Abondante, résistante, recyclable à l'infini... La terre crue possède toutes ses qualités, mais reste encore peu utilisée. Manque de notoriété ou a priori négatif, en tout cas elle était la star du congrès Terra organisé à Lyon la semaine dernière. Focus.
On ne rencontre l'habitat en terre que dans les pays pauvres et sous-développés. Un a priori qui a la vie dure, tandis que bon nombre d'architectes tentent aujourd'hui de redonner ses lettres de noblesse à la terre crue. L'heure de la réhabilitation a sonné pour ce mode constructif qualifié de résolument durable et écologique.
Pour preuve, un événement spécial s'est tenu la semaine dernière à Lyon, sous l'égide de l'Unesco, baptisé Terra, qui fut l'occasion de présenter des projets architecturaux innovant utilisant la terre crue. Un concours (cf. pages 2 à xx) a également distingué neuf équipes ayant réalisé des bâtiments dans ce matériau. L'occasion aussi de re(découvrir) qu'un tiers de la population mondiale habite aujourd'hui dans des maisons en terre, que des portions entières de la Grande muraille de Chine sont aussi en terre, ou encore que le château de Vaugirard (Loire), datant du 17e siècle, est lui totalement réalisé en pisé*. Mais aussi que 15% des oeuvres architecturales inscrites au patrimoine mondial de l'Humanité sont construites en adobe, pisé, torchis ou bauge (voir encadré).
Un matériau de prédilection à Lyon
En outre, la ville qui accueillait l'événement n'a pas été choisie au hasard, puisque Lyon compterait quelque 20.000 bâtiments en terre, en tête des villes d'Europe dans ce domaine. « La construction en terre est LE mode de construction de Lyon, insiste l'architecte et ingénieur Emmanuel Mille, interrogé par l'AFP. Y compris pour les immeubles de belle hauteur ». Ainsi, explique-t-il, les murs des anciennes maisons de canuts (qui oeuvraient dans le tissage de la soie) étaient souvent en pisé, exceptées les façades accueillant les grandes fenêtres qui pouvaient être en pierre. Si la construction en terre crue a un moment été délaissée dans la région lyonnaise, c'est suite aux grandes inondations de 1856 qui provoquèrent éboulements et effondrements de terrain. « Pourtant, on a continué à bâtir en terre à Lyon jusqu'au 20e siècle », affirme l'architecte. Jusqu'à la Première guerre mondiale… faute d'ouvriers morts pendant les combats pouvant mettre en œuvre ces techniques.
Ecologiquement correct
Alors, qu'est-ce qui vaut aujourd'hui à la terre crue de revenir sur le devant de la scène ? Sans doute les préoccupations environnementales. Car la matière première est abondante, résistante et recyclable à l'envi. « Elle a un impact écologique proche de zéro », précise à l'AFP l'organisateur du congrès Terra, le laboratoire CRATerre, Thierry Joffroy. Car protégées de la pluie et des remontés d'humidité, les bâtisses en pisé sont robustes. Le secret ? La terre est un béton naturel où l'argile, mélangée à l'eau, remplace le ciment pour lier sables et graviers. En outre, les bâtiments en terre crue possèdent une forte inertie thermique et une hygrométrie maîtrisée grâce aux qualités de l'argile, ce qui rend les intérieurs confortable autant en été qu'en hiver sans besoin de chauffage ou de climatisation. Des qualités essentielles à l'heure où l'habitat durable devient une norme au niveau mondial…
Découvrez en pages suivantes les projets lauréats de Terra Awards, récompensés le 14 juillet dernier au congrès Terra de Lyon.
Le mode de construction traditionnel à Lyon et dans toute sa région. La terre sèche est disposée dans un coffrage (les banches), comme on coulerait du béton. Puis elle est tassée pour en chasser l'air. Après compactage, on peut monter un nouvel étage, ce qui permet des constructions de grande hauteur. C'est une technique qui demande beaucoup de main d'oeuvre. Si elle oblige à une solidarité villageoise, elle est aussi peu coûteuse à mettre en oeuvre. Avec la révolution industrielle, la terre a pu être remplacée par du mâchefer (le résidu de la combustion du charbon).
On se contente d'empiler de la terre crue, gorgée d'eau pour la rendre plastique, afin de monter le mur. Le matériau utilisé étant assez liquide, le mur a tendance à s'affaisser. On le rectifie ensuite avec un outil tranchant, alors qu'il n'est pas encore trop sec, pour le rendre plus droit. Cette technique est très utilisée dans le bassin de Rennes et le Cotentin. La terre est généralement extraite sur place, ce qui explique la présence de mares autour des maisons en bauge.
Ce mot d'origine arabe désigne des briques de terre crue, renforcées d'un peu de paille hachée et séchées au soleil. Cette technique, utilisée dans le grand bassin méditerranéen, en Afrique sub-saharienne et en Amérique latine, se rencontre en France dans les régions de Toulouse et de Reims.
C'est d'abord une structure de bois dont les interstices sont comblés par un mélange de terre et de paille. La terre ne joue pas là de rôle porteur. Cette technique connue des Celtes a permis la construction des maisons à colombages typiques des villes médiévales.