Jean-Pierre Gourc, professeur au Laboratoire d'étude des transferts en hydrologie et environnement, est revenu sur la première tentative menée en France, en 1974, dans l'enceinte d'une usine chimique iséroise. "Il s'agissait de réaliser la première double étanchéité d'un réservoir d'eau de 40.000 m3, mesurant 195 mètres de long, par 55 de large. D'une surface étanchée de 10.000 m², l'ouvrage a été réalisé dans une pente de 33° située au-dessus de l'usine. Il était donc important d'étancher correctement et d'éviter toute fuite". Le concept de double-étanchéité fait référence à la mission primaire d'étanchéité du réservoir plus celle, secondaire, de recueil des eaux de ruissellement afin de collecter d'éventuelles fuites.
Une seule fuite, bien localisée, en 40 ans
"La géomembrane de l'usine Perstorp a été réalisée en butyl, un des rares matériaux existant à l'époque", précise le spécialiste. Le complexe d'étanchéité comprend cette membrane de 1,5 mm d'épaisseur, recouverte d'un non tissé aiguilleté, puis d'une couche de drainage de 20 cm composée de gravier stabilisé dans les pentes du réservoir par du sable et du mortier, et enfin d'une seconde membrane bitumineuse. "Le bitume a été pulvérisé sur site sur un non tissé polyester car le procédé n'était pas industriel. Il a été difficile d'obtenir une épaisseur constante d'autant que la répartition n'était pas homogène à cause des pentes et du fait que le bitume chaud s'écoulait…", raconte Jean-Pierre Gourc. Des difficultés ont également été rencontrées avec l'impossibilité de souder la membrane butyl. "Les joints ont été réalisés par apport de matière vulcanisée à chaud, ce qui était un peu problématique et nécessitait un double pliage de la membrane", poursuit l'expert. Les panneaux de 1.200 m² ont été mis en œuvre selon un plan de calepinage complexe, générant au passage quelques plis. Mais le comportement en service a été remarquable : "En 40 ans, une seule fuite a été détectée en 2004 et diagnostiquée grâce à un des deux tubes collecteurs. La double étanchéité a donc bien joué son rôle. Aucune fragilisation des joints n'a été observée et la seule perforation constatée se situait sur une partie hors d'eau", conclut Jean-Pierre Gourc. Les géomembranes semblent donc pérennes sur plusieurs décénies et les outils de suivi de leur vieillissement s'affine avec le temps.