LOI ELAN. Le projet de loi Elan, dédié au logement et au numérique, vient d'entrer en discussion au Sénat. Alors que différents mouvements d'architectes organisent une manifestation, le 17 juillet devant la Haute assemblée, le secrétaire d'État à la Cohésion des territoires défend son texte bec et ongles.
Le projet de loi Elan est entré, le 16 juillet 2018, en débat au Sénat en première lecture. Et les points de blocage et de possibles évolutions sont nombreux, à commencer par la question de la vente de logements sociaux. Le secrétaire d'État à la Cohésion des territoires, Julien Denormandie, a ainsi précisé lors d'une intervention télévisée de quelle manière il souhaitait "renforcer" le texte sur ce point. "Un bailleur social qui vend un logement social peut ensuite en construire 2 à 3 avec les fruits de la vente", a-t-il assuré. "Le point sur lequel nous allons continuer de débattre au Sénat, c'est celui de renforcer la loi de manière à ce que lorsqu'un logement social est vendu par un bailleur, le réinvestissement se fasse sur le même territoire."
Les architectes manifesteront devant le Sénat
Julien Denormandie a également profité de cette occasion pour tenter de rassurer ceux qui s'inquiètent d'un éventuel affaiblissement du rôle des architectes. Les organisations représentatives de ce corps de métier ont en effet annoncé qu'elles organisaient une manifestation, le 17 juillet, devant le Sénat, pour protester une nouvelle fois contre ce projet de loi qui propose notamment de supprimer l'obligation de concours d'architecture pour les bailleurs sociaux. "Il nous faut convaincre les sénateurs qu'ils ont à faire un choix de société fondamental vis-à-vis de leurs concitoyens et déterminant pour les générations futures, et que brader la qualité du logement et du cadre de vie comme le prévoit le projet de loi Elan est un retour de 60 ans en arrière", estime ainsi l'Union nationale des syndicats français d'architectes.
Les professionnels du secteur ont toutefois tendance à regagner espoir, notamment du fait du travail effectué en commissions sénatoriales. "Elles ont rétabli un peu de bon sens en supprimant certaines des pires dispositions ou en introduisant des solutions plus équilibrées", précise ainsi le Conseil national de l'ordre des architectes. "Elles ont fait, notamment la commission culture, un travail remarquable, et ont validé plusieurs propositions du collectif Ambition Logement et des architectes" : les bailleurs sociaux resteraient ainsi soumis au cadre de la loi Mop et les dérogations permettant le recours à la conception-réalisation resteraient limitées aux bailleurs sociaux et ne seraient pas étendues aux autres maîtres d'ouvrage publics.
"Tout projet doit avoir son architecte et nous ne revenons pas sur cela."
"Je vais rassurer tout le monde !", a pour sa part assuré Julien Denormandie sur Public Sénat. "Le code de l'urbanisme impose le recours à l'architecte, et c'est une profession dont nous avons besoin. Tout projet doit avoir son architecte et nous ne revenons pas sur cela. Toutefois, quand vous êtes un bailleur social, le droit vous impose une certaine manière de travailler avec un architecte. Il y a un côté figé. Mais dans la société d'innovation, de mouvement, d'agilité dans laquelle nous sommes, le droit ne doit pas imposer des relations entre les uns et les autres."
Logements accessibles : le Conseil de l'Europe avertit la France
Ce point est loin d'être le seul sur lequel le projet de loi Elan fait débat. Récemment, nous informe l'AFP, le Conseil de l'Europe a ainsi mis en en garde la France contre une "diminution significative" du nombre de logements neufs obligatoirement accessibles aux personnes handicapées. Le texte prévoit en effet de passer de 100% de logements accessibles à 10%. "En l'état, ce projet de loi conduirait à une diminution significative de la proportion de logements accessibles aux personnes en situation de handicap que les bâtiments d'habitation collectifs neufs doivent obligatoirement contenir", s'est inquiétée Dunja Mijatovic, commissaire aux droits de l'Homme du Conseil de l'Europe.
"Dans le cadre de l'examen du projet de loi portant sur l'évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (Elan) au Sénat, de nombreux amendements visant à déroger à la loi «Littoral» ont été adoptés en commission des affaires économiques", regrette France nature environnement (FNE) dans un communiqué de presse du 16 juillet 2018. "FNE s'inquiète des répercussions négatives que cela peut avoir sur la protection de nos côtes et appelle les sénateurs et le gouvernement à revenir sur ces régressions en séance publique." L'association évoque des amendements facilitant les constructions aquacoles et ostréicoles sur le domaine public maritime et en espaces proches du rivage pour y autoriser plus facilement des lieux de dégustation, ou encore pour rendre possible la construction de sites de traitements des déchets en Outre-mer. "Autre danger : des maires du littoral ou leurs adjoints sont liés au monde de la construction ou de la promotion immobilière et ne montrent aucun scrupule quant aux impacts environnementaux et aux risques littoraux. De tels élus qui mélangent les genres militent ouvertement en faveur 'd'assouplissements' de la loi littoral", avance FNE.