PRESSION. Ce lundi 2 décembre, au soir, les artisans ont visiblement obtenu quelques avancées par rapport à la suppression du taux réduit de TICPE. Des dépôts pétroliers sont bloqués depuis plusieurs jours.
Les professionnels des artisans des travaux publics ont été reçus lundi à Bercy, et ont apparemment obtenu des "avancées" sur plusieurs de leurs revendications, nous apprenait l'AFP ce lundi 2 décembre au soir. Mais il n'est toujours pas question d'un nouveau délai concernant la suppression de l'avantage fiscal pour le gazole non routier (GNR).
Ils ont obtenu "un contrôle renforcé confié à la gendarmerie, un carburant spécifique avec une coloration pour le BTP, une liste des engins qui ne pourront employer que ce carburant", a déclaré à quelques journalistes Françoise Despret, présidente de la Chambre nationale des artisans des travaux publics et du paysage (CNATP), selon des propos rapportés par l'agence. "Ces avancées sont deux choses importantes qu'on attendait, il reste pour nous la problématique du délai de l'application de la loi", a-t-elle nuancé.
Pas d'entrées en vigueur différées
Ce délai de mise en œuvre, avec une disparition progressive de l'avantage fiscal du GNR pour le BTP en trois paliers à partir du 1er juillet prochain et jusqu'en 2022, "c'est vraiment une ligne rouge", indique-t-on à Bercy où on met en avant la nécessité de lutter contre les émissions polluantes. Les pouvoirs publics ne souhaitent pas, non plus, faire différer l'entrée en vigueur de la mesure selon la taille des entreprises. "C'est juridiquement risqué, par ailleurs c'est très compliqué à mettre en œuvre", précise-t-on dans l'entourage du ministre de l'Économie Bruno Le Maire.
Selon Mme Despret, la coloration spécifique du carburant pour le BTP "permettra d'éviter le vol", tandis que la liste d'engins qui seront dans l'obligation d'utiliser le dit carburant "nous évitera la concurrence déloyale" provenant surtout d'agriculteurs. Le vol et la concurrence déloyale "sont des problèmes majeurs", selon Mme Despret. Les artisans des TP vont sonder leurs adhérents de manière à décider s'ils continuent - ou non - leurs actions de blocage.
"Il faut qu'ils reviennent sur le projet de loi"
Réunis depuis le jeudi 28 novembre 2019, des professionnels du BTP bloquent des dépôts pétroliers de Vern-sur-Seiche (Ille-et-Vilaine). Ils manifestent contre la suppression de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) sur le gazole non routier (GNR), prévue de manière progressive, à partir du 1er juillet 2020. Lundi, près de 80 engins empêchaient l'accès au dépôt de Lorient et une trentaine bloquaient celui de Brest. Le mouvement a également repris ce lundi à La Rochelle.
"On ne bougera pas tant qu'on n'aura pas ce qu'on veut. Il faut qu'ils reviennent sur le projet de loi", explique à l'AFP l'un des fondateurs du mouvement. Afin de régler la situation, le ministre des Finances, Bruno Le Maire, avait convié ce lundi à Bercy une délégation d'une dizaine d'entrepreneurs du BTP.
Des risques de concurrence déloyale
Contacté par Batiactu, le président de la Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment (Capeb), Patrick Liébus, explique que ces blocages sont "la faute du Gouvernement. Il est intolérable que la décision de supprimer le taux réduit de TICPE sur le GNR ait été prise sans concertation". Selon lui, les grands groupes de Travaux Publics "s'en sortiront car ils auront l'autorisation d'augmenter leurs prix pour compenser. Tandis que les artisans et les petites entreprises, qui seront plus touchés que les autres, feront face à des difficultés supplémentaires entraînant la destruction d'emplois et l'abandon de l'apprentissage". De plus, même s'il comprend le mécontentement des professionnels, Patrick Liébus dénonce le blocage des dépôts pétroliers : "Ces actions empêchent des petites entreprises de travailler et cela peut leur être préjudiciable. Beaucoup d'entre elles ont déjà été impactées par la crise des gilets jaunes l'année dernière et un nouveau blocage dans cette période importante pour leur activité pourrait conduire à des faillites".
Concurrence déloyale avec les agriculteurs
Autre aspect dénoncé par le président de la Capeb, les risques de concurrence déloyale avec les agriculteurs et les paysagistes, qui, eux, bénéficieront toujours de la niche fiscale tout en pouvant se positionner sur certains chantiers de TP. C'est d'ailleurs sur ce point que Bruno Cavagné, président de la Fédération nationale des Travaux Publics, a insisté lors de son entrevue avec le ministre des Finances. Dans un communiqué de presse publié ce lundi 2 décembre, Bruno Cavagné indique avoir "réitéré sa demande de renforcement des contrôles et rappelé l'importance de maintenir la couleur rouge dans le gazole utilisé sur les chantiers, afin de limiter les vols de carburants qui sont un véritable fléau pour la profession".
Comme je l'ai rappelé ce matin à @BrunoLeMaire, il y a un risque de concurrence déloyale entre les agriculteurs et nos professionnels suite à la suppression du gazole non routier. Je demande au Gouvernement d'être extrêmement vigilant en renforçant fermement les contrôles. #GNR
- Bruno Cavagné (@cavagneb) December 2, 2019
Voici les avancées obtenues par les artisans des TP et du paysage, selon un courrier diffusé par la CNATP en soirée :
- Contrôle de l'assujettissement du gazole non routier au bon tarif de TICPE renforcé sur toute la filière des travaux publics et du paysage. A cette fin, pouvoir sera donné à la gendarmerie, en plus de l'administration des douanes et des droits indirects, de procéder à des contrôles sur pièce et sur place afin de vérifier l'assujettissement du gazole utilisé par les professionnels au tarif de TICPE correspondant à des travaux publics. Une instruction sera adressée à l'administration fiscale pour renforcer les contrôles sur le remboursement de TICPE.