La saline royale d'Arc-et-Senans, bijou architectural du 18e siècle signé par Claude Nicolas Ledoux, est-elle menacée par l'implantation d'un parc éolien sur des communes voisines ? C'est ce que redoute une association qui s'oppose à la réalisation du projet énergétique, craignant aussi un impact sur le classement du site au Patrimoine mondial de l'Unesco.
Patrimoine historique et transition énergétique sont-ils totalement incompatibles ? C'est ce que semblent penser les membres de l'association "Le vent tourne" à Arc-et-Senans (Doubs) qui s'élèvent contre le projet d'implantation de huit éoliennes à moins de 8 kilomètres de la Saline royale. Car le site, chef d'œuvre de l'architecte Claude Nicolas Ledoux, construit entre 1774 et 1779, a été classé au Patrimoine mondial de l'Unesco en 1982 et les opposants craignent de perdre cette reconnaissance, importante au niveau touristique.
Impact sur les retombées touristiques
Dans les colonnes du Figaro, Jean-Louis Babouot, le porte-parole de l'association, déclare : "En Franche-Comté, nous n'avons que deux sites inscrits au Patrimoine mondial : la Saline royale et les fortifications de Besançon. Nous voulons donc préserver la Saline à cause de son impact artistique et des importantes retombées touristiques de 120.000 visiteurs". Le projet de parc éolien, lancé à la fin de 2008 par les communautés de communes du Val Saint-Vitois et du canton de Quingey a pourtant reçu l'approbation des services de l'Etat, après instruction du dossier pendant une période de six mois. La commission départementale des sites et paysages a également avalisé le projet, aboutissant à l'approbation de la zone de développement éolien (ZDE) en janvier 2013, décision notifiée aux trois communes concernées et aux treize autres limitrophes.En tout, huit machines d'une puissance unitaire de 2,5 MW doivent être installées à Lombard (trois), Quingey (trois) et Byans-sur-Doubs (deux). Elles produiront 50 GWh d'électricité annuellement, soit l'équivalent de la consommation de 20.000 personnes, "plus que la population des deux communautés de communes réunies", fait valoir Energies des Deux Vallées, le porteur du projet. "Le parc évitera l'émission de 15.000 tonnes de CO2 dans l'atmosphère par an", précise également la société. Le dossier explique : "Les éoliennes, implantées au plus proche à 7,5 km, ne seront perceptibles que de manière marginale depuis l'enceinte intérieure de la Saline royale d'Arc-et-Senans ouverte au public et n'interféreront pas avec les vues emblématiques de la Saline qui sont soit internes au site, soit aériennes". D'un coût total d'une trentaine de millions d'euros, la construction de la ferme reste suspendue à la visite d'un expert de la direction régionale des affaires culturelles.
La Saline royale était trop ambitieuse
La Saline royale d'Arc-et-Senans consiste en une dizaine de bâtiments réunis en demi-cercle autour de la Maison du directeur, ornée d'une imposante colonnade. Ironie de l'Histoire, en son temps, le projet architectural avait été grandement décrié. Le roi Louis XV, lui-même, avait notamment refusé le premier croquis de Claude Nicolas Ledoux, jugé trop grandiose, en précisant : "Pourquoi tant de colonnes ? Elles ne conviennent qu'aux temples et aux palais des rois". A la veille de la révolution industrielle, aucun bâtiment industriel n'atteignait, en effet, de telles proportions… Peut-être les éoliennes honnies deviendront-elles, à leur tour, des vestiges industriels classés, images d'une nouvelle évolution.