Après une intervention remarquée du Maire de Paris dimanche dernier, la construction de tours dans la capitale redevient une solution urbanistique sérieusement étudiée. Le débat est lancé.

Qui a dit que Paris était une ville qui tournerait toute sa vie le dos aux tours d’habitation et de bureaux ? Depuis une quinzaine d’années, c’est bien cette opinion qui domine dans la capitale. «Plus jamais ça», voilà le leitmotiv d’usage lorsqu’on évoque le quartier des Olympiades dans le 13ème arrondissement, ou le front de seine dans le 15ème. Ces deux réalisations, presque unanimement considérés comme ratées, sont devenues les symboles de conceptions urbanistiques dépassées, et projettent leur ombre mauvaise sur tout ce qui ressemble à un projet d’architecture incluant des tours. Jean-Marin Rondeaux, Président de la Plate-forme des Comités Parisiens d’habitants voit dans ces projets la preuve que «des tours ne peuvent que saloper Paris», exprimant en ce sens une vue qui fait office à la fois de présupposé, d’analyse et de conclusion pour une écrasante majorité de parisiens sur la question.

Et pourtant. Le 14 octobre dernier, au Pavillon de l’Arsenal, un débat organisé sur «la hauteur à Paris» en présence de trois architectes de renom ( Jean Nouvel, Dominique Perrault et Christian de Portzamparc) a remis les tours d’actualité. Même si des divergences sont apparues sur la question de savoir s’il fallait densifier des zones existantes ou pratiquer une «acuponcture» selon la formule de Nouvel, la nécessité de construire à nouveau des tours était généralement admise.

L’intervention du Maire de Paris Bertrand Delanoë dimanche sur Europe 1 a clairement fait basculer ce débat d’architectes «utile» dans une ville de 105 km² , du côté politique, même s’il n’est pas "tranché" selon le maire. Bertrand Delanoë a aussi rappelé son attachement à «l’esthétique de ces constructions et la manière dont on y vit» tout en en appelant au «devoir de permettre au talent des architectes du XXIè siècle de se développer à Paris».

La réflexion qui s'amorce, a précisé à l'AFP Jean-Pierre Caffet, adjoint à l'Urbanisme, porte sur des bureaux plutôt que des logements, elle ne concernera pas le coeur de la ville, ni une "forêt" de bâtiments. "Il n'y aura pas de Défense au centre de Paris", assure M. Caffet.

En dépit de toutes ces prudences, les associations d’habitants ont vu dans ces déclarations une manière de remettre les tours d’actualité par la bande. Marc-Ambroise-Rendu, secrétaire d’Ile de France Environnement, a parlé de «provocation» et a averti : «il s’agit d’un ballon d’essai testé par la ville. A ceci je réponds : vous aurez la guerre».

Les perspectives en terme de dialogue sont donc a priori bien sombres et les parisiens s’en tiendraient volontiers aux prescriptions de 1977, définissant trois hauteurs sur trois zones allant de 25 mètres (huit étages environ) au centre à 37 mètres.

Pour Jean-Marin Rondeaux, il ne fait pas de doute que la population est de son côté. «Tous les échanges que nous avons eu avec les parisiens font ressortir un refus catégorique des tours». Il ajoute : «la promesse de M. Delanoë de construire 3500 logements sociaux par an sur dix ans est démagogique. La volonté d’augmenter l’offre de bureaux est louable, mais vu la quantité de banlieusards qui viennent travailler à Paris, si on augmente encore leur nombre tout en augmentant celui des habitants avec plus de logements, on aura des problèmes de circulation véritablement insolubles dans Paris.»

A ces préoccupations, Jean-Pierre Caffet, a répondu que rien ne sera entrepris sans une bonne desserte des transports en commun et que les promoteurs immobiliers n’auront pas les mains libres. Est-ce que ce sera suffisant pour convaincre les parisiens ? Il n’est pas interdit d’en douter.

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