Dans l'artisanat du bâtiment, les conjoints d'artisans sont à 99% des... conjointes. Et ces femmes connaissent, à l'instar de leur compagnon chef d'entreprise, des problèmes de stress, de fatigue et de souffrance au travail. Etat des lieux.
Un autre tabou est en train de se briser. Après avoir admis que le stress, la dépression et même le burn out pouvaient les toucher, les chefs d'entreprise du secteur de l'artisanat du bâtiment vont devoir affronter une nouvelle réalité : ces symptômes touchent également les femmes, et plus précisément leurs femmes. Car celles-ci - selon le premier baromètre sur les conditions de travail et l'état de santé des conjoints d'artisans, présenté ce vendredi à l'occasion des Journées professionnelles de la Construction de la Capeb* - travaillent, une fois sur deux dans l'entreprise artisanale. Si désormais elles ont réussi à obtenir un véritable statut (il en existe d'ailleurs trois : conjoint collaborateur, conjoint salarié et conjoint associé), leur rôle au sein de l'entreprise familiale n'est pas de tout repos.
Limite trop fine entre vie perso et vie pro
Mal être, stress, burn out… les femmes n'y échappent pas non plus (55%). Et pourtant, le sujet n'est pas connu et surtout encore confidentiel. « Ce n'est pas évident de parler du stress, car on touche à l'intime », nous confie Catherine Foucher, présidente de la Commission nationale des femmes d'artisan, créée en 1979 au sein de la Capeb. « Nous avons un rôle d'assistante de direction, souligne la présidente, avec le volet personnel en plus. » Du coup, difficile de tracer une véritable limite entre vie professionnelle et vie personnelle : 85% des conjoints trouvent ainsi que la première empiète sur la seconde. Pire, 48% d'entre eux estiment ne pas être suffisamment disponibles pour leur entourage. « Les femmes culpabilisent donc de ne pas s'occuper de leur famille, ce qui génère un stress supplémentaire », reconnaît Catherine Foucher. Même le fait de travailler et vivre sur le même lieu (55%) ne résout pas ce problème ; au contraire, il l'amplifie, la barrière entre vie privée et vie professionnelle pouvant alors allègrement être contournée.
Quant au manque de loisirs, il est fréquent chez les conjointes d'artisans. Seules 29% seulement s'accordent des sorties et autres loisirs en famille, pendant que 28% s'accordent des sorties avec leur conjoint, et 50% s'offrent une activité extra-professionnelle. « C'est encore insuffisant !, assène Catherine Foucher. Il faut les encourager à penser à elles. La sérénité génère moins de stress, et est aussi bénéfique pour les résultats de l'entreprise. »
Subir le stress du chef d'entreprise
Mais il existe d'autres raisons au stress. Et en premier lieu, pour 57% des répondantes, le poids de l'administratif. A elles, les tracas du quotidien pour soulager au maximum la charge de travail de leur mari. Le stress du chef d'entreprise est la seconde plus forte cause de stress (54%) : ce sont elles qui encaissent les inquiétudes de leurs conjoints, qui n'a souvent pas d'autres interlocuteurs dans l'entreprise. Le manque de visibilité sur l'avenir (54%) et les difficultés de trésorerie (50%) ne sont pas en reste.
Première conséquence du stress : la fatigue. 50% des conjoints déclarent être fatigués, 11% avouant prendre des médicaments pour dormir. Cet état de fatigue n'est bien sûr pas anodin, puisqu'il engendre des souffrances physiques et psychiques : 55% souffrent de troubles émotionnels (nervosité, irritabilité, angoisse…) ; 47% souffrent de douleurs musculaires ou articulaires ; 23% de maux de tête ou encore de troubles digestifs (21%).
Assistance psychologique
Alors, face à ce véritable problème, qu'aujourd'hui il se doit d'être connu et reconnu dans la profession mais aussi vis-à-vis de l'extérieur, plaide Catherine Foucher, des outils vont pouvoir être mis en place. Ainsi, une convention a été signée avec la MNRA (mutuelle des artisans), qui voit la création d'un numéro Cristal et un service unique d'assistance pour les conjoints. Sous forme d'entretiens confidentiels, un accompagnement social et un soutien psychologique sont assurés par un psychologue clinicien ; par téléphone, des aides à la vie courante, personnelle ou professionnelle, sont assurées par des assistantes sociales.
Enquête en ligne réalisée par la Capeb et IRIS-ST, ciblant les conjoints d'artisans du bâtiment (0 à 20 salariés), sur la France entière, sur la période de février-mars 2016. L'échantillon était de 529 répondants.