Huit mois pour obtenir l'autorisation, sept mois pour créer. Dès le 1er octobre 2013, la tour 13 sera ouverte au public afin qu'il découvre un projet de street-art hors norme situé dans un immeuble du 13ème arrondissement de Paris. Ici, l'ensemble des appartements ont été métamorphosés par des graffeurs. Découvrez un avant-goût de l'exposition.
La passion et l'abnégation ont assurément été les moteurs de ce projet original baptisé Tour 13. Ce bâtiment des années 50, implanté dans le 13ème arrondissement de Paris, a accueilli pendant sept mois 80 street-artistes afin qu'ils s'approprient les 36 appartements de cet immeuble destiné à être détruit.
Et le résultat est bluffant : des graffitis multicolores, des portraits, des collages, des performances artistiques… Une imagination sans borne foisonne sur chaque palier. "Tout est plus ou moins organisé, mais la lecture est claire sans pour autant cloisonner l'expression. L'idée était de laisser libre court à la créativité", raconte Mehdi Ben Cheikh, un galeriste inconditionnel de street-art, à l'initiative de l'opération. Cet ancien étudiant en art plastique, qui a déjà lancé un parcours de murs graffés dans le 13ème, n'en finit pas de monter des projets. Cette fois, il a posé son grain de folie sur la Tour 13, un édifice appartenant au bailleur social ICF, qui gère près de 8.500 logements dans la Capitale. Pour ce dernier, comme nous le confie Thomas Chalvignac, responsable d'opérations, c'est une manière de "sortir de son rôle habituel et de s'impliquer dans la vie artistique locale. Sans oublier que cela peut éviter les problèmes de squats en attendant l'aboutissement des chantiers".
Neuf étages à la disposition du street-art
Ce pari gagnant-gagnant est donc porté par de nombreux acteurs, dont la mairie de Paris, mais les véritables stars restent avant tout les œuvres. Toutes réunies sur neuf étages, elles offrent une expérience inédite sur près de 4.500 m2. Ainsi, derrière chaque porte, se cachent un univers, un message, un détail qui touche, qui émeut, qui fait rire ou simplement sourire. Et grande originalité : chaque espace de vie a été exploité : les chambres d'enfants ont été revisitées de manière pop, les salles de bains ont été entièrement métamorphosées en bulle d'inventivité, les salons ont été transformés ou maquillés sous l'action des aérosols. Et ce, du sol au plafond ! Ainsi, le Tunisien El Seed est même allé jusqu'à tailler le bois et graver le parquet avec une écriture arabisante. Pas de doute, ici l'art n'a de limite, ni de frontière puisque 16 nationalités sont représentées. Pour le Chilien Inti, chacune de ses œuvres permet de montrer comment son pays d'origine l'a construit : "Je partage avec les gens un bout de mon Amérique latine. Ma vision, ma réalité", s'enthousiasme-t-il. Attention, si chacun a pu s'exprimer, la compétition faisait rage dans les cages d'escalier, "une manière de se motiver", explique Mehdi Ben Cheikh. Néanmoins, comme nous le confie Inti, "c'était aussi un moment de partage, d'échange et de rencontre entre artistes". Si ce moment lui a été enrichissant, il avoue tout de même avoir une préférence pour la rue, comme terrain d'expression, car elle dégage plus "d'énergie" et offre "un côté humain" incomparable.
Un musée éphémère
Désormais, les œuvres ne leur appartiennent plus, elles sont laissées en libre accès aux visiteurs qui auront la chance de les découvrir durant tout le mois d'octobre. Quelques privilégiés ont déjà pu les apercevoir dont les anciens locataires : "Une petite fille a été surprise en voyant les vestiges de sa chambre complètement revisitée", note le responsable d'opérations chez ICF. Et d'ajouter :"Certains ont aimé, d'autres se sont montrés plus sceptiques. Mais c'est un peu comme tout". Un peu comme les cinq locataires restants, d'ailleurs… Quant à la suite, le bâtiment n'échappera pas aux bulldozers qui devraient faire leur apparition début 2014. Et pour boucler la boucle, la destruction devrait être filmée et retransmise sur internet grâce à des caméras disposées à l'intérieur, histoire d'aller jusqu'au bout de la démarche et de "rendre la destruction artistique". Ensuite, en lieu et place de la tour 13, 87 logements flambant neufs seront érigés pour reloger les habitants de l'immeuble juste en face. Une fois celui-ci vidé, il pourrait alors devenir lui aussi un musée éphémère… "Qui sait ?", plaisantent les protagonistes.
Tour 13, 5 rue Fulton, Paris. Accès limité à 49 personnes par visite pour des raisons de sécurité. Du mardi au dimanche, de 12h à 20h (dernière visite à 19h15). Fermeture le lundi. Visite gratuite.
Vue de la tour 13 côté rue Fulton
A Paris, dans le 13ème arrondissement, une tour exposera dès le 1er octobre le travail de 80 street-artistes. Ces derniers ont travaillé chaque pièce des appartements du bâtiment.