C'est un exploit des temps modernes qui est en passe d'être réalisé : un tour du monde par les airs sans dépenser une goutte de kérosène. L'avion Solar Impulse 2 s'apprête à se poser à Abou Dhabi d'où il était parti en mars 2015. Les connaissances accumulées pourraient mener au développement de nouvelles technologies du quotidien, y compris dans les bâtiments.
Après plus de 40.000 km parcourus en 500 heures de vol, Solar Impulse 2, l'avion solaire, est en passe de boucler son tour du monde. En 17 étapes, il aura battu de nombreux records du monde, dont celui du plus long vol en solitaire, entre Nagoya (Japon) et Honolulu (Hawaï), avec une étape de près de 5 jours, à la vitesse moyenne de 61 km/h… Un exploit qui aura également laissé des traces : au terme de cette liaison transpacifique, les batteries stockant l'énergie solaire produite pendant le jour avaient été fatalement endommagées, entraînant un arrêt du programme pendant plusieurs mois (entre juillet 2015 et avril 2016), le temps que les réparations soient faites et que des conditions météorologiques favorables soient trouvées.
Car l'avion Solar Impulse 2 est un précurseur fragile. Léger comme une camionnette (2,3 tonnes) mais doté d'ailes plus longues que celles d'un Jumbo jet (72 mètres contre 68 pour les dernières versions du Boeing 747), il a tout misé sur l'efficacité énergétique et sur l'efficience aérodynamique. Réalisé en composites, il a mis ses deux pilotes suisses, Bertrand Piccard et André Borschberg à rude épreuve, puisque le cockpit n'était pas pressurisé, ni chauffé. Un problème lorsqu'on vole en journée à 8.500 mètres d'altitude où le thermomètre descend sous les -40 °C. Des études ont donc été menées dans le domaine des isolants afin qu'ils soient à la fois performants et léger, et protègent le mieux possible les pilotes sans grever l'endurance de l'appareil. Résultat : une combinaison de fibre de carbone résistante et ultralégère (25 g/m² soit trois fois moins qu'une feuille de papier) et de mousse alvéolaire de polyuréthane. Les chimistes du groupe belge Solvay ont notamment développé une variante solide de cette mousse pour protéger le poste de pilotage et les pods abritant les moteurs électriques et les batteries des trop grands écarts de températures rencontrés entre les différentes couches de l'atmosphère s'empilant du sol jusqu'aux confins de la troposphère. De même, pour protéger des éléments les 17.000 cellules photovoltaïques ultrafines, un vernis spécial a été mis au point, ne devant pas se craqueler malgré les torsions de l'imposante voilure. Deux technologies qui devraient, un jour, trouver le chemin des façades d'immeubles.
Légèreté, plasticité, efficacité
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Autre innovation, le système propulsif de l'engin, reposant sur l'utilisation de quatre moteurs électriques de faible puissance (seulement 17,5 chevaux chacun). Il affiche un rendement record de 97 % (avec seulement 3 % de pertes entre les batteries et les hélices), contre 70 % pour une motorisation thermique classique. Les capteurs photovoltaïques Sunpower présentent également une excellente productivité, avec 22,7 % de rendement, qui leurs ont permis de produire plus de 10.740 kWh sur l'ensemble du tour du Monde. Les 269,5 m² de panneaux solaires produisaient quotidiennement 340 kWh de courant dont une partie était stockée dans les batteries, en prévision de la nuit. Ces systèmes étaient d'ailleurs, eux aussi, particulièrement denses énergétiquement avec 260 Wh/kg, soit une capacité totale embarquée de 164,6 kWh, pilotée par un logiciel de gestion similaire à un mini-smartgrid. Là encore, les ingénieurs qui ont développés ces systèmes imaginent déjà des applications dans le solaire domestique, dans l'intégration des EnR et dans les transports du futur.
Bertrand Piccard a notamment déclaré : "J'ai lancé le projet Solar Impulse en 2003 pour transmettre le message que les technologies propres peuvent réaliser l'impossible". Avec le bouclage de ce tour du monde en moins de 80 jours (21 jours de vol effectifs), nul doute qu'il a réussi. Cependant, les avions solaires emportant des passagers ne sont pas encore pour demain. L'explorateur et visionnaire suisse estime que "très bientôt, il y aura des passagers sur des avions électriques qui seront rechargés au sol". L'avenir sera donc bien totalement électrique.