Dans le cadre du projet Demether, des chercheurs de l'Institut national de recherche en sciences et technologies pour l'environnement et l'agriculture ont mis en évidence les atouts de la tige de tournesol pour développer des biomatériaux d'isolation. Jean-Denis Mathias, chargé de recherche à l'Irstea, nous en dit plus.
C'est l'aboutissement de quatre ans de recherches qui ont mobilisé une vingtaine de chercheurs, regroupés en sept équipes coordonnées par l'Irstea (Institut national de recherche en sciences et technologie pour l'environnement et l'agriculture, anciennement Cemagref). Le projet Demether, qui vise à développer des matériaux isolants biosourcés, issus de co-produits agricoles, livre ses premiers résultats et ils sont encourageants. Car, loin de mettre en concurrence l'alimentation et l'utilisation de ressources agricoles à d'autres fins, il offre au contraire de valoriser des sous-produits considérés comme des déchets. De quoi apporter de nouveaux débouchés aux agriculteurs tout en favorisant l'empreinte écologique des constructions par une réduction de l'utilisation de produits synthétiques. C'est la tige de tournesol qui a intéressé les scientifiques, pour son écorce - aux bonnes propriétés mécaniques - et sa moelle - pour sa capacité à isoler.
à lire aussi
Jean-Denis Mathias, chercheur à l'Irstea, nous explique : "Dans un premier temps, les broyats de tiges de tournesol ont fait l'objet de plusieurs caractérisations fines lors du projet ANR Demether". Des panneaux, associant des broyats de tiges et un liant à base de polymère lui aussi naturel (chitosane, un polysaccharide), ont donc été testés, afin de déterminer les différentes caractéristiques idéales : taille de broyats, force de compactage, formulation du liant… L'idée a été de produire un matériau isolant sous forme de plaques carrées de 60 cm de côté en quelques étapes. Le chercheur nous les résume ainsi : "1/ récolte des broyats de tournesol ; 2/ stockage et séchage ; 3/ fabrication des panneaux (utilisation de moule et de séchoir). Pour l'instant, nous n'avons pas de traitement spécifique sur la fibre". La principale difficulté était l'étape de séchage, à cause de la solution aqueuse utilisée. "Un séchoir spécifique a été développé pour surmonter ce problème", nous précise le scientifique.
Le bon compromis entre résistance et isolation
L'isolant obtenu offre divers avantages en termes de performances thermiques et de résistance mécanique. "Notre matériau présente une rigidité importante", nous confie Jean-Denis Mathias. Même s'il est encore tôt pour avancer des données sur le coût, la durée de vie ou la facilité d'emploi de ce biomatériau, l'Irstea estime qu'il serait d'ores et déjà compétitif grâce à son bon compromis entre résistance et isolation. Il présente un coefficient de diffusion thermique de 0,06 W/m/K, ce qui est en-deçà de la valeur maximale fixée par la RT2012 (0,065 W/m/K). "Le projet étant fini depuis fin juillet (…) notre objectif est maintenant de transférer les connaissances acquises vers l'industrie à travers différents projets collaboratifs innovants", conclut Jean-Denis Mathias. Les discussions sont en cours.
à lire aussi
De son côté, Grégoire Berthe, le directeur général de Céréales Vallée, qui a soutenu le projet Demether, explique : "Les marchés d'application visant à valoriser l'ensemble des constituants des céréales et de leurs co-produits (paille, tiges, feuilles) sont multiples, que ce soit pour imaginer de nouveaux matériaux ou de nouvelles molécules, pour la plasturgie, le bâtiment, les cosmétiques ou encore la chimie de spécialités". De quoi amplement justifier le budget total de près de 2 M€, notamment apporté par l'Agence Nationale de la Recherche.