PROPRIÉTÉ. Repêché de justesse par l'Assemblée nationale le 15 novembre 2019, le PTZ neuf en zone rurale en zones B2 et C pourrait être prolongé de deux ans. Face à une coalition de députés tous partis confondus, le Gouvernement estime que ce sursis ne fera que retarder le choc de massification de la rénovation.
Son signal cardiaque commençait à frôler la ligne droite. Vendredi, aux environs de 17 heures, le PTZ neuf en zone rurale a été ressuscité par l'Assemblée nationale, résultat d'une action commune de plusieurs députés, tous partis confondus.
Alors qu'il devait disparaître au 1er janvier 2020, le dispositif d'aide à l'accession à la propriété a été prorogé de deux ans, contre l'avis du gouvernement et du rapporteur général, lors de l'examen en séance publique des articles non rattachés du projet de loi de finances 2020. L'affaire se poursuit désormais au Sénat, qui ne devrait pas contrarier le plan des parlementaires de la Chambre basse.
En effet, alors qu'était présenté le 12 novembre dernier le budget alloué au logement et à la politique de la ville, la commission des affaires économiques du Sénat avait regretté la nouvelle baisse de l'enveloppe ministérielle. Rapporteure pour avis des crédits Logement, la sénatrice (LR) Dominique Estrosi Sassone avait dénoncé le rabotage des aides à l'accession à la propriété, notamment "la non reconduction du PTZ en zone rurale". Contacté par Batiactu, son homologue à la commission des finances, Philippe Dallier (LR), assure que "le Sénat aura la même position" que l'Assemblée nationale.
Lutter contre l'étalement urbain
Vendredi, la reconduction du PTZ neuf en zone rurale a fait l'objet d'une vingtaine d'amendements, finalement défendus par une dizaine de députés en séance publique. Sur presque tous les bancs de l'hémicycle, les députés ont souhaité réhabiliter un dispositif soutenant l'accession sociale à la propriété et l'emploi.
Dans les rangs des Républicains, le député ardéchois Fabrice Brun a dénoncé "une inégalité de plus pour les territoires (…) un mauvais coup porté à l'accession sociale à la propriété" et "au secteur du bâtiment", si le PTZ venait à ne pas être reconduit au 1er janvier 2020. L'ancienne ministre du Logement et députée du Tarn et Garonne, Sylvia Pinel (Libertés et territoires), a rappelé de son côté que "selon les estimations, la suppression du PTZ pourrait menacer 19.000 emplois" et priver "12.000 ménages" d'un logement en propriété.
Agité comme un chiffon rouge par Bercy comme le ministère du Logement, l'étalement urbain est l'argument régulièrement avancé pour justifier le coup de frein à la construction neuve, notamment dans les zones périphériques. Pour les professionnels du bâtiment, et certains députés comme Lise Magnier (UDI Agir et indépendants), le retrait du PTZ neuf produira justement l'effet inverse, forçant les primo-accédants à "s'éloigner des centres bourgs et s'installent dans des villages où le foncier et la construction sont moins coûteux", déplore la parlementaire. Et de grignoter un peu plus des terres agricoles pour y bâtir des lotissements.
Un choc de rénovation encore reporté ?
Mais au-delà de la lutte contre l'artificialisation des sols, la suppression du PTZ neuf en zone rurale, revêtait pour l'État une stratégie de massification de rénovation dans l'ancien. Une stratégie appuyée par le choix de maintenir le PTZ dans l'ancien sur ces mêmes territoires, et un rapport récemment publié par l'Inspection général des finances (IGF) et le Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD).
Commandé en juin dernier par le gouvernement, le rapport préconisait de ne pas reconduire le dispositif ni en zone rurale, ni en zone tendue où il est censé prendre fin en 2021. Dans un contexte de taux d'intérêt bas, le PTZ aurait un effet modéré auprès des ménages primo-accédants, alors qu'il demeure coûteux pour l'État, à hauteur de 100.000 euros par logement.
Un PTZ pour faire du neuf avec de l'ancien
Rapporteur spécial des crédits Logement pour la commission des finances de l'Assemblée nationale, le député (LREM) de l'Indre François Jolivet a estimé en séance publique que le PTZ "est en réalité une avance dont le remboursement est différé, et qui fait office de fonds propres dans les opérations des primo-accédants".
"Il ne me paraît pas souhaitable de concentrer notre approche sur la construction", a-t-il répondu à Sylvia Pinel, citant l'exemple de Marseille où "30.000 logements ne sont pas entretenus (…) et 2.000 sont bâtis autour". Dans un amendement retiré, le député préconisait plutôt de consacrer un PTZ neuf pour la remise à neuf de logements dégradés en zones B2 et C. Un argument également brandi par le gouvernement, en faveur d'un "PTZ en zone détendue, dans le cadre d'opérations de réhabilitation où les logements seraient considérés comme neufs au sens de la TVA", mais qui n'a pas trouvé d'écho auprès des députés.