La Russie s'est dotée jeudi d'un nouveau code foncier qui autorise la propriété des terres non-agricoles, une loi indispensable au développement des investissements et qui était bloquée depuis la fin de l'URSS par l'opposition communiste.

Les députés ont adopté en troisième et dernière lecture ce nouveau code foncier, par 257 voix pour et 130 voix contre. Ce texte autorise la propriété et la vente de toutes les terres autres qu'agricoles, avec quelques restrictions pour les étrangers qui ne seront pas autorisés à acheter des terrains dans les zones frontalières que le président Vladimir Poutine précisera dans un décret.

Le ministre du Développement économique, Guerman Gref, a souligné que l'adoption de ce texte de loi était un pas "très important pour le développement de la Russie" et des investissements. Mais aussi "pour les 40 millions de Russes qui possèdent un petit lopin de terre" où ils font pousser des légumes, a-t-il ajouté.

La question de la propriété de la terre est restée très politisée, et déchaîne encore les passions en Russie, dix ans après la chute de l'Union soviétique. "D'un point de vue psychologique et politique, c'est sans doute la réforme la plus importante" adoptée jusqu'à présent, a relevé Alexeï Moisseev, analyste de la banque Renaissance Capital. "Les communistes ont répété pendant des années que quiconque tenterait d'autoriser la vente libre des terres devrait passer sur le corps du parti", souligne-t-il.

Le leader communiste Guennadi Ziouganov est d'ailleurs monté à la tribune jeudi pour tenter, en vain, de faire annuler le vote, exigeant que les différentes fractions s'expriment à nouveau. Plusieurs dizaines de personnes se sont aussi rassemblées devant le siège de la Douma pour protester.

"Privatiser la Terre, c'est déclarer la Guerre", "A bas les bourgeois", pouvait-on lire sur les pancartes brandies par les manifestants, en majorité des personnes âgées proches du parti communiste.

Lors des débats très vifs en lecture précédente, des députés en étaient venus aux mains. Communistes et agrariens, après avoir fait leur possible pour empêcher les interventions des défenseurs du projet accusés de "vendre la Mère Patrie", avaient finalement quitté la salle en criant "honte à vous" aux autres parlementaires.

Le nouveau code ne concerne pourtant que 2% des terres russes et le plus dur reste peut-être à faire: pour éviter tout blocage sur un texte jugé majeur, le Kremlin avait pris dès le départ la précaution de supprimer les chapitres concernant les terres agricoles, qui feront l'objet d'une loi séparée.

Mais les communistes sont persuadés que le nouveau texte ouvre la boîte de Pandore. Ils exigeaient une clause interdisant formellement la vente des terres agricoles.

L'adoption du nouveau code foncier est un succès pour le Kremlin, "et un signal politique qui montre que si l'administration veut vraiment qu'un texte soit adopté, elle fera tout ce qu'il faut pour", relève M. Moisseev. C'est de bon augure pour les projets de loi à venir, ajoute-t-il.

La session parlementaire d'automne s'annonce extrêmement chargée. Plusieurs centaines de textes de lois seront étudiés, concernant notamment les réformes bancaire, judiciaire, fiscale, et celle des monopoles énergétiques.

Au printemps déjà, les députés s'étaient révélés dans leur majorité fidèles au président Vladimir Poutine et les progrès enregistrés par les réformes avaient surpris les analystes.

actionclactionfp