La ministre de l'Environnement a annoncé qu'un prix plancher de la tonne de CO2 serait instauré en 2017 afin de pénaliser les dernières centrales à charbon françaises. Les centrales à gaz seront, en revanche, exemptes de cette taxation, suite aux préconisations d'un rapport signé par Pascal Canfin (ancien ministre, directeur de WWF France), Alain Grandjean (économiste) et… Gérard Mestrallet (président d'Engie).
Comme l'avait déclaré François Hollande lors de la conférence environnementale, un prix plancher du carbone sera mis en place, au 1er janvier 2017, pour le secteur de la production électrique français. Mais il ne concernera pas l'ensemble de la filière, comme le précise Ségolène Royal : "Concernant le prix plancher du carbone sur le secteur électrique français, annoncé par le président de la République (…) je retiens la proposition du rapport de le concentrer sur les centrales à charbon". La ministre de l'Environnement, et présidente de la COP21, s'appuie sur un rapport sur le prix de la tonne de CO2, dont la rédaction avait été confiée en avril dernier à l'économiste Alain Grandjean, à l'ancien ministre et directeur de WWF France Pascal Canfin, et au président d'Engie, Gérard Mestrallet.
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En suivant les préconisations de ce groupe de travail, la ministre entend pénaliser le moyen de production d'électricité le plus polluant, tout en ménageant une autre filière d'énergie fossile, moins émettrice de gaz carbonique : le gaz naturel. Ségolène Royal a estimé qu'une application de ce prix plancher à l'ensemble des moyens de production électriques ferait peser un risque pour la sécurité d'approvisionnement en courant dans le pays. Pour l'heure, le prix du carbone est compris entre 5 et 7 euros la tonne, une valeur trop basse pour inciter à abandonner les sources d'énergie carbonées. Le ministère de l'Environnement note : "La mission démontre que le système européen d'échange de quotas d'émissions et le prix carbone qui en découle sont insuffisants. En l'état, ils ne permettent pas d'atteindre l'objectif fixé par l'Accord de Paris : maintenir le réchauffement climatique mondial bien en-dessous de 2 °C". Le rapport des trois experts préconise donc un prix de 20 à 30 €/t, appliqué à l'ensemble de l'Union européenne, afin d'orienter les investissements vers des énergies plus propres.
Taxer les centrales les plus émettrices
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Cette valeur de 20 €/t suffirait, en France, à générer près d'un milliard d'euros de revenus par an (contre seulement 315 M€ en 2015). Le ministère souligne que "ces recettes contribueront à la lutte contre la précarité énergétique et pourront également alimenter le fonds de financement de la transition énergétique créé par Ségolène Royal". Le rapport propose également qu'un prix plafond soit instauré, situé à 50 €/t en 2020. La fourchette des prix jouerait alors le rôle de "corde de rappel" et inciterait les producteurs d'électricité européens à réduire le recours au charbon. Une solution facilement applicable en France, où seulement quatre centrales fonctionnent encore avec ce carburant (deux pour EDF et deux pour l'allemand Eon, dont l'exploitation est programmée jusqu'à 2025), mais difficilement acceptable en Allemagne ou dans des pays comme la Pologne. En effet, ces deux nations produisent de la lignite qui demeure une énergie abondante et peu chère. On notera toutefois que les valeurs avancées sont inférieures à celles que la ministre de l'Environnement avait évoqué dans le cadre de sa stratégie bas carbone. Elle avait précisé que la tonne de gaz carbonique coûterait 22 € en 2016, puis 30,5 € en 2017, avant de progressivement s'envoler pour atteindre les 56 € en 2020 (soit 6 € de plus que la valeur plafond du rapport) et même 100 € en 2030 !
Dans l'Hexagone, la surtaxe pourra prendre la forme d'une norme technique d'émissions de gaz à effet de serre appliqué aux centrales électriques ou d'une taxe "différenciée", calculée selon le rendement de chaque centrale à charbon. Ségolène Royal explique que les modalités techniques de la mesure ne sont pas encore finalisées et que les inspections générales des ministères concernés (Finances, Economie et industrie, Environnement) ont été missionnées pour le faire. "Leurs premières conclusions sont attendues pour la fin du mois de juillet, afin de les inscrire dans le prochain projet de loi de finances", annonce-t-elle. Rappelons que les deux principaux énergéticiens français, EDF et Engie, bénéficient plus d'aides de l'Etat pour mener des projets liés au charbon. Paradoxalement, il apparaît que les pays les plus riches du monde (dont la France), ont continué à soutenir de nouveaux projets dans des pays tiers, pour un montant de plusieurs milliards d'euros par an. Une situation qui avait été dénoncée par Pascal Canfin, co-auteur du rapport remis à la ministre : "Le modèle économique du charbon s'écroule sous nos yeux, mais la construction de centrales continue. Le remplacement du charbon ne se fait pas assez vite pour gagner la course contre la montre du changement climatique". Reste à savoir si l'exemplarité vantée par la France et la ministre de l'Environnement sera suivie…