CONCESSIONS. L'association Anticor a déposé plainte contre X auprès du parquet national financier (PNF) pour favoritisme dans l'attribution du marché public d'exploitation du Parc des expositions de la Porte de Versailles, propriété de la Ville de Paris. Au cœur de cette procédure : le projet de la tour Triangle, porté par Unibail.

Le parc des expositions de la Porte de Versailles est le deuxième plus grand site d'exposition francilien et l'un des sites les plus rentables de France. Le 22 octobre, Anticor, association de lutte contre la corruption, a déposé une plainte contre X, s'appuyant sur un rapport de la Chambre régionale des comptes paru en mars dernier. C'est dans l'enceinte du parc des expositions que doit voir le jour la tour Triangle, immeuble de 180 mètres de haut (42 étages) abritant un hôtel de luxe, des bureaux et un espace culturel. Ce projet, très contesté, a déjà fait l'objet de contestations devant les tribunaux.

 

 


Propriété de la ville de Paris, le site a été confié à la Société d'exploitation du parc des exposition (Sepe). En 2008, rachetée par Unibail-Rodamco, Sepe prend le nom de Viparis porte de Versailles. Dans la foulée, Viparis propose à la mairie un projet de construction de la deuxième tour la plus haute de Paris, la tour Triangle, pour un coût de 500 millions d'euros, dans le parc des expositions. Viparis est à ce moment concessionnaire du parc jusqu'en 2026.

 

Trois décisions discutables

 

"Dans ces limites temporelles, Viparis se serait retrouvée avec la responsabilité d'un projet, mais sans le temps nécessaire pour le rentabiliser, dans l'hypothèse où une autre société remporterait le marché public de renouvellement de la concession d'exploitation du parc des expositions, en 2026", explique Anticor sur son site internet. Le délai étant trop court pour que la construction et la concession de la tour soient rentables pour Unibail, "la mairie de Paris a alors pris trois décisions, contre l'avis de ses services", raconte l'association.

 

La première consiste à résilier de manière anticipée le contrat de concession la liant à Unibail, "alors même que les services de la municipalité préconisaient de procéder par avenant plutôt que d'annuler la concession existante". La seconde consiste à indemniser la filiale d'Unibail à hauteur de 263 millions d'euros, en conséquence de cette rupture de contrat anticipée. "Or, l'indemnisation est illégitime dès lors que le promoteur ne démontre pas avoir subi un préjudice, soit qu'il n'a pas été évincé du terrain. Ainsi, le rapport de la Cour régionale des comptes souligne le fait que le promoteur n'a pas cessé d'occuper et d'exploiter les installations du parc des expositions à la suite de la résiliation dudit contrat", et n'aurait donc subi aucun préjudice.

 

 


La troisième, toujours selon Anticor, consiste à avoir fixé un droit d'entrée de 263 millions d'euros, soit le même montant que l'indemnisation pour rupture de la concession, dans l'appel d'offres, "créant par la même occasion un déséquilibre grave entre les promoteurs susceptibles de se porter candidats, en violation du principe d'égalité d'accès aux marchés publics". La mairie de Paris a ensuite conclu un deuxième contrat avec le promoteur, désormais dénommé Unibail-Rodamco-Westfield (URW), portant concession du parc pour 47 ans, à compter du 1er janvier 2015.

 

Faveurs et rabais

 

Selon Anticor, le Canard enchaîné a "mis en lumière d'autres faveurs accordées par la mairie de Paris au futur concessionnaire", telle que la prise en charge par la collectivité de l'aménagement du terrain destinée à recevoir la tour "alors même qu'aucun crédit n'était prévu à cet effet dans le budget municipal et que les services de la collectivité recommandaient d'attribuer ces dépenses au promoteur". Enfin, l'hebdomadaire signalait l'existence d'un rabais octroyé par la municipalité sur le loyer de la tour Triangle, estimé d'abord à 9 millions d'euros par an, celui-ci passant à 2 millions d'euros annuels.

 

"Dans ce dossier, les services de la mairie de Paris ont alerté, à plusieurs reprises, sur les risques de favoritisme et de l'utilisation dispendieuse des fonds publics sans être entendus. La Chambre régionale des comptes a pointé dans son rapport de mars 2020 les irrégularités de ce montage, pour l'instant sans effet connu. C'est non seulement des centaines de millions d'argent public versé à UnibailL, mais cela pourrait constituer un délit de favoritisme qui relève du droit pénal", explique ainsi Elise Van Beneden, présidente d'Anticor. "Puisque les différents niveaux d'alerte publics n'ont pas fonctionné et que ce n'est pas parce qu'il s'agit d'opérations à 9 chiffres que la justice doit être différente, Anticor a décidé de porter plainte auprès du parquet national financier", justifie-t-elle.

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