Les architectes montent au créneau contre la proposition de loi visant à créer des sociétés d'économie mixte à opération unique, qui doit être discutée à l'assemblée nationale le 5 mai prochain. Ils pointent du doigt plusieurs carences du dispositif dont le manque de transparence et de mise en concurrence des candidats à la commande publique. Explications.
Celles que l'on nomme les "Semou" (Sociétés d'économie mixte à opération unique) font des remous… Ce nouvel outil se présente comme un instrument de gouvernance au service de l'action publique locale dans le cadre d'une opération d'aménagement ou la gestion de service public.
En effet, une proposition de loi visant à les créer doit être discutée à l'Assemblée le 5 mai prochain. Ce nouvel outil présenté comme un instrument de gouvernance au service de l'action publique locale dans le cadre d'une opération d'aménagement est loin de faire l'unanimité, surtout chez les architectes. "Comment (…) ne pas craindre des dérives, notamment financières, aussi importantes que celles constatées systématiquement avec les contrats de partenariat ? Quel coût induit pour le contribuable d'un nouveau 'machin', usine à gaz para-publique où vont siéger nos élus aux côtés des représentants des majors ?", s'interroge Denis Dessus, Vice-Président Conseil National de l'Ordre des Architectes dans une tribune sur le sujet.
Flou en cas de problème
Les architectes, que ce soit au sein du syndicat Unsfa ou du Conseil national de l'ordre, dénoncent ainsi une carence autour "de l'évaluation préalable" dont l'objectif est d'estimer si le recours au PPP est une solution intéressante pour la personne publique. Autre facteur de friction : le manque "de respect des principes de valeur constitutionnelle de liberté d'accès à la commande publique, de traitement égal des candidats et de transparence des procédures". La profession soulève le flou qui pourrait se dégager en cas de problèmes, évoquant "l'indétermination accrue dans l'attribution des responsabilités en cas de litige sur l'exécution du contrat", et souligne "que le conflit d'intérêt serait inévitable au cas où le pouvoir adjudicateur serait amené à agir contre un cocontractant dont il serait actionnaire et co-décisionnaire". Dernier grief, la restriction à la commande pour l'ensemble des professionnels du cadre du bâti que cette proposition pourrait entraîner. "Seuls des opérateurs spécialisés, disposant de capacités opérationnelles, techniques et financières de haut niveau, comme le précise le Conseil d'Etat dans un avis du 1e décembre 2009, pourront de facto être candidats", souligne Denis Dessus dans sa tribune, soulignant qu'une fois de plus, ce sont les grands groupes qui sortiront vainqueurs de ces orientations au détriment des PME et des TPE.
Un projet défendu par plusieurs sénateurs
Décrié par les architectes, ce dispositif a pourtant ses défenseurs, notamment au Sénat où la proposition de loi a été adoptée le 11 décembre 2013. Parmi eux, on peut citer Jean-Léonce Dupont, président du conseil général du Calvados, qui lors de son allocution a évoqué "la raréfaction de la ressource publique et privée", précisant qu'il fallait "rechercher des solutions pour utiliser de manière optimale les capacités de financement des uns et des autres". De son côté, Jacques Chiron, Sénateur de l'Isère et ancien adjoint au maire de Grenoble, a noté "qu'au-delà de l'avantage économique réel et évident présenté par les SEM à opération unique pour les finances des collectivités, d'autres avantages sont notables. (…) une SEM avec un partenariat privé peut permettre aux opérations publiques de bénéficier du dynamisme, de la souplesse, des compétences, de la capacité d'innovation et du savoir-faire de l'entreprise privée - qui sera retenue, je le rappelle, après mise en concurrence préalable à la constitution de la SEM". Et il ajoute que "la gouvernance des projets telle que proposée dans le cadre de la SEM à opération unique permet aussi de revaloriser le rôle des collectivités publiques et de ses acteurs tant élus que fonctionnaires dans les contrats de partenariat".
Reste à savoir comment la proposition sera accueillie par les députés au début du mois de mai lors des débats à l'Assemblée.
- Soit la réalisation d'une opération de construction, de logement ou d'aménagement ;
- Soit la gestion d'un service public ;
- Soit toute autre opération d'intérêt général relevant de la compétence de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales.
La collectivité territoriale ou le groupement de collectivités territoriales détient entre 34 % et 85 % du capital de la société et 34 % au moins des voix dans les organes délibérants. La part de capital de la personne privée ne peut être inférieure à 15 %.