Le travail low cost est bel et bien une réalité, et même s'il reste pourtant difficile à quantifier, le chiffre de 300.000 salariés détachés en France au mépris du droit communautaire semble être une hypothèse crédible, révèle le rapport de la commission des affaires européennes du Sénat. Le BTP est l'un des premiers secteurs touchés, avec près de 64.000 salariés. Détails.
Le détachement de salariés en Europe doit être mieux contrôlé, estime la commission des affaires européennes du Sénat, qui vient de publier un rapport sur la question réalisé par le sénateur du Nord Eric Bocquet (CRC, communiste).
Emergence du low cost
"La directive 96/71 concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d'une prestation de services a fait émerger le principe d'application du droit du pays d'accueil. Aux termes de ce principe, les entreprises prestataires de service doivent rémunérer les salariés qu'elles détachent aux conditions du pays dans lequel se déroule le contrat, sauf à ce que le droit du pays d'envoi soit plus favorable", explique, en introduction de son rapport, le sénateur Bocquet. Or, dans les faits, cela ne se déroule pas tout à fait comme cela, avec l'arrivée ces dernières années du phénomène du low cost. Un phénomène non négligeable puisqu'il concernerait quelque 300.000 personnes rien qu'en France.
Le BTP en ligne de mire
Si tous les secteurs sont touchés, les principaux concernés sont ceux de la construction (un tiers des travailleurs détachés), de l'industrie (25 % des travailleurs détachés) et du travail temporaire (20 %). Plus en détail, le BTP en compte 63.659, selon les chiffres du rapport, soit + 985 % depuis 2004. L'industrie, quant à elle, en dénombre 24.969, en hausse de + 357 % en neuf ans. "Il convient de relever l'explosion du nombre de recours aux travailleurs détachés au sein du bâtiment et des travaux publics", souligne le rapport. Qui indique également l'origine des travailleurs détachés en France : Pologne, 27.728 (+ 10 %) ; Portugal, 16.453 (+ 256 %). Cependant, on notera l'arrivée en force de nouvelles nationalités issues des anciens pays de l'Union soviétique : Lettonie, 317 (+ 3 070 %) ; Lituanie, 1.455 (+ 4 917 %) ; Estonie, 63 (+ 6 300 %). Sans oublier la Bulgarie et Chypre qui explosent aussi les statistiques.
Renforcer les contrôles
Que faire alors contre ce qui est considéré comme un véritable fléau par les fédérations du bâtiment ? Car si l'on pointe souvent du doigt les auto-entrepreneurs comme la principale cause de concurrence dans le secteur du bâtiment, les travailleurs low cost ne sont pas en reste. Loin de là. Pour le rapporteur Bocquet, "l'absence de dispositions concrètes en matière de contrôle au sein de la directive de 1996 constitue une des raisons principales de cette explosion de la fraude au détachement". S'il plaide pour un renforcement des contrôles, il note que deux points font aujourd'hui blocage : l'instauration d'une liste précise des mesures de contrôle que peut imposer un Etat à une entreprise étrangère et la création pour le seul secteur de la construction d'un "mécanisme de responsabilité solidaire" du donneur d'ordre, qui peut être tenu responsable en lieu et place du sous-traitant direct, analyse l'AFP. Or, les nouveaux Etats membres et le Royaume Uni sont contre ces mesures, et tant que l'UE sera sous présidence irlandaise, soit jusqu'en juin 2013, Eric Bocquet juge "illusoire" l'adoption d'un texte en ce sens.
-s'associer aux demandes du gouvernement français et de certains de ses partenaires de prévoir une liste ouverte de mesures de contrôle ;
-limiter la chaîne de sous-traitance à trois échelons, à l'image des dispositifs mis en place en Allemagne ou en Espagne ;
-l'introduction de clauses Responsabilité sociale d'entreprise (RSE) dans les cahiers de charges d'achat de prestations ;
-une labellisation européenne des sociétés qui détachent correctement des salariés à l'étranger ;
-améliorer la coopération administrative entre les États membres. Un délai de réponse d'un mois semble, à cet égard, une option plus raisonnable ;
-autoriser les syndicats à engager des procédures judiciaires ou administratives sans l'approbation du travailleur ;
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