Si les performances thermiques et phoniques sont connues et recherchées par les utilisateurs de produits d'isolation, la performance face au feu est, en revanche, souvent ignorée. Or tous les matériaux isolants ne sont pas égaux et présentent des comportements très variables. Démonstration grandeur nature au CNPP de Vernon (Eure).
En France, un départ d'incendie survient toutes les deux minutes. Chaque année, 250.000 feux font 800 victimes et des dégâts matériels très importants. Le recours à des quantités croissantes d'isolants de compositions diverses aurait un impact sur les risques, qu'ils soient de vitesse de propagation du sinistre ou de quantité et de type d'émission de gaz irritants voire dangereux. Aussi, le CNPP (Centre National de Prévention et de Protection) et la société Rockwool ont ils organisé trois essais types, afin de comparer les réactions de différentes familles d'isolants (polystyrène expansé, polyisocyanurate et laine de roche *) : le « Room corner » (ISO 9705/EN 14390 & ISO 13784-1), la simulation d'un feu intérieur de toiture et la simulation de feu de façade (BS 8414).
Room corner et panneaux-sandwiches
Les panneaux-sandwiches sont de grands éléments de construction préfabriqués, composés de deux parements métalliques (acier, aluminium) renfermant une âme isolante stabilisatrice. Une norme produit européenne a été publiée en janvier 2009 (EN 14509) et un marquage « CE » est obligatoire depuis le mois d'octobre 2010. Sont visés les isolants type polyuréthane (PUR), polyisocyanurates (PIR), polystyrène expansé (EPS), polystyrène extrudé (XPS), mousse phénolique (PF), verre cellulaire (CG) et laines minérales (MW).
Ces panneaux-sandwiches sont couramment utilisés pour la construction rapide et économique de bâtiments industriels, de commerces, d'hôpitaux, d'écoles et de bâtiments de loisirs. En Europe, pas moins de 150 millions de m² de panneaux de ce type ont été produits en 2008, dont 85 % à âme en mousse alvéolaire (PUR, EPS), la laine de roche*, le verre cellulaire et la mousse phénolique ne représentant que 15 %. Lors d'un départ de feu, les produits isolants ne sont donc protégés de l'incendie que par une tôle, soumise, en cas d'élévation de température, à des déformations, des tensions et à des ramollissements, exposant alors l'âme isolante aux joints.
Les essais menés au CNPP ont consisté à procéder à la mise à feu de différents préfabriqués de 3 m de côté, constitués de panneaux recouverts d'isolant ou de panneaux-sandwiches. Le comportement tout au long des 20 minutes de l'essai a fortement varié : les préfabriqués incorporant du PIR ont ainsi résisté moins longtemps, présentant un phénomène de flash over (embrasement généralisé) au bout de quelques minutes, tandis que les maquettes intégrant la laine de roche résistaient bien.
Toitures-terrasses
Les incendies des toitures et terrasses sont parmi les plus sérieux. Les entreprises donnent en principe la préférence à deux types de produits isolants : le PIR et la laine de roche, en raison de leurs performances au feu. Tous deux ne fondent et ne coulent pas, contrairement au polystyrène expansé. Cependant, le PIR génèrerait des inquiétudes sur le plan environnemental.
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L'essai mené au CNPP a consisté à étudier le comportement de trois feux intérieurs de toitures pendant 20 minutes. Là encore, le polystyrène expansé a rapidement montré ses limites face au feu, en émettant des gouttelettes enflammées augmentant de ce fait le risque de propagation du sinistre aux étages inférieurs. Le PIR et la laine de roche, ont, comme attendu, beaucoup mieux ralenti la propagation des flammes.
Feu de façade et isolation par l'extérieur
Depuis les années 1960, les systèmes composites d'isolation thermique par l'extérieur (ETICS) sont de plus en plus utilisés en Europe, leur qualité principale étant de permettre de réelles économies d'énergie. Les systèmes se composent ici encore d'un isolant (polystyrène expansé ou laine minérale) couvert d'un enduit hydraulique ou organique. En rénovation, l'isolation par l'extérieur permet d'accroître les performances énergétiques d'un bâtiment existant. Cependant, dans le domaine de la protection incendie, des questions restent en suspens, notamment en ce qui concerne la propagation (de l'extérieur vers l'intérieur ou inversement), le recours à des matériaux combustibles (EPS) et d'épaisseurs croissantes, voire la qualité de l'installation (épaisseur de l'enduit).
