REACTIONS. A la suite du renforcement de la position française concernant la réforme de la directive détachement, les avis de certains professionnels concernés semblent favorables. Même si l'exigence française risque de ralentir le processus de validation de la réforme.

"Les propositions du président Emmanuel Macron vont dans le même sens que son travail lorsqu'il était ministre de l'Economie." C'est Patrick Liébus, président de la Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment (Capeb), qui l'affirme. Le 8 juin ont en effet été révélés, par voie de presse, de nouvelles propositions françaises pour réformer la directive européenne régissant le travail détaché. Elles témoignent d'un durcissement de la position française sur ce dossier : limitation à une durée de douze mois (au lieu de vingt-quatre), sur deux ans, d'un détachement, intégration des indemnités de transport, d'hébergement et de repas dans le revenu... Emmanuel Macron, ministre de l'Economie, avait déjà, dans sa "loi Macron", œuvré en faveur de la lutte contre la concurrence déloyale.

 

"Je retiens surtout, dans ces propositions, le lien qui est fait entre la lutte contre le détachement illégal et la révision du règlement sur la coordination des régimes de sécurité sociale", affirme pour sa part Karine Bézille, associée en droit social chez LPA-CGR avocats. "C'est dans ce texte, et non pas dans la directive détachement, qu'est traitée la question de la durée maximale de détachement. Or, Emmanuel Macron souhaite diviser celle-ci par deux."

 

Le nerf de la guerre : une meilleure coordination des contrôles au plan européen

 

Mais le "nerf de la guerre", pour l'avocate, est constitué d'une autre proposition française : une meilleure coordination européenne des contrôles au niveau du droit du travail. "Il y a aujourd'hui une accumulation de réglementations qui débouche sur des situations très complexe", affirme-t-elle. "En France, nous avons eu successivement les lois Savary, Macron puis El Khomri pour lutter contre la fraude au détachement, mais la question de la coordination n'avait pas encore été abordée."

 

Seul hic : ces propositions sont ambitieuses, et elles pourraient mettre du temps à être validées en tant que telles au niveau européen. "Le clivage Est-Ouest est toujours très prégnant sur ces questions", rappelle Karine Bézille. "Et n'oublions pas que certains secteurs sont contre la révision de cette directive, par exemple dans le monde de l'industrie", ajoute Patrick Liébus. Mais, selon le patron de la Capeb, mieux vaut viser haut pour toucher juste. "Nous sommes satisfaits, en tout cas, de constater que ce sujet est érigé par le président au rang de priorité." Il est vrai qu'Emmanuel Macron, lors de son premier déplacement en tant que président de la République, en Allemagne, avait évoqué ce sujet avec Angela Merkel, avant d'y revenir, quelques jours après, lors d'une visite sur les chantiers navals.

 

Fraude au détachment : les propositions de la Capeb
Patrick Liébus est intervenu, le 31 mai, à Bruxelles, au sujet du détachement. Il en a profité pour lister l'ensemble des propositions portées par les organisations qu'il préside, la Capeb et la Confédération européenne des bâtisseur (EBC).

 

- Réduire la durée du détachement (24 mois), "beaucoup trop longue".

 

- Mettre fin à toute « répétitivité » qui permet au travailleur détaché de revenir quelques jours dans son pays d'origine pour «remettre les compteurs à zéro» et repartir ensuite pour une nouvelle durée.

 

- Établir une durée limite de détachement de six mois maximum dans le secteur de la construction.

 

- Suppression immédiate du détachement au travers des sociétés d'intérim.

 

- Imposer au salarié détaché d'avoir une ancienneté d'au moins six mois dans l'entreprise de son pays afin d'éviter tout contournement du dispositif et contrecarrer ainsi les entreprises «boîtes aux lettres».

 

- Révision des règlements de coordination des régimes de sécurité sociale, pour régler la question des charges sociales et fiscales qui constitue une vraie concurrence déloyale.

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