CORONAVIRUS. Les difficultés actuelles ont des effets visiblement immédiats en matière de retards de paiement. Au point que les pouvoirs publics viennent de mettre en place un "comité de crise" lié à ce sujet.
"Quelques entreprises ne comprennent pas ce qu'est la solidarité nationale [...] Plusieurs multinationales cherchent à se constituer un matelas de liquidités alors qu'elles n'en ont pas besoin, elles ont accès au crédit bancaire." C'est l'avertissement d'un haut fonctionnaire de Bercy, cité par Les Échos du 23 mars 2020. François Asselin, président de la Confédération des PME, avance de son côté dans le quotidien que le télétravail ou l'abandon de certains postes de travail durant le confinement a mis à mal les chaînes de décisions, les factures n'étant donc plus validées. Le résultat est évident : des PME et fournisseurs se retrouvent en difficulté immédiate puisque l'argent ne rentre plus. Ces derniers jours, les services de la médiation des entreprises ont reçu plus d'une centaine de saisines, soit autant qu'en un moins normal entier.
Une "tendance à la cessation ou au retard de paiement"
L'affaire semble assez sérieuse pour que les pouvoirs publics réagissent immédiatement, en créant ce 23 mars un "comité de crise face à la situation de dégradation des délais de paiement", comme nous l'apprend un communiqué de presse de Bercy et de la Banque de France. Il traitera du sujet du crédit inter-entreprises, et tentera de "répondre aux cas les plus difficiles et désamorcer une tendance à la cessation ou au retard de paiement, à rebours des orientations voulues par l'État en matière de relations entre les clients et leurs fournisseurs". Cette structure vise à pouvoir intervenir "en temps réel", et d'encourager au travers des organisations professionnelles les entreprises à jouer le jeu.
Pour rappel : en cas de difficultés de paiement avec un partenaire, le médiateur des entreprises peut intervenir. Il est possible de le saisir en cliquant ici.
"L'appel à la solidarité économique va être primordial dans les jours et les semaines à venir", a assuré Pierre Pelouzet, médiateur des entreprises, lors d'une conférence de presse du 23 mars. C'est d'autant plus vrai que visiblement, les grands groupes ne sont pas censés avoir de problème insurmontable de trésorerie ces temps-ci : la banque centrale européenne a mis toutes les liquidités nécessaires, et seront ainsi disponibles à partir de mercredi des crédits de financement avec garantie de l'État, a indiqué Frédéric Visnovsky, médiateur du crédit.
Le sujet des baux commerciaux
La médiation des entreprises a révélé, lors d'une conférence de presse du 23 mars 2020, que le sujet des baux commerciaux émergeait dans les demandes qu'elle recevait. "C'est en train d'être traité par les pouvoirs publics, le Gouvernement a discuté avec les grands bailleurs qui ont tous accepté de décaler leurs loyers", explique Pierre Pelouzet. "Mais il reste les petits et moyens bailleurs, qui peuvent être dans les mêmes situations difficiles que les locataires. Dans ces cas-là, cela peut donner lieu à des médiations."
Plusieurs missions concrètes se dessinent, comme repérer les cas les plus "manifestes", et intervenir rapidement, rappeler l'existence des médiations du crédit et des entreprises ou encore valoriser les entreprises s'engageant volontairement dans la solidarité économique. Pour l'instant; il n'est pas question d'instaurer un système de 'name and shame', c'est-à-dire nommer sur la place publique des entreprises qui ne jouent pas le jeu, mais au contraire de mettre en avant les plus vertueuses. Le comité de crise passera par les organisations patronales pour inciter les récalcitrants à se montrer plus solidaires.
L'appel des économistes de la construction aux maîtres d'ouvrage: "De grâce, ne bloquez pas les paiements"
Sur les réseaux sociaux, le président de l'Union nationale des économistes de la construction (Untec) a lancé un appel à ses adhérents. "Dans le cadre de l'exercice de nos missions, nous avons souvent la responsabilité de vérifier les demandes d'acompte des entreprises : pour le mois de mars qui va s'achever, inutile d'être tatillons, tout le monde souffre !", observe-t-il. "Et pour les marchés engagés, même s'ils n'ont pas été arrêtés brutalement la semaine dernière, il n'y a rien qui oppose une entreprise de faire valoir sa demande de paiement… Dans la mesure du possible, si vous n'avez pas cessé toute activité, essayez de prioriser les validations de paiement des entreprises. Il existe, que ce soit dans le CCAG Travaux ou la norme NF P 03-001, toutes les mesures de contrôles des finances a posteriori."
Pascal Asselin en appelle par ailleurs à la responsabilité des entreprises principales et des mandataires des équipes de maîtrise d'œuvre par rapport à leurs co-traitants et sous-traitants : "Rien ne vous oblige à bloquer les demandes d'acomptes", assure-t-il. "Un co-traitant, un sous-traitant, s'il apporte la preuve de ses tâches, ou que sa mission a été bien réalisée, a le droit légitime de demander son paiement, même si vous, entreprise mandataire, vous n'avez pas effectué votre part du marché ou mission respective." Même appel en direction des maîtres d'ouvrage publics et privé : "De grâce, ne bloquez pas les paiements dans les semaines qui viennent, parce qu'une virgule mal placée, une erreur insignifiante de calcul, une révision de prix mal estimée… Corrigez-la, amendez-la, mais mandatez-la, car dans quelques semaines ce sera trop tard !"