MAQUETTE NUMERIQUE. L'utilisation du BIM nécessite une montée en compétence de la part des acteurs de la construction. Mais comment cela se traduit-il au sein des entreprises concernées en termes de formation ? Le salon BIM World 2018 a été l'occasion d'échanger sur le sujet et de déterminer le rôle crucial des ressources humaines.
Lors du passage à la maquette numérique, plusieurs investissements sont nécessaires. L'achat d'outils informatiques adaptés et de logiciels spécifiques en fait partie. Et la formation des personnels à leur utilisation est un autre aspect à prendre en compte. Les services de "ressources humaines" (RH) auraient même un rôle clef à jouer dans la transformation digitale, selon les spécialistes. Une conférence a donné la parole, ce jeudi 29 mars 2018 dans le cadre du salon BIM World, à plusieurs experts qui ont partagé leurs retours d'expériences.
Carine Joriot et Nicolas Bernardi, respectivement BIM manager pour Clemessy et responsable formation au sein du groupe Eiffage, s'interrogent sur un plan de formation global des équipes au sein de leurs structures : qui former ? A quelle vitesse ? Quelles compétences rechercher ou développer ? Ils répondent : "Cela concerne tous les collaborateurs qui manipuleront le BIM". D'où l'idée d'un socle commun à tout un panel de métiers différents, qu'il s'agisse d'ingénieurs, de chargés de travaux, de commerciaux ou de personnes de l'immobilier. Cette base commune s'évertuera à faire découvrir la maquette numérique à tous les professionnels, afin qu'ils comprennent tout l'intérêt de cette évolution. A partir de là, différents parcours de formation, plus ou moins poussés, seront développés. Schématiquement, cet empilement de savoirs prendra la forme d'une pyramide, s'appuyant sur une large base et s'affinant pour tendre vers l'hyperspécialisation de BIM manager. Les deux intervenants du groupe Eiffage poursuivent : "L'étape suivante est intitulée 'Visualiser'. Elle porte sur trois solutions logicielles (Revit, Tekla, Navisworks) et s'adresse à des profils de chargés d'études ou d'ingénieurs travaux". Viennent ensuite s'ajouter d'autres niveaux de maîtrise de la maquette numérique, baptisés "Exploiter", "Modéliser", "Organiser" et "Piloter-contrôler". Une fois toutes ces notions intégrées, la personne pourra revendiquer un poste de BIM manager, qui nécessitera donc un parcours de formation long et complet.
Rendre l'entreprise plus attractive
Autre exemple, celui d'Engie Ineo, branche spécialisée dans les villes et territoires connectés. Philippe Millon, BIM manager au sein de l'entreprise, précise le parcours de formations mis en place : "Trois niveaux différents existent chez Engie Ineo : 'BIM électricité CFO-CFA bases' et 'BIM électricité CFO-CFA perfectionnement' pour apprendre à manipuler Revit, et 'BIM pour les responsables d'affaires' destiné à sensibiliser ces personnels afin qu'ils sachent vendre des projets en BIM et qu'ils fassent le lien avec les bureaux d'études". Des parcours multimodaux qui ont nécessité la mise en place de plateformes d'apprentissage chez Engie ou la constitution de groupes d'experts métiers chez Eiffage. Ces derniers ont établi un référentiel de compétences puis élaboré une offre de formation sur mesure avec le concours de différents partenaires. Mais, dans un contexte d'innovation technologique effrénée, il est parfois difficile pour les entreprises de dénicher ces experts. D'où le rôle central des ressources humaines pour les trouver, soit en interne soit en externe. Il sera également de leur ressort de développer de nouvelles capacités au sein de l'entreprise pour former les employés aux nouveaux outils.
Philippe Millon liste d'autres missions importantes : "Organiser les méthodes et espaces de travail en conséquence, veiller au respect du cadre juridique avec une veille réglementaire et négocier avec les instances représentatives du personnel". Selon lui, il sera plus long de transformer la culture d'entreprise que d'adopter les outils numériques. Il explique : "C'est le rôle de la RH que d'impulser et de porter la transformation numérique pour créer de nouvelles conditions de réussite pour l'organisation". Cette politique d'entreprise apporterait de nombreux avantages : Carine Joriot, Nicolas Bernardi et Philippe Millon estiment qu'elle rend l'entité plus attractive, qu'elle fidélise les collaborateurs et qu'elle tend à rendre cohérent le discours d'une société dans le cadre d'une stratégie de marque. Ils ajoutent que la création d'une culture commune autour du BIM permet de porter le dynamisme dans tous les établissements du territoire et de mieux répondre aux appels d'offres qui nécessitent cette démarche.
De son côté, Cédric Dziubanowski, inspecteur pédagogique à l'académie de Nantes, révèle que l'apprentissage autour de la maquette numérique se développe rapidement dans les établissements. "Il est imposé dans différents examens, chez des Bac Pro depuis 3 ans (Technicien du bâtiment, Organisation du gros œuvre) et cet enseignement a été introduit dans plusieurs BTS (géomètre-topographe, construction métallique, enveloppe des bâtiments…)". Une adoption qui se traduit par une évolution des besoins de compétences, désormais orientées vers le codage et la programmation. "Ceci pour que les dessinateurs-projeteurs puissent concevoir des poutres et des canalisations courbes, et pas que des éléments linéaires", ajoute-t-il. Un secteur de l'enseignement qui est donc lui aussi en pleine évolution et qui pourrait contribuer à changer l'image de tout le secteur de la construction.