Après les élus, c'est au tour des commissaires enquêteurs d'être soupçonnés de corruption. Dernièrement, un projet d'implantation de huit éoliennes géantes en Côte-d'Or a soulevé la question de leur impartialité. Explications.

En France, avant d'autoriser un parc éolien, le tribunal administratif nomme un commissaire enquêteur qui mène une investigation sur le terrain, afin de collecter les avis et les questionnements des riverains impactés. Son impartialité est assurée par une déclaration sur l'honneur de l'absence de liens avec le porteur de projet. Cependant, cette disposition semble conflictuelle dans plusieurs dossiers.

 

Le quotidien Le Figaro révèle, dans son édition du 30 mai 2016, le cas d'un projet de ferme éolienne implantée en Côte-d'Or, porté par une filiale d'Engie, dont le commissaire enquêteur serait également associé-gérant d'une entreprise spécialisée dans l'électronique et prestataire d'Engie. Une situation qu'avait dénoncée une association locale, qui pointait également une prise illégale d'intérêt d'un élu qui aurait été "couverte" par le commissaire enquêteur. Et qui l'aurait poussé à porter plainte contre lui pour "complicité de prise illégale d'intérêts", puisqu'il n'avait pas averti les autorités judiciaires comme il aurait dû le faire (article 40 alinéa 2 du Code de procédure pénale), puis pour "conflit d'intérêt", étant donné son statut de gérant de société ayant un lien avec le porteur de projet.

 

Le spectre de la corruption

 

En 2013 déjà, le Service central de prévention de la corruption (SCPC) notait, dans son rapport annuel : "Le développement de l'activité éolienne semble s'accompagner de nombreux cas de prise illégale d'intérêts impliquant des élus locaux". Il évoquait des "dérives graves" et un "phénomène d'ampleur semblant concerner une grande partie du territoire national". Au-delà de simples négligences à différentes étapes de la procédure d'implantation des éoliennes (ZDE, permis de construire), le SCPC soulignait qu'il pouvait y avoir des "agissements délibérés, leurs auteurs étant motivés par les revenus substantiels tirés de l'implantation d'éoliennes sur des terrains leur appartenant et par un régime fiscal favorable".

 

Les associations s'étonnent souvent de l'émission d'un avis favorable par les commissaires enquêteurs alors que le nombre d'avis négatifs formulé par la population locale est supérieur à celui des avis positifs. Le SCPC rappelle le principe de neutralité de la décision : "Le service appelle donc à l'attention des pouvoirs publics sur la gravité de ce phénomène et rappelle qu'il est impératif d'empêcher et de sanctionner toute confusion entre l'intérêt public, que doivent servir les élus dans le cadre de leur mandat, et l'intérêt personnel qu'ils peuvent retirer d'une opération qui peut s'avérer litigieuse". Une obligation de probité qui s'imposerait également aux commissaires enquêteurs, attributaires d'une mission de service public. Le procureur de la République de Dijon aurait d'ores et déjà ouvert une enquête. Une situation qui pourrait être rencontrée dans d'autres projets litigieux.

actionclactionfp