Des juges d'instruction enquêtent sur d'éventuels faits de corruption et de trafic d'influence lors de l'attribution du chantier du futur ministère de la Défense à Balard (Paris 15e) au groupe Bouygues, en février 2011. Le géant du BTP aurait bénéficié de fuites sur le cahier des charges, lui permettant de se positionner au mieux face à ses concurrents, Vinci et Eiffage.
Deux juges d'instruction enquêtent depuis février 2011 sur l'attribution à Bouygues du chantier de construction du futur siège du ministère de la Défense à Balard, dans le 15e arrondissement parisien. Un immense chantier, qui doit permettre de regrouper 10.000 personnes sur 300.000 m² de bâtiments, à la fin de l'été 2014. Et une opération financière d'importance : pendant 27 ans, l'Etat versera de 100 à 150 millions d'euros par an pour occuper ce « Pentagone à la française », soit au total une redevance comprise entre 2,7 et 4 milliards d'euros, couvrant à la fois la construction, les frais financiers, l'entretien, la maintenance, les réseaux informatiques et les services divers (jardinage, restauration, nettoyage, gardiennage).
Le géant du BTP aurait bénéficié d'informations sur le cahier des charges, avant sa divulgation officielle, en provenance d'un haut responsable du ministère. Un renseignement anonyme avait déjà déclenché l'ouverture d'une enquête préliminaire, en octobre 2010, par la Division nationale des investigations financières (DNIF) de la Police. Suite à quoi, le parquet de Paris aurait décidé d'ouvrir une information judiciaire pour « corruption active et passive », « trafic d'influence » et « atteinte à la liberté d'accès et à l'égalité des candidats dans les marchés publics ». Car deux autres groupes concurrents avaient répondu à l'appel à projet : Vinci et Eiffage. Les fuites dont aurait bénéficié Bouygues remettraient donc en cause la régularité de la compétition.
Silence et sérénité
Le ministre de la Défense, Gérard Longuet, a assuré que son ministère était « d'une sérénité totale » et « au service de la justice » pour cette enquête, initialement révélée par Le Canard enchaîné. Il certifie que la construction, qui doit bientôt commencer, ne sera pas bloquée par l'instruction. « C'est un chantier important qui est indispensable au fonctionnement d'un ministère moderne », a précisé le ministre. En l'état actuel des choses, le contrat signé avec Bouygues ne serait nullement remis en question. « Mais si quelqu'un a été lésé, il pourra faire valoir ses droits. Une façon d'indemniser (...) existe dans le droit, c'est la réparation ». Selon Gérard Longuet « rien ne laisse apparaître quelque chose d'inacceptable compte tenu de l'ouverture du système (...) neuf groupes de travail, trois ans de labeur et 130 personnes. Tout cela est très, très transparent », insiste le ministre invité de 'Questions d'Info' (LCP/France Info/Le Monde/AFP). De son côté, le groupe de travaux publics n'a pas encore souhaité réagir officiellement, déclarant seulement qu'il n'avait pas eu connaissance de cette information judiciaire.
Le regroupement à Balard des personnels éparpillés sur une douzaine de sites parisiens permettrait de revendre une partie des biens du ministère de la Défense (dont l'îlot Saint-Germain) pour un montant estimé à 600 millions d'euros. Les travaux de la porte Balard devraient débuter en février 2012 pour que les bâtiments soient livrés courant 2014 et que le déménagement des personnels soit effectif à la fin de cette même année.
Dernière minute : Réaction de Bouygues construction
Bouygues Construction a réagi par voie de communiqué ce mercredi soir. L'entreprise déclare tenir "à préciser qu'à sa connaissance aucun fait délictueux n'a marqué le déroulement de cette consultation qui a été conduite avec beaucoup de rigueur. Bouygues Construction s'étonne des allégations figurant dans certains articles de presse, aucune mesure d'enquête ou d'instruction n'ayant été diligentée à son encontre, aucun de ses collaborateurs n'ayant fait l'objet d'une convocation, audition ou notification."