par l'extérieur puisqu'il s'agit de travaux de ravalement.
Le décret a été réécrit et nous avons été entendus sur certains points. Mais l'obligation est maintenue pour les matériaux de façade "industriels" comme le béton, la brique ou le métal c'est à dire les matériaux de l'architecture contemporaine. Certes, le maître d'ouvrage "éclairé" qui ne souhaite pas appliquer sur son bâtiment une isolation thermique par l'extérieur (ITE) en invoquant des raisons architecturales pourra déroger à l'obligation de travaux embarqués. La crainte reste malheureusement entière concernant le maître d'ouvrage qui commandera la pose d'une ITE, peu importe la valeur patrimoniale du bâti et le type de matériaux, qui lui ne demandera pas l'avis d'un architecte.
Batiactu : Que demandez-vous ?
Catherine Jacquot : Nous demandons donc un diagnostic global du bâtiment pour plusieurs raisons. Tout d'abord, pour une question technique. Engager des travaux sur l'extérieur d'un bâtiment peut avoir des conséquences sur sa structure, sa ventilation etc..et peut déclencher des pathologies graves du bâti et agir sur la qualité de l'air. L'autre raison est patrimoniale. Le décret protège le bâti en pierre, en bois en matériaux naturels mais maintient l'obligation d'un procédé technique sur les autres matériaux de façades. Il faut éviter que des constructions métalliques ou en béton, par exemple, ne soient défigurées par des rénovations extérieures par l'intervention d'un architecte en amont des travaux. Il fera avec les compétences nécessaires un diagnostic global sur la valeur du patrimoine et sur la technique et il donnera ainsi envie au maître d'ouvrage, au particulier de faire ces travaux.
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Batiactu : Comment comptez-vous faire ?
Catherine Jacquot : le diagnostic fait par un architecte montrerait au particulier, à la copropriété l'intérêt qu'il a à faire une rénovation : le gain en confort notamment, le meilleur usage de son logement. Les travaux de rénovation augmentent la valeur de son patrimoine, encore faut-il que cela soit bien pensé en amont. Nous souhaiterions que lorsque l'aspect extérieur du bâti est modifié le maître d'ouvrage fasse une demande de permis de construire et non plus seulement une simple déclaration de travaux soit déposée. Pourquoi ne pas mettre en place des subventions pour ce diagnostic préalable ?. C'est ce que nous avons demandons au ministère de l'Environnement. Pour l'instant, nous avons reçu une fin de non-recevoir mais nous persévérons. L'Ademe estime également qu'il faut donner envie aux maîtres d'ouvrage de rénover.
Batiactu : Une enquête de l'UFC-Que choisir dénonce l'efficacité des artisans labellisés RGE (ndlr : Reconnu Garant de l'Environnement) et préconise de faire appel à un "architecte-énergéticien", qu'en pensez-vous ?
Catherine Jacquot : L'architecte énergéticien n'existe pas. Un architecte réunit autour de lui les compétences nécessaires. Il a la formation et les outils qui lui permettent de faire un diagnostic ou bien il fait appel à des bureaux d'études, thermiciens, structure ou autre qui seront nécessaire. Les artisans connaissent leur métier mais ils ont besoin d'une maîtrise d'œuvre pour faire des travaux de qualité.