DÉCRYPTAGE. Emmanuel Macron entame ce 23 août une tournée européenne pour défendre le renforcement de la directive sur le travail détaché. Sa tâche sera difficile pour faire accepter ses nouvelles mesures. Des mesures pourtant très attendues par les les professionnels du bâtiment français.
Pendant trois jours, du 23 au 25 août, Emmanuel Macron se rendra en Autriche, Roumanie et Bulgarie pour aborder avec ses homologues la révision de la directive sur le travail détaché. Le chef de l'Etat tentera de les convaincre. Jusqu'à présent ces pays d'Europe de l'Est s'y opposent s'inquiétant notamment pour la liberté de circulation de leurs travailleurs. Mais le temps presse. L'Estonie, qui est à la tête de la présidence de l'Union jusqu'en décembre, doit proposer un texte de compromis d'ici à septembre. Le président français devra convaincre les pays récalcitrants avant la fin de l'année. En effet, la présidence de l'Union sera ensuite assurée par la Bulgarie qui est, pour l'heure, opposée à cette révision.
Les organisations professionnelles du bâtiment mobilisées
La France espère ainsi que les Etats membres s'accordent sur ce compromis valident des mesures mettant un terme aux pratiques déloyales. Des mesures également très attendues par les professionnels du bâtiment et qui "vont dans le bon sens", pour Patrick Liébus, président de la Capeb. Et même si "ce n'est pas le système du travail détaché qui pose problème" mais "la fraude", selon Jacques Chanut, Président de la FFB, des modifications de la directive doivent être menées.
Le président de la Capeb, qui nous a confié s'être entretenu ce 22 août avec l'Elysée à ce sujet, se dit satisfait des mesures qui seront défendues par le chef de l'Etat à commencer par la baisse de la durée possible d'un détachement dans un pays. Alors qu'elle est de 36 mois actuellement, l'Union européenne propose de passer à 24 et la France à 12 mois maximum, comme "la Capeb le réclame", se félicite Patrick Liébus, qui défend aussi ce dossier en tant président de l'European Builders Confederation.
A qualification égale, rémunération égale
Parmi les propositions figure l'égalité salariale. "Puisqu'on ne peut exiger de faire appliquer les mêmes charges au sein de l'Union, il sera proposé de donner les mêmes droits pour le salaire", explique Patrick Liébus. Ainsi, la rémunération devra correspondre à celle qui est appliquée en France selon la qualification demandée. Un chef de chantier ne pourra donc pas être payé au smic.
Et la France veut aller plus loin, nous précise Patrick Liébus. Ainsi, elle souhaite que des primes soient versées aux compagnons pour payer leur logement, leur transport et leur nourriture, sans que cela soit retiré de leur salaire. "Cela va surenchérir le coût du travail détaché", fait-il d'ailleurs remarquer.
Pour Jacques Chanut, il existe deux types de fraudes : la non déclaration et l'autre "plus sournoise" qui consiste à déclarer des salariés mais sans respecter la règle sociale d'hygiène et de sécurité. "Ceux qui sont déclarés pour 35 heures et qui travaillent parfois jusqu'à 70 heures par semaine et sans respect des règles en terme de conditions de travail," donne-t-il en exemple. Le non-respect de ces conditions est inadmissible pour Patrick Liébus qui juge "normal" que la France soit intransigeante sur cette question étant "le pays des droits de l'Homme". Il ajoute que "les pays concernés doivent réfléchir aux conditions dans lesquelles se trouvent leurs concitoyens". Jacques Chanut estime qu'un travail est aussi à mener en France pour faire comprendre aux maîtres d'ouvrage que ces travailleurs étrangers sont parfois exploités.
Intensifier les contrôles
Et même si la mise en place de la carte BTP "a facilité les contrôles" et qu'il devient donc plus "difficile de ne pas déclarer un intervenant", d'autres types d'abus existent déplore Jacques Chanut. Pour lutter contre cela, les deux dirigeants prônent pour plus de contrôles "jour, nuit, et même le week-end". Ils se disent également favorables à la suppression du détachement dans l'intérim, "un moyen trop facile pour détourner la loi", estime Patrick Liébus.
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Dernier point dans le viseur des deux professionnels du bâtiment : les entreprises boîtes aux lettres. Pour Jacques Chanut, il faut s'assurer que ces dernières ont bien une activité dans leur pays et suggère que leurs missions à l'étranger ne dépassent pas un pourcentage de leur chiffre d'affaires.