DÉCISION. A l'occasion d'une conférence sur les sujets sociaux en cours, Patrick Liébus et Jean-Christophe Repon, président et vice-président de la Capeb, ont évoqué la décision favorable à leur organisation obtenue le 12 juillet dernier devant la cour administrative d'appel sur la représentativité patronale. Une décision qui rebat les cartes, alors que les discussions entre partenaires sociaux sur les réformes à venir sont d'actualité.

"L'article 2 de l'arrêté du 21 décembre 2017 par lequel la ministre du Travail a fixé la liste des organisations professionnelles d'employeurs reconnues représentatives dans le secteur des entreprises du bâtiment employant jusqu'à 10 salariés, est annulé." La cour administrative d'appel de Paris a tranché le 12 juillet dernier en faveur de la Capeb sur le sujet de la représentativité patronale. Une décision d'importance à l'heure des discussions entre partenaires sociaux sur la formation professionnelle, l'apprentissage ou encore les conventions collectives, évoquée par le président Patrick Liébus et Jean-Christophe Repon, premier vice-président de la Capeb, lors d'une conférence de presse qui s'est tenue le 12 septembre au siège de l'organisation.


"Le dialogue social doit exister"

 

La FFB dispose depuis la mise en œuvre des nouvelles règles de représentativité patronale d'une majorité de blocage, ce qui, selon la Capeb, bloque les discussions. "Nous n'aimons pas trop les positions hégémoniques, et préférons le débat", précise Patrick Liébus. "Les règles de la représentativité actuelles font que si l'un est plus gros que l'autre, le plus petit devrait se soumettre. Cela instaure une forme de chaos dans les négociations. Nous allons donc expliquer aux ministères, aux députés, qu'une autre méthode de comptage de la représentativité est possible. Nous ferons des propositions." "Le dialogue social doit exister", renchérit Jean-Christophe Repon. "Ou alors, cela signifie que le paritarisme ne sert à rien ?"

 

 

La Capeb se défend quoi qu'il en soit de s'attaquer à une organisation en particulier ou à défendre des mandats électifs ou des postes de direction. "Nous souhaitons tout simplement négocier et trouver des solutions allant dans l'intérêt de nos adhérents", assure Jean-Christophe Repon.


Le 'hic' a porté sur les conventions collectives

 

Contestant la méthodologie retenue par le ministère du Travail pour calculer le poids de représentativité des différentes organisations du secteur pour les entreprises de moins de 10 salariés - qui avait abouti à ce que la FFB soit placée devant la Capeb (avec respectivement 50,72 % et 49,28 %) -, la Capeb avait saisi la justice administrative pour obtenir qu'on lui communique "l'ensemble des éléments pris en compte" dans le cadre de l'établissement de cette liste d'organisations reconnues représentatives et, évidemment que l'arrêté révélant cette liste soit annulé.

 

La cour d'appel a finalement annulé l'arrêté sur un point non évoqué pourtant par les parties en présence, en se fondant sur le fait que la fusion des différentes conventions collectives applicables aux entreprises de moins de 10 salariés n'était pas intervenue en amont de l'édiction de la liste, la ministre ne pouvait donc pas définir les organisations représentatives de ces dernières.

 

"(…) [la ministre] a entendu agréger les résultats d'audiences obtenus dans le cadre de trois conventions collectives du secteur des entreprises du bâtiment employant jusqu'à 10 salariés et arrêter la liste des organisations professionnelles d'employeurs reconnues représentatives dans ce secteur. Toutefois, si la ministre tire des dispositions de l'article L. 2261-32 du code du travail le pouvoir de restructurer les branches par fusion du champ de plusieurs conventions collectives, il n'est ni établi ni même allégué qu'une telle fusion serait intervenue, préalablement à l'édiction de l'arrêté litigieux et selon les modalités prévues à cet article, entre la convention collective nationale relative aux ouvriers employés par les entreprises du bâtiment occupant jusqu'à 10 salariés (1596), la convention collective nationale relative aux employés, techniciens et agents de maîtrise du bâtiment (2609) et la convention collective nationale relative aux cadres du bâtiment (2420). Dans ces conditions, la ministre n'était pas, à la date de cet arrêté, compétente pour arrêter la liste des organisations professionnelles d'employeurs reconnues représentatives dans le secteur des entreprises du bâtiment employant jusqu'à 10 salariés, ni par suite pour fixer le poids respectif de ces organisations."

 

La Capeb reste toutefois prudente sur les conséquences que pourrait avoir cette décision. Va-t-elle mettre fin à la situation que l'organisation juge "hégémonique" ? Les artisans du bâtiment croient plutôt en la fixation par le Gouvernement de nouvelles règles, pour aboutir à une forme de consensus.

 

Le CCCA-BTP, la pomme de discorde FFB-Capeb
"Nous sommes très favorables à la réforme de l'apprentissage : quand le Gouvernement le met en avant en tant que voie d'excellence, nous nous y retrouvons car nous portons ce message depuis bien longtemps", explique Jean-Christophe Repon, vice-président de la Capeb. "Mais nous sommes convaincus que pour que nos CFA innovent, ressemblent de plus en plus à des campus des métiers, l'existence d'une tête de réseau telle que le CCCA-BTP est indispensable."

"La simple vision macro-économique des flux d'argent ne nous intéresse pas"

De plus, pour la Capeb, récupérer les financements du CCCA pour les rediriger vers l'Opco s'apparenterait à un "braquage". "Aucune garantie n'est en effet donnée que cet argent financerait l'apprentissage pour les entreprises de moins de dix salariés." Par ailleurs, délocaliser la gestion des CFA sur les territoires, plutôt que de centraliser une stratégie depuis Paris, ne lui paraît pas être la bonne solution. "Ce n'est pas en essaimant dans la France entière des antennes qu'on va pouvoir animer le réseau et assurer une proximité des CFA et des entreprises", estime-t-il. "Il faut une animation par une tête de réseau, si l'on veut un apprentissage de qualité, et pas seulement de quantité, qui répondraient aux besoins des entreprises et des filières en difficulté." Il dénonce dans la vision de la FFB une interprétation uniquement financière du sujet. "La simple vision macro-économique des flux d'argent ne nous intéresse pas."

 

Quant à l'idée que la Capeb souhaiterait le maintien de cette instance en tant que moyen d'obtenir des mandats et de placer des responsables, l'organisation la balaie d'un revers de main. "Je rappelle que pendant soixante-dix ans, le CCCA-BTP n'a pas été présidé par la Capeb." Jean-Christophe Repon a présidé cette instance entre 2016 et 2019, et c'était la première fois qu'un élu de la Capeb accédait à cette responsabilité.

actionclactionfp