Lors de l'essai mené au CNPP, trois maquettes de façades de 8 mètres de haut, ont été soumises à un feu, selon la méthode préconisée par le standard BS 8414 (Grande-Bretagne). Diverses configurations ont été testées : laine de roche et enduit mince minéral, polystyrène expansé et enduit mince organique, ainsi qu'une structure hybride de PSE et enduit mince organique intégrant également des bandes de laine de roche. Exposées pendant 30 minutes à un feu de puissance moyenne (3 MW) les façades ont présenté des détériorations plus ou moins importantes. La fusibilité de l'EPS a parfaitement été démontrée, engendrant des fissures profondes, des chutes de débris et d'importantes quantités de fumée noire, alors que les parties isolées par de la laine minérale ont bien résisté.
Autant de données à prendre en compte lors de l'isolation d'un bâtiment en construction ou en rénovation afin de bénéficier des meilleures garanties en termes d'isolation thermique, acoustique et de prévention du risque incendie.
(*) la laine de roche est réalisée à partir de roche basaltique fondue, refroidie quasi instantanément et pulvérisée sous forme de fibres. Elle se présente sous la forme d'un matelas enchevêtré qui emprisonne l'air, de façon similaire à la laine de verre. La laine de roche est commercialisée sous forme de rouleaux ou de panneaux utilisés pour l'isolation des combles, des cloisons, des façades, des bardages et des planchers. Elle présente de grandes qualités d'isolation thermique et acoustiques (supérieures à celles de la laine de verre) et l'avantage d'être non combustible par nature. En ne s'enflammant pas, elle ne propage pas les flammes et ne dégage aucune fumée toxique.
Essai "room corner" sur des préfabriqués
Le comportement de divers isolants va être testé pendant 20 minutes face à un départ d'incendie dans des préfabriqués cubiques, de 3 mètres de côté, munis d'une ouverture.
Essai "Room corner"
Les isolants testés sont (1) la laine de roche (LdR), (2) le panneau-sandwich laine de roche (Sdw LdR), (3) le polystyrène expansé (EPS), (4) le polyisocyanurate (PIR) et (5) le panneau-sandwich polyisocyanurate (Sdw PIR). L'ensemble des cinq maquettes est mis à feu de manière séquentielle pour une durée totale d'environ 20 minutes.
Test "Room corner" avec la laine de roche
Les deux "bâtiments" isolés par de la laine de roche ou des panneaux-sandwiches incorporant cet isolant ont présenté de bonnes caractéristiques de résistance au feu.
"Room corner" (1) Laine de roche
La laine de roche, d'origine minérale, a parfaitement résisté au feu et n'a pas propagé les flammes ni n'a émis de fumées. Aucun phénomène d'embrasement généralisé (flash over) n'est apparu.
"Room corner" (2) Sandwich laine de roche
Le panneau-sandwich Laine de Roche a résisté pendant les 20 minutes du test.
"Room corner" et isolants non minéraux
Contrairement aux isolants minéraux, les isolants de type polystyrène expansé ou polyisocyanurates ont présenté des phénomènes de propagation de flamme, d'émission de fumées nocives, voire d'embrasement éclair.
"Room corner" (3) polystyrène expansé
Le polystyrène expansé a montré sa capacité de fusibilité en "fuyant la flamme" : ayant totalement disparu de la surface des murs il s'est répandu en fines gouttes incandescentes sur le sol.
"Room corner" (4) polyisocyanurate
Le bâtiment isolé par du PIR a montré un embrasement généralisé en quelques minutes, générant de grandes quantités de fumées et des dégats importants.
"Room corner" (5) Sandwich polyisocyanurate
Le préfabriqué en panneaux-sandwich PIR a lui aussi été victime d'un embrasement généralisé en moins de 12 minutes. Les dégats sur la structure métallique sont importants.
Essai feu intérieur de toiture
Trois isolants ont été testés dans une simulation de feu de toiture : de gauche à droite, Polystyrène expansé, Polyisocyanurate et Laine de Roche. Les deux derniers ont montré de bonnes capacités de résistance au feu, tandis que le premier a généré des gouttelettes enflammées susceptibles de propager l'incendie aux étages inférieurs ou à la façade.
Essai feu de façade
Trois maquettes de 8 mètres de haut ont été soumises à des feux de façades afin de tester le comportement des revêtements isolants et enduits. Les configurations testés sont les suivantes : de gauche à droite, polystyrène expansé et enduit mince organique, structure hybride d'EPS et enduit mince organique intégrant des bandes de laine de roche à intervalles réguliers, et laine de roche avec enduit mince minéral.
Résultat feu de façade Laine de Roche
La façade isolée par de la laine de roche conjuguée à un enduit minéral ne montre que peu de dégâts après 30 minutes d'incendie.
Résultat feu de façade Polystyrène expansé
En revanche, la façade isolée par du polystyrène expansé et un enduit mince organique a subi de lourds dégâts suite à la fusion de l'isolant et la propagation des flammes le long de la structure.