Avec 19 sites d'injection en service et 200 de plus qui devraient être raccordés dans les années qui viennent, le gaz renouvelable prend son essor, même s'il est encore infime dans la consommation française. Le Syndicat des énergies renouvelables et les gestionnaires des réseaux français (GRDF, GRTgaz, SPEGNN et TIGF) font un état des lieux de la filière.
Le gaz renouvelable s'est vu fixer un objectif dans le cadre de la loi de Transition énergétique pour la croissance verte : il devra représenter 10 % de la consommation totale de gaz en 2030. Un chiffre qui peut paraître faible mais qui n'est cependant pas encore à portée de main. La proportion de gaz renouvelable dans les réseaux est aujourd'hui de 0,02 %, soit 500 fois moins… Jean-Louis Bal, le président du Syndicat des énergies renouvelables, est cependant optimiste. Il note "des ambitions environnementales très volontaires. Le biogaz est une solution au cœur de la transition. Il répond à un enjeu d'optimisation dans la gestion des déchets, et à des enjeux agricoles de favorisation du retour de la matière organique dans les sols et de source de revenu complémentaire pour les agriculteurs". Dans cette optique, la valorisation des déchets en énergie constitue donc une opportunité, à la fois pour les producteurs et pour les industriels, qui pourrait conduire à la création d'emplois locaux. Il est estimé qu'en 2020, la filière dans son ensemble aura permis de fournir du travail à 10.000 personnes dans le développement et la construction des projets, et de créer 5.000 postes permanents pour l'exploitation et la maintenance.
Une file d'attente de 200 projets
"On retrouve cette volonté politique dans la Programmation pluriannuelle des investissements, qui sera confirmée prochainement dans la Programmation pluriannuelle des énergies", estime-t-il. En chiffres, la production de biogaz, qui est actuellement de 0,082 TWh, devra atteindre les 1,7 TWh en 2018 puis 8 TWh en 2023. Les installations, encore rares en France puisqu'elles ne sont que 19 à fonctionner pour l'heure, vont donc se multiplier, qu'il s'agisse de valorisation de déchets ménagers, de méthaniseurs agricoles ou de stations d'épurations urbaines et industrielles. Deux cents projets, représentant 3,86 TWh, sont d'ores et déjà inscrits sur file d'attente pour être raccordés au réseau de gaz, afin d'injecter leur production de biométhane. Dans le même temps, la consommation de gaz devrait peu évoluer, voire légèrement diminuer, compte tenu des meilleures performances des chaudières modernes. Elle est aujourd'hui de 421 TWh/an.
Vers un gaz 100 % renouvelable en 2050 ?
A plus long terme, la filière imagine pouvoir miser sur tout un panel d'intrants. Le gisement mobilisable, à l'horizon de 2030, pourrait atteindre les 56 TWh de biogaz grâce à 130 millions de tonnes de matière brute (boues, effluents, déchets, cultures…). Encore plus loin, en 2050, il est envisagé que le gaz fourni soit totalement renouvelable, grâce à un potentiel de 400 à 550 TWh. Afin d'y parvenir, la méthanisation des déchets devrait fournir 210 TWh, la gazéification de la biomasse 160 à 280 TWh de plus, l'hydrogène-méthanation de 20 à 35 TWh, et les micro-algues entre 10 et 25 TWh. La solution Power-to-Gas, qui va être expérimentée à Fos-sur-Mer constitue une piste intéressante afin d'interconnecter les réseaux de gaz et d'électricité pour parvenir à une agilité énergétique, permettant de passer d'une ressource à l'autre en fonction des besoins. De même, le développement de la mobilité gaz, pour compléter la mobilité électrique, moins adaptée aux transports lourds (camions de livraison, camions-poubelles, bus), constitue un axe privilégié.
En attente de simplifications
Le SER met en avant des évolutions nécessaires, afin de faciliter le développement de ce biogaz français. "Il faut notamment permettre aux sites qui produisent du biogaz de l'injecter en bénéficiant du tarif actuel d'injection, ou prolonger de 15 à 20 ans la durée des contrats", précise le président du syndicat. Il liste d'autres aménagements : "La mise en place d'un cadre favorable au biométhane carburant, l'exonération des consommateurs de biométhane de la contribution climat énergie ou encore l'exonération de la taxe foncière pour les unités de méthanisation industrielle". Comme pour les autres énergies renouvelables, les professionnels réclament également une simplification des procédures administratives ou la mise en place d'un fonds de garantie afin de simplifier les financements des projets et couvrir une partie des risques. Fort de ces avancées, le gaz se décarbonera peu à peu, pour finir par devenir une ressource totalement verte. La consommation actuelle de biogaz permet d'éviter le rejet de 15.000 tonnes de CO2 dans l'atmosphère.
En Europe, le champion toutes catégories de l'injection de biométhane est l'Allemagne, avec 165 unités en fonctionnement et 10 TWh/an de production. Elle devance la Grande-Bretagne, autre poids lourd de cette filière, qui dispose pour sa part de 50 sites injectant 2 TWh/an. Les Pays-Bas arrivent en troisième place avec 25 sites et 0,9 TWh/an. "L'injection dans le réseau de distribution est pratiquée depuis plus de 20 ans, y compris pour le biométhane de décharges", précisent GRDF et Crigen/Engie. Danemark, Autriche, Suède et Suisse, disposent chacun de 10 à 20 sites de production qui fournissent entre 130 et 360 GWh/an. La France (19 sites et seulement 82 GWh/an) accuse donc un certain retard, qu'elle va tenter de combler, mais elle devance tout de même les pays méditerranéens comme l'Espagne et l'Italie, où l'injection n'est pas autorisée ou pas encouragée.