La tour Montparnasse renferme de l'amiante «un peu partout», dans ses plafonds, parois et dalles, et le diagnostic a souffert d'un retard d'au moins un an et demi.

Par rapport à cette situation, le Journal du dimanche a évoqué «deux scénarios» : une réhabilitation sur site occupé pendant dix ans ou une intervention sur la tour vidée de ses occupants pendant 3 ans. La facture est évaluée à 4 millions d'euros par étage.

«L'amiante se trouve un peu partout dans l'immeuble», a expliqué Alain Carrey, expert représentant des copropriétaires et conseil du syndic sur le dossier amiante, ajoutant toutefois qu' «il n'y a pas de danger pour les occupants». Selon lui, «il y a un danger, qui est sous contrôle, pour les intervenants pour maintenance».

La tour Montparnasse, construite de 1969 à 1973 dans le 14e arrondissement de Paris, comporte 59 étages, dont la plupart occupés par des bureaux. Au 56ème étage, un belvédère offre une vue exceptionnelle sur Paris, si bien qu'elle reçoit près de 600.000 touristes par an. 5.000 personnes y travaillent. L'amiante, largement utilisé dans l'isolation jusqu'à son interdiction au 1er janvier 1997, est fortement cancérigène. Quatre étages dits «techniques» de la tour présentent des concentrations particulièrement importantes, qui les classent au «niveau 3» de la réglementation (sur une échelle graduée de 1 à 3 pour exprimer la dangerosité du matériau). Ces étages abritent les traitements d'air, la production d'électricité, d'eau chaude et d'eau froide et ne sont pas occupés. Mais ils font l'objet régulièrement d'interventions techniques pour maintenance, exposant les travailleurs à un risque élevé, d'autant que le classement de niveau 3 «est connu depuis moins d'un an», selon M. Carrey. Pour l'expert, l'amiante «devra être retirée lors d'opérations de réhabilitation, on ne peut pas faire autrement».

Alain Carrey précise qu'un bureau d'études va coordonner un rapport pour une période «entre 12 et 18 mois», afin de proposer aux copropriétaires des travaux. Mais d'abord, il faut établir d'ici fin mai le diagnostic complet de la tour. Ce «dossier technique amiante», ou DTA, aurait dû être prêt au 31 décembre 2003, selon la réglementation. M. Carrey impute directement ce retard d'un an et demi au cabinet qui a conduit les expertises sur l'amiante dans la tour depuis 1996, ARS (Agence des risques de la santé). «Il faut tout recommencer à zéro, il y a eu de faux classements, rien n'était conforme», dénonce M. Carrey.

Pour sa part, Serge Jullineau, directeur d'ARS impute le retard au gestionnaire de la tour. Selon lui, le risque était «connu depuis 2002» et il a «essayé d'en discuter avec le gestionnaire de la tour à cette époque-là», mais ces discussions n'ont pas abouti et n'ont pas été portées à la connaissance des copropriétaires. «Il y a un retard flagrant, qui pose le problème du contrôle de la réglementation et de l'absence de sanctions», estime Michel Parigot, vice-président de l'Association des victimes de l'amiante (Andeva). Claude Got, auteur du rapport de 1998 qui a inspiré la réglementation sur l'amiante, rappelle qu'il proposait de «mettre en ligne sur internet tous les diagnostics des bâtiments». «Ce n'est rien à faire techniquement, seulement il faut la volonté politique de le faire, et les gouvernements ne l'ont pas eue parce qu'ils ont eu peur, qu'il y ait un effet d'épouvantail, que plus personne ne veuille fréquenter ces bâtiments-là, que les employés refusent même d'y travailler», témoigne-t-il.

La tour Montparnasse n'est que la face visible de l'iceberg: la plupart des bâtiments construits après guerre ont massivement recouru à l'amiante, rappelle M. Got: «au XXe siècle, on a importé en France l'équivalent de 80 kg d'amiante par habitant». L'amiante est responsable chaque année en France de 3.000 à 4.000 décès, soit un total de 100.000 morts à venir sur 30 ans.



L’amiante en 3 points

- L'amiante, utilisée jusqu'aux années 1990 :
Très bon isolant, résistant au feu, l'amiante a été très utilisée dans la construction et de nombreux secteurs de l'industrie. Les cristaux de ce minéral étaient tissés en fibres, incorporées dans des matériaux comme le ciment. Lorsque ces matériaux se délitent, les cristaux risquent d'être inhalés. Les plus gros consommateurs d'amiante ont été le bâtiment et les industries lourdes, mais ce minéral s'est retrouvé également dans des milliers d'objets de la vie quotidienne (joints, grille-pain, plaquettes de frein...). Les métiers à risques sont notamment les travailleurs des chantiers navals, marins, cheminots, métallos, dockers, mineurs, mécaniciens automobiles et garagistes, plombiers, électriciens et charpentiers ...

- L'amiante, un risque sanitaire important : Elle cause quelque 3.000 décès par an en France et pourrait faire 100.000 morts d'ici 2025, selon les prévisions les plus pessimistes de santé publique. Les effets néfastes de son inhalation (fibroses pulmonaires, asbestoses) sont connus depuis le début du siècle dernier et son caractère cancérigène depuis les années 50. Les cancers qu'elle provoque (poumon et plèvre essentiellement) se manifestent en général longtemps après l'exposition, jusqu'à 30 à 40 ans après. Le risque de cancer du poumon est multiplié par deux par l'amiante, selon un spécialiste, le Pr Marcel Golberg.

- Le désamiantage, une procédure complexe et coûteuse : Le processus de désamiantage d'une zone telle, par exemple, que le campus de Jussieu à Paris se fait en plusieurs étapes et nécessite des mesures de sécurité comparables aux installations nucléaires. Il s'agit d'abord de déménager et dépoussiérer les matériels présents dans les locaux, de retirer portes et cloisons et de confiner la zone. Il faut ensuite déposer les faux plafonds ou les placards techniques afin d'accéder à l'amiante, enlevée à la main après avoir été humidifiée pour éviter les émissions de poussières. Les opérateurs portent une combinaison spéciale, un masque, proche d'un scaphandre, dans lequel ils respirent de l'air artificiel traité et contrôlé régulièrement. Pour une barre du campus de Jussieu, soit entre 500 et 900 m2, 80 tonnes d'amiante sont évacuées, ainsi que 80 t de déchets ayant été en contact avec l'amiante et autant de déchets courants. Tous seront lavés, et certains devront être retraités.

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