Le phénomène des réseaux, récent, pose le problème de l'avenir du marché et du risque de position monopolistique de certains industriels.

Guy Archambault, journaliste, et Stéphanie Dreux ont tenté de répondre au cours d'une conférence-débat qui s'est déroulé dans le cadre du salon Equip'Baie aux questions soulevées par l'émergence des réseaux de distribution. Comment bien intégrer un réseau, quelles contraintes doit-on s'attendre à rencontrer, quel est l'avenir de ce mode de distribution. Et quel avenir pour un marché qui tend à se concentrer entre les mains de quelques trop rares industriels ?

" Stéphanie Dreux et moi-même avons recensé, ce qui n'est qu'une approche et non un chiffre définitif, plus de 3.000 entreprises concernées par le phénomène du réseaux de distribution ", a entamé Guy Archambault. Pour idée, il faut compter environ 1.400 entreprises pour le secteur de la menuiserie, 450 pour celui des stores, 650 pour celui de la serrurerie et 520 pour les automatismes. " Ce n'est donc plus un épiphénomène ", souligne l'animateur du débat.

" Un réseau, c'est une organisation d'échanges, de moyens, de compétences et de relations humaines ", a précisé Stéphanie Dreux. Les entreprises qui y sont intégrées ont des objectifs communs, essentiellement mieux vendre et satisfaire le client final. Les réseaux de distribution sont régis par la loi Doubin, du 31 décembre 1989, et par son décret d'application, datant du 4 avril 1991. Cette loi impose l'exigence d'exclusivité, ou de quasi-exclusivité, à laquelle est soumise l'entreprise qui entre dans un réseau, mais en contrepartie la transparence de l'offre vis à vis du client final.

Comment choisir son réseau ? " Si vous dirigez une entreprise et que vous voulez entrer dans un réseau, je vous conseille de faire attention à quelques points importants ", a annoncé Guy Archambault. Il est, selon lui, nécessaire de vérifier le bon fonctionnement du réseau auprès des autres membres, d'en ressentir le besoin, de juger d'un niveau d'écoute et de concertation suffisants, de connaître les projets d'avenir comme la croissance du nombre de points de vente ou les perspectives de développement. Il faut aussi se reconnaître dans la philosophie du réseau et s'assurer que toutes les informations légales ont bien été communiquées.

De son côté, l'enseigne doit apporter au professionnel une gamme de produits cohérents par rapport au marché, un véritable positionnement de l'enseigne et des produits, une qualité de service et un positionnement en terme de prix, une aide pertinente à la communication et de ses outils, une relation d'affinité avec les animateurs et les dirigeants du groupe ainsi qu'une formation de qualité.

Les avantages induits à l'intégration d'un réseau sont nombreux. L'entreprise y gagne en image et en notoriété, en échange d'informations, en assistance commerciale comme en outil de communication. Mais en contrepartie, il est souvent demandé de débourser, entre 760 et 12.500 euros de droits d'entrée, de se mettre aux normes pour relayer l'image du réseau, avec une nouvelle enseigne, un nouveau papier à lettre ou un nouveau show room. Une participation au bon fonctionnement du réseau est également demandée, soit sous la forme d'un pourcentage du chiffre d'affaires, soit par le biais d'une cotisation annuelle, soit par un mélange des deux.

Une concentration dangereuse ?

Dans tous les cas de figure, l'entrepreneur perd en liberté, puisqu'il doit accepter les fournisseurs officiels de l'enseigne, sa technique de communication, ses directives et ses contraintes en terme de gamme (conséquence directe du choix du fournisseur).

C'est là que réside le nœud du problème. L'étude menée par les deux journalistes, fondée sur les résultats que les enseignes ont bien voulu leur communiquer, étude qui ne tend donc pas à l'exhaustivité mais qui offre un ordre de grandeur, recense le nombre d'industriels impliqués dans des réseaux. Dans la catégorie PVC, 9 entreprises recensées, dans la catégorie bois, aucune, dans la catégorie aluminium/acier, 4 entreprises, comme pour les stores, le secteur de la serrurerie, comme celui de l'automatisme, ne serait représenté que par 3 entreprises, et ceux du PVC/aluminium et du bois/aluminium par deux.

" Nous nous posons, devant ces chiffres, un certain nombre de questions. Ces industriels ne représentent qu'une part infime du nombre d'industriels concernés, alors tendons-nous vers un monopole de fait ? Allons-nous vers une dégradation de la qualité ? Et si les réseaux deviennent de fait des coopératives d'achat, c'est un pas vers une distorsion de la concurrence ", s'inquiète Guy Archambault.

De fait, les réseaux fonctionnent actuellement en secret et ne cherchent pas à communiquer. Aucun organisme n'existe pour les superviser, aucune éthique commune n'a été mise en place. Si pour l'instant les risques ont été limité, grâce à la vigilance des industriels, ces derniers, se reposant sur une position de monopole, pourraient bien à terme réduire leur contrôle et la dérive s'instaurer dans les enseignes, qui trouveraient là leur limite.

En réalité, le problème est aussi à chercher du côté du membre de l'enseigne lui-même, qui risque de se voir totalement inféodé au réseau, être pieds et poings lié avec lui. " De fait, la durée de garantie des produits se rallongeant, l'entreprise membre d'un réseau se doit d'en rester partie prenante tant que court la garantie, puisque la tête de réseau ne désire pas en reprendre la charge ".

Selon les deux journalistes, le réseau est le système de vente le plus apte à soutenir l'évolution du marché à destination des particuliers, notamment dans le secteur de la fenêtre où les contraintes en terme de normes sont lourdes. " Ce que veut le client, aujourd'hui, ce n'est pas une fenêtre, c'est une fonctionnalité. Avant, la fenêtre était un non-produit, un élément de base inclus de fait dans l'enveloppe d'un bâtiment. Personne ne pensait à acheter une fenêtre. Aujourd'hui, grâce à la présence des enseignes, ce marché se développe. Mais ce qu'il faut vendre, c'est la caractéristique technique, la réduction du bruit ou la rupture thermique ".

" Au risque d'être provocateur, a prévenu Guy Archambault, je dirais que l'avenir est à la vente de fenêtre en leasing ".

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