Alors que s'ouvre, ce lundi 9 décembre, le sommet européen des ministres du Travail, la pression sur le gouvernement français n'a pas faibli ces derniers jours, avec nombre de propositions qui ont été remises aux services de Michel Sapin, tant des fédérations de professionnels du bâtiment - 1er secteur touché - que par les professionnels du recrutement. Détails.
Tous attendent un texte qui renforcera les conditions d'application de la Directive de 1996 dite "Détachement". C'est en effet ce lundi 9 décembre que se joue l'avenir de ce texte qui permet à des étrangers de pouvoir aller travailler dans d'autres Etats membres de l'UE. Les ministres européens du Travail auront donc du pain sur la planche.
Le leitmotiv revient à chaque réunion des professionnels du secteur du bâtiment, le premier touché par la concurrence déloyale engendré par le travail détaché. "Stop à la concurrence", a ainsi lancé, il y a quelques semaines la Fédération française du bâtiment, avec sa pétition qui a aujourd'hui rassemblé quelque 46.000 signatures, et qui doit être dans les mains du ministre du Travail à l'heure où s'ouvre la réunion. L'organisation a depuis longtemps tiré la sonnette d'alarme, au même titre que sa consoeur la Capeb, dénonçant le recours à ces sociétés étrangères de travail temporaire ou de construction, trop souvent synonymes de salaires tirés vers le bas, de durée de travail non respectée, de consignes de sécurité bafouées, de charges sociales payées dans d'autres pays ou encore d'absence de contrôles sérieux…
Surtout renforcer les contrôles
La solution qui fait l'unanimité, c'est celle du renforcement des contrôles, surtout pendant les week-ends et les soirs, clament les organisations du secteur. Des opérations "coup de poing", davantage ciblées pourraient faire avancer les choses. A ce titre, le ministère du Travail qui a dévoilé son Plan de lutte, la semaine dernière, a rappelé la nécessité d'un arsenal législatif plus offensif et a promis une intensification des contrôles.
Au-delà des contrôles renforcés, l'obligation de la carte d'identification professionnelle délivrée par les caisses de congés payés pour toutes les personnes travaillant sur un chantier, la mise en place d'une liste ouverte de mesures de contrôles que peut imposer un Etat membre d'accueil à une entreprise étrangère, l'instauration d'une responsabilité conjointe et solidaire du donneur d'ordre, la création d'un "coffre-fort électronique" qui permet à toute entreprise de stocker des informations ou encore la constitution d'une "liste noire" des entreprises et prestataires de services "indélicats"… Autant d'autres propositions formulées par les professionnels, qui viennent s'ajouter à celles du Plan de lutte contre le travail illégal présenté par le gouvernement.
Interdire le détachement d'un salarié dans le pays dans lequel il réside
Du côté des organismes de recrutement, Prism'Emploi s'est également positionné et fait part de ses propositions à Michel Sapin. Avec ses 7 mesures contre le travail illégal et le détachement abusif, le groupe - qui compte plus de 600 entreprises de toutes tailles, 6.900 agences d'emploi et 20.000 salariés permanents sur la France entière - souhaite "plus de clarté, plus de contrôle et plus d'information". La première de ses propositions est en rapport avec un problème évoqué en début de semaine dernière dans le rapport Savary-Piron-Guittet : le nombre grandissant de Français détachés en France. Prism'Emploi préconise ainsi l'interdiction du détachement d'un salarié dans le pays dans lequel il réside, "qui mettrait fin aux affiliations aux régimes de sécurité sociale incitant à l'optimisation sociale des entreprises", confirme François Roux, Délégué général de Prism'Emploi. Ce dernier recommande aussi une coordination des législations européennes sur le détachement, en matière de droit du travail et droit de la sécurité sociale. Egalement, la mise en place d'un système unique de déclaration préalable au détachement au niveau européen, qui rendrait les démarches moins complexes. Pourquoi ne pas créer un site internet actualisé sur les formalités préalables au détachement, s'interroge Prism'Emploi. Et aussi revenir sur le seuil de 25% du chiffre d'affaires établi par la Commission, qui inciterait les régimes de sécurité sociale des pays d'origine à avoir un contrôle plus strict sur l'activité des entreprises.
Ces différentes propositions trouveront-elles une oreille attentive à Bruxelles ? Verdict ce lundi